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« Boss Bouta », trafiquant de drogue notoire et ex-président du Suriname, encore condamné à 20 ans de prison

L’ancien président du Suriname Desi Bouterse, 78 ans, jugé pour l’assassinat de 15 opposants en 1982, a été condamné mercredi à 20 ans de prison en appel.
Par H.C. avec AFP
Temps de lecture: 3 min

Il y a fort à parier qu’un jour, il essaiera de vendre son histoire à Hollywood. Parce que Desi Bouterse n’est pas un homme d’État comme les autres : il mange à tous les râteliers. Chef de junte, trafiquant de drogue réputé proche du milieu néerlandais, président de la République du Suriname, l’homme a emprunté de nombreuses voies plus ou moins obscures tout au long de sa vie. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir très populaire auprès de la classe pauvre surinamaise, grâce à des réformes sociales d’envergure, comme la gratuité de l’école publique.

Desi Bouterse a aujourd’hui 78 ans. (Photo by ANP / AFP)
Desi Bouterse a aujourd’hui 78 ans. (Photo by ANP / AFP) - AFP

Mais toutes les « bonnes choses » ont une fin, même pour l’un des hommes les plus emblématiques du Suriname. Ce mercredi, la Haute Cour de son pays a confirmé sa condamnation en 2019 pour l’exécution par balles de 15 personnes – avocats, journalistes, hommes d’affaires, militaires – en décembre 1982 alors qu’il était à la tête d’une junte.

Le procès le plus « important » du pays

Desi Bouterse, qui avait comparu librement lors du procès en appel, n’était pas présent à l’audience. À l’extérieur du tribunal, dans le centre de la capitale Paramaribo, les autorités avaient mis en place un important dispositif de sécurité. Beaucoup craignaient des troubles provoqués par ses partisans mais ceux-ci n’étaient pas présents aux abords du tribunal. « Pour assurer la sécurité, la police sera présente (…) Le gouvernement comprend l’impact émotionnel de cette affaire et appelle à l’unité, à la responsabilité et au respect de l’État de droit », avait annoncé le gouvernement dans un communiqué.

Desi Bouterse avait été condamné en première instance en 2019, deux ans après avoir pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État. Cette condamnation en appel met fin à 16 ans de procédures. Bouterse aura épuisé tous les recours judiciaires et il lui reste seulement la possibilité de solliciter une grâce.

« Il s’agit du procès le plus important de l’histoire du Suriname, a déclaré Reed Brody, membre de l’ONG de la Commission internationale de juristes. Le fait qu’une décision finale soit rendue, après tant de retards et de détours, est un hommage au courage et à l’indépendance des juges surinamais, à la persévérance des familles des victimes et à la résilience de l’État de droit », a-t-il ajouté.

Ses partisans mobilisés

L’avocate générale avait de nouveau requis 20 ans de prison contre l’ancien président. Son avocat avait plaidé l’acquittement. En juillet, Bouterse avait déclaré : « Quel qu’il soit (le verdict), je suis prêt. Parce que je suis convaincu que l’autre juge (Dieu) m’acquittera à 100 % ». Samedi, des milliers de ses partisans s’étaient rassemblés au siège de son parti pour lui exprimer leur soutien avec le slogan « Free Bouta », son surnom. « Boss Bouterse, vous n’irez nulle part. S’ils le veulent, ils peuvent venir vous arrêter chez vous. J’aimerais bien voir cela arriver », lui avait lancé un des ses partisans.

Dans son discours le même jour, l’intéressé avait lui appelé au calme : « Ne semons pas la pagaille, nous sommes des gens civilisés. Nous allons tenir jusqu’aux élections de 2025 ». Mais il avait souligné que « les choses peuvent déraper ici », allusion à de possibles troubles que pourrait provoquer son incarcération. Il avait également mis en garde les juges : « j’espère que la juge fera preuve de bon sens » et que sa décision n’aura pas « de conséquences pour le pays ».

Auteur de deux coups d’État, Desi Bouterse, ancien homme fort de l’armée, a été élu président du Suriname en 2010 et l’est resté jusqu’en 2020. Après sa condamnation à 11 ans de prison par contumace en 1999, Interpol avait émis un mandat d’arrêt contre lui aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne. Son statut de dirigeant l’a protégé de l’extradition, contrairement à son fils Dino, extradé aux États-Unis puis condamné en 2015 pour trafic de drogue et d’armes.

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