Alors que le conflit entre Israël et le Hamas déchire le Proche-Orient, les journalistes n’ont pas payé un tribut aussi lourd qu’en 2022, rapporte Reporters sans frontières (RSF) dans son bilan des journalistes tués, détenus ou retenus en otages au cours de l’année 2023, publié jeudi 14 décembre.

Avec 521 journalistes détenus, 54 retenus en otages, 84 disparus et 45 tués dans l’exercice de leurs fonctions, l’ONG internationale enregistre une baisse dans chacune de ces catégories sur un an, mis à part dans le nombre de personnes disparues, en hausse de plus de 9 % sur la période.

► Baisse du nombre de journalistes tués dans leurs fonctions

Quarante-cinq journalistes, dont quatre femmes, ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, entre le 1 janvier et le 1 décembre 2023. C’est une baisse de plus de 25 % par rapport à 2022, et le niveau le plus bas jamais atteint depuis 2002. À titre de comparaison, « ils étaient plus de 140 à perdre la vie en 2012, ainsi qu’en 2013, du fait, principalement, des guerres en Syrie et en Irak ».

Cette diminution peut s’expliquer notamment par à un renforcement de la sécurité des journalistes dans certaines zones, depuis le début des années 2000, ceux-ci étant généralement mieux formés et mieux équipés.

Plus de la moitié de ces journalistes ont été tués sur une zone de conflit. Sur les cinq dernières années, ce chiffre est pour la première fois plus élevé qu’en zone de paix. Parmi les 17 journalistes morts au Proche-Orient, dont RSF a pu établir avec suffisamment de certitude que le décès était lié à leur activité journalistique, 13 ont péri à Gaza, ce qui en fait la zone la plus dangereuse du monde en 2023. Dans le reste de la région, trois autres journalistes ont été tués au Liban et un en Israël. Les autres journalistes tués en zone de guerre couvraient des affrontements armés dans le nord du Mali, au Soudan, en Ukraine, en Syrie et au Cameroun.

► Quatre pays concentrent plus de la moitié des journalistes emprisonnés

Au total, pas moins de 521 journalistes ont été détenus en 2023, contre 569 en 2022, soit une baisse de presque 9 %. Une grande majorité de ces professionnels de l’information sont des hommes – 454 contre 67 femmes.

Plus de la moitié de ces journalistes, hommes et femmes, sont emprisonnés dans quatre pays : la Chine (dont Hong Kong), la Birmanie, la Biélorussie et le Vietnam. Avec 121 reporters retenus, la Chine reste « la plus grande prison du monde pour les journalistes », souligne le rapport. Ils sont 42 à être détenus dans la province autonome du Xinjiang, où Pékin réprime depuis 2016 les Ouïghours, une ethnie minoritaire musulmane.

La France, elle, s’est réjouie de la libération du journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, le 18 octobre, après 284 jours d’emprisonnement en Afghanistan.

Dans le détail, Reporters sans frontières enregistre 296 détentions provisoires (plus de 48 heures de privation de liberté), 217 détentions après une condamnation (dont 5 à vie), et huit assignations à résidence. Si les femmes représentent une portion plus faible des journalistes détenus, six des huit peines les plus lourdes ont été prononcées à leur encontre.

► Presque 17 % d’otages en moins qu’en 2022

Avec 54 journalistes retenus en otages, dont 51 hommes, l’année 2023 enregistre le nombre d’otages le plus bas depuis 2017. Rien qu’entre 2022 et 2023, ce chiffre a diminué de presque 17 %. Une très large majorité des otages sont retenus en Syrie (38 au total), tandis que 9 autres sont otages en Irak. Près de la moitié des journalistes ont été kidnappés par le groupe État islamique dans ces deux pays, entre 2013 et 2015, un moment d’essor de l’organisation terroriste salafiste.

Les autres professionnels de l’information sont retenus au Yémen (4), au Mali (2) et au Mexique (1). L’année 2023 marque la fin de 711 jours de détention au Mali pour le français Olivier Dubois, kidnappé le 8 avril 2021 par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans à Gao. Depuis 1980 au Liban, « jamais un journaliste français n’avait connu une captivité aussi longue », souligne RSF.

► Sept nouvelles disparitions en 2023

Alors que le nombre de journalistes tués, détenus et retenus en otages a diminué en un an, le nombre de journalistes disparus a progressé. Reporters sans frontières estime que 84 professionnels ont disparu en 2023, contre 77 en 2022. Encore une fois ici, il s’agit d’une majorité d’hommes (71 hommes contre 5 femmes). Avec 31 journalistes portés disparus, le Mexique est en tête de liste, suivi par la Syrie (9 personnes), le Kosovo (5 personnes), le Mali et la Colombie (3 personnes chacun).

Sept nouvelles disparitions de journalistes ont été recensées cette année : 2 en Palestine, 2 au Soudan, 1 en Russie, 1 au Mexique et 1 en République démocratique du Congo. Sur l’ensemble des disparitions de journalistes, 39 sont victimes de disparitions forcées, c’est-à-dire qu’ils ont été privés de leur liberté par des agents de l’État, « qui nient cette détention ou dissimulent le sort de la personne et son lieu de détention », précise RSF.