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Soudan: «90% des victimes de la guerre aujourd'hui sont des civils, pas des soldats»

Au Soudan, les paramilitaires en guerre contre l'armée depuis le 15 avril, ont annoncé ce mardi s'être emparés de la ville de Wad Madani chef-lieu de l'état d'al-Jazira situé, à seulement 180 km de Khartoum. Sa prise par les FSR ouvre un nouveau front et réalise un gain stratégique qui pourrait leur permettre de contrôler tout l'est du Soudan. Entretien avec David Miliband, président-directeur général de l'IRC.

Des femmes soudanaises dans les rues de Omdurman, ville situé à côté de la capitale Khartoum, le 29 mai 2023.
Des femmes soudanaises dans les rues de Omdurman, ville situé à côté de la capitale Khartoum, le 29 mai 2023. © AFP
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Dans un communiqué, Mohamad Hamdane Daglo, qui dirige les Forces de soutien rapide, annonce que ses forces ont pris le contrôle du quartier général de l'armée, de la première division de l'infanterie, du bureau de la police, du siège du gouvernement et de l’hôpital du centre-ville après un affrontement rapide. Wad Madani était jusque-là épargnée par les hostilités.

Cette ville est devenue une ville refuge pour des dizaines de milliers de déplacés depuis le début de ce conflit il y a huit mois. Le Soudan est en tête de la liste des vingt pays dans le monde où la situation humanitaire risque de se détériorer en 2024, selon l'ONG lnternational Rescue Committee. Dans son nouveau rapport, le groupe alerte sur la situation de vulnérabilité des civils soudanais, victime de ce conflit qui a déjà fait plus de 12 000 morts, selon l'ONU.

RFI : Pourquoi le Soudan est-il en tête de votre classement ?

David Miliband : Le Soudan est le théâtre d'intenses combats qui mettent en danger la population civile. Le taux de pauvreté est très élevé : 25 millions de personnes dépendent du système d'aide humanitaire pour survivre. Le conflit a fait environ 1,6 million de réfugiés qui se sont déplacés principalement au Tchad et au Sud-Soudan. Dans le cas du Tchad, nous parlons de 600 000 réfugiés et 400 000 pour le Soudan du Sud. La pression migratoire est donc très forte.

Au Soudan, la ville de Wad Madani est devenue un refuge pour des milliers de déplacés. Comment gérer toutes ces personnes et craignez-vous que cette crise humanitaire déborde ?

Il y a une inquiétude sur le fait que ce mouvement massif de population puisse se propager aux pays voisins qui eux-mêmes sont déjà sous pression. Un processus politique pour mettre fin à la guerre est en cours à Djeddah, en Arabie saoudite. Mais le problème, c'est que certains des principaux acteurs ne participent pas à ces pourparlers. Le chemin est donc long avant d'arriver à un processus politique viable.

Comment les travailleurs humanitaires peuvent-ils intervenir dans ces zones de conflit ?

Tous les belligérants doivent respecter le droit international humanitaire. La stratégie humanitaire française, qui a été présenté aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle je suis à Paris, dit de bonnes choses sur la manière dont le secteur de l'aide humanitaire devrait être réformé.

Faut-il réformer le secteur pour permettre aux travailleurs humanitaires d'intervenir dans ces zones de conflit, peu importe l'attitude des groupes belligérants ?

Ce n'est pas si simple. Le secteur de l'aide humanitaire travaille selon des principes d'impartialité. Cela signifie que nous ne prenons pas parti, ni pour les forces gouvernementales soudanaises ni pour les forces paramilitaires. Vu que le conflit reste le principal moteur de la crise humanitaire, il ne suffit pas de faire un vœu et s'attendre à ce qu'il disparaisse. Nous dépendons d'un processus politique et de la pression exercée sur les parties au conflit pour qu'elles respectent les lois de la guerre. Malheureusement, c'est devenu de plus en plus rare. 90% des victimes de la guerre aujourd'hui sont des civils, non pas des soldats.

Comment faire pour qu’un pays comme le Soudan ne soit plus à la tête de votre classement des pays les plus dangereux pour les civils ?

Je crois que l'aide humanitaire peut réduire le nombre de morts, mais nous avons besoin de la volonté politique pour arrêter les massacres. Le plus grand espoir pour 2024 n'est donc pas seulement qu'il y ait plus d'aide humanitaire palliative, plus de financement, plus de réformes, mais aussi que l'on reconnaisse que plus ces problèmes perdurent, plus ils risquent de provoquer des dégâts non seulement dans les pays où ils démarrent, mais aussi au-delà des frontières.

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