Définition du viol : « l’absence de consentement » divise les eurodéputés

La définition du viol doit-elle être harmonisée au niveau européen ? La proposition, qui suscite l’opposition de la France et de l’Allemagne, a de nouveau été le point de blocage, ce mercredi, des discussions sur une directive contre les violences faites aux femmes.

L’eurodéputé Raphaël Glucksmann s’indigne que « 14 États membres, dont la France, la Pologne et l’Autriche, utilisent encore des définitions dépassées reposant sur la violence physique, la menace ou la coercition ».
L’eurodéputé Raphaël Glucksmann s’indigne que « 14 États membres, dont la France, la Pologne et l’Autriche, utilisent encore des définitions dépassées reposant sur la violence physique, la menace ou la coercition ». (Photo archive Caroline Blumberg/EPA)

Le projet, tel que présenté le 8 mars 2022 par la Commission européenne, prévoit dans son article 5 une définition du viol fondée sur l’absence de consentement. Le Parlement européen et plus d’une dizaine de pays comme l’Espagne, la Belgique, la Grèce, la Suède et l’Italie, sont sur la même ligne. Mais une dizaine d’États membres, notamment la France et l’Allemagne, s’opposent à ce que le viol soit inclus dans la législation, estimant que l’UE n’a pas de compétence en la matière.

« Position intenable »

À l’issue d’une quatrième séance de négociations entre les représentants du Parlement européen et des pays de l’UE, les 11 eurodéputées impliquées dans ce dossier, issues de divers bords politiques, ont exprimé leur « profonde déception et indignation » face à la « position intenable » du Conseil (États membres).

Les difficiles pourparlers, qui vont se poursuivre en janvier, concernent une directive européenne destinée à lutter contre les violences faites aux femmes. Elle vise à rapprocher les législations et la réponse pénale des 27 pays membres sur les mutilations génitales, la divulgation de vidéos intimes, le harcèlement en ligne. Mais la question du viol s’avère la plus controversée.

« Eurocrime »

Pour les pays opposés au texte, ce crime n’a pas la dimension transfrontalière nécessaire pour être considéré comme un « eurocrime » susceptible de donner lieu à une harmonisation européenne. Ce que contestent le Parlement européen et la Commission, qui considèrent que le viol peut entrer dans le cadre de « l’exploitation sexuelle des femmes », qui fait partie des « eurocrimes ». Paris et Berlin estiment aussi qu’il y a un risque que le texte soit retoqué en cas de recours devant la justice européenne.

L’absence de consentement au cœur du débat

Mais eurodéputés et mouvements féministes ne sont pas convaincus et ne cessent d’interpeller Emmanuel Macron pour que la France se rallie à une définition européenne du viol fondée sur l’absence de consentement. « Il y a une énorme mobilisation, et nous espérons que Macron, mais aussi l’Allemagne, prendront conscience que nous devons vraiment commencer à faire quelque chose pour sauver les vies des femmes et des filles », a déclaré l’eurodéputée suédoise Evin Incir (groupe Socialistes & démocrates), corapporteure du texte. Elle a accusé ces États membres de « trouver des excuses pour ne pas agir », insistant sur « l’impunité » dont bénéficient les auteurs de viols.

Une pétition à 190 000 signatures

L’Allemagne a changé en 2016 sa définition du viol, qui repose sur le principe de « non, c’est non ». « Mais ne pas avoir été en mesure de dire non ne veut pas dire que vous avez dit oui », objecte Evin Incir.

L’eurodéputé français Raphaël Glucksmann, du même groupe, s’indigne que « 14 États membres, dont la France, la Pologne et l’Autriche, utilisent encore des définitions dépassées reposant sur la violence physique, la menace ou la coercition ». La pétition « non au sabotage de la loi européenne » lancée par son mouvement Place Publique a récolté plus de 190 000 signatures.

« Nous n’accepterons pas une loi au rabais »

Les appels viennent désormais du sein même de la majorité présidentielle : les 23 eurodéputés français membres du groupe Renew Europe (centristes et libéraux) ont signé une tribune dans Le Monde, mardi, pour soutenir une « définition européenne du viol en phase avec les aspirations de notre temps ». Ils estiment que « les argumentaires juridiques byzantins opposés par les États membres donnent un sentiment de déconnexion totale avec la souffrance vécue par les victimes ».

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Du côté du groupe PPE (droite), l’eurodéputée française Nathalie Colin-Oesterlé a fait part de son « ras-le-bol » après l’échec des discussions. « Depuis le début de ces négociations en juillet dernier, 33 000 femmes ont déjà été victimes de viol en Europe », a-t-elle déploré. « Nous n’accepterons pas une loi au rabais », a-t-elle insisté.

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