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Birmanie : la résistance à la junte retrouve des ambitions avec des saisies d'armes "sans précédent"

Une opération militaire lancée à la fin du mois d'octobre a permis de renverser la vapeur dans la guerre civile qui oppose la junte militaire birmane aux forces d'opposition alliées. Des images diffusées en décembre montrent des combattants de la résistance capturant d'importantes caches d'armes gouvernementales après avoir pris le contrôle d'avant-postes militaires. Ces saisies interviennent alors qu’une nouvelle alliance anti-junte a vu le jour et a réalisé des gains territoriaux importants.

Members of the Ta’ang National Liberation Army pose with weapons and ammunition captured from Myanmar military outposts in Namhsan, Shan State between December 10 and 15, 2023.
Des membres de l'Armée de libération nationale Ta'ang posent avec des armes et des munitions capturées aux avant-postes militaires du Myanmar à Namhsan, dans l'État de Shan, entre le 10 et le 15 décembre 2023. © Khit Thit Media
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Opération 1027 : c’est le nom de l’opération qui a débuté le 27 octobre 2023 et a offert à la résistance anti-junte birmane d'importants gains stratégiques.

L'opération est menée par l'Alliance des trois confréries, composée de l'armée d'Arakan, de l'armée de l'Alliance démocratique nationale de Myanmar et de l'armée de Libération nationale Ta'ang. Ces organisations armées ethniques ne représentent qu'une petite partie de la résistance à la junte, dans la guerre civile qui l’oppose à l’armée birmane depuis qu'un coup d'État militaire a renversé le gouvernement démocratiquement élu en février 2021.

Deux ans et demi après, l'opération 1027 a insufflé une nouvelle énergie aux mouvements opposés à ce coup d'État, les combattants de la résistance s'emparant d'avant-postes militaires clés et de territoires dans tout le pays. Des images partagées en ligne montrent des combattants posant victorieusement avec des armes, des munitions et de l'artillerie lourde.

Des images partagées sur X montrent des membres de l'Armée de libération nationale Ta'ang avec des armes et des munitions capturées dans des avant-postes militaires birmans à Namhsan, dans l'État Shan, entre le 10 et le 15 décembre 2023.
Le compte officiel du gouvernement birman d'opposition en exil a partagé ces images de l'armée nationale Ta'ang avec de l'artillerie lourde, capturée dans des bases militaires à Namhsan.

"Ils ont réussi à les prendre par surprise et à s'emparer de nombreux territoires"

Erin Murphy, analyste pour le programme Asie du Center for Strategic and International Studies et spécialiste de la Birmanie, observe : 

Ce qu'il se passe en Birmanie depuis quelques mois, c'est que l'on assiste à une coopération sans précédent entre les groupes armés ethniques. Ils ont uni leurs forces et ont réussi à les prendre par surprise et à s'emparer de nombreux territoires, des avant-postes de la junte, à s'emparer de leur équipement et de leur matériel militaire et à redonner vie aux forces anti-junte qui étaient en place depuis le coup d'État.

On voit donc ces photos de grandes caches d'armes, qu'il s'agisse d'armes semi-automatiques, de fusils, de pistolets. Ils se sont emparés d'une grande partie de l'armement de l’armée en s'emparant de ces avant-postes.

Avant-postes, villes frontalières et postes de police

Les trois groupes qui composent l'Alliance de la Fraternité opèrent principalement dans l'État Shan, qui borde la Chine, et dans l'État de Rakhine (anciennement appelé Arakan), sur la côte occidentale. Ils ont mené des attaques coordonnées, notamment dans le nord de la Birmanie.

Ces trois groupes ne sont pas nés avec le coup d’État. L'armée d'Arakan représente l’ethnie majoritaire dans l'État de Rakhine. Elle est en conflit avec les forces armées du Myanmar depuis 2009, avec pour objectif la souveraineté de l'Arakan. L'armée de libération nationale Ta'ang est quant à elle active dans l'État Shan depuis les années 1990, et se concentre principalement sur la lutte contre la production et le trafic de drogue. Quant à l'armée de l'Alliance démocratique nationale du Myanmar, ancrée dans l'idéologie communiste, elle s'oppose au gouvernement birman depuis 1989 et s'est orientée vers la résistance contre la junte en 2021.

L'armée de l'Arakan a affirmé avoir réussi à capturer 142 bases militaires – des camps, des avant-postes, des postes frontières et des postes de police – dans l'État de Rakhine depuis le début de l'opération. La rédaction des Observateurs de France 24 n’est pas en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante.

Au total, l'Alliance de la Fraternité dit s'être emparée de plus de 422 bases et de sept villes depuis le 27 octobre. La coalition a principalement opéré dans l'État de Shan, capturant plus de 100 installations militaires à la frontière chinoise, coupant de fait 40 % du commerce transfrontalier qui transitait par les postes-frontières de la région.

Une vidéo partagée sur X montre un stock d'armes capturé dans un avant-poste militaire près de Muse, une ville frontalière avec la Chine dans l'État Shan.

Erin Murphy reprend :

L'armée birmane est répartie sur l'ensemble du territoire. Au lieu d'être une force tournée vers l'extérieur, elle est en réalité interne. Elle dispose de forces de garde-frontières, d’une division d'infanterie légère, de brigades réparties dans tout le pays. Certaines sont petites, d'autres plus importantes, et elles sont réparties dans chaque État et chaque région du pays.

Des images partagées sur X montrent l'armée de libération nationale Ta'ang dans une base militaire à Namhkam, dans l'État Shan, capturée le 18 décembre.

Certains des avant-postes pris par ces organisations armées ethniques sont donc relativement petits, mais d'autres sont de taille moyenne. Ce qu'elles ont pu saisir est assez inédit et impressionnant. Mais il ne faut pas oublier que l'armée birmane est toujours en mesure d'obtenir de bien meilleurs équipements auprès de la Chine, de la Corées du Nord, de la Biélorussie ou de la Russie. Mais si la résistance continue, elles pourraient alors disposer d'une puissance de feu équivalente.

Des armes de meilleure qualité

Il est établi que les organisations armées et les milices se fournissent en armes auprès de réseaux de trafiquants ou en fabriquent elles-mêmes, parfois même par impression 3D. Cependant, ces armes ne sont pas d'une qualité irréprochable. La prise de bases militaires a permis aux résistants d'ajouter à leur arsenal des canons d'artillerie, des fusils anti-matériel de fabrication chinoise et des mitrailleuses.

Des photos diffusées sur X montrent une partie de l'artillerie saisie par l'Armée de libération nationale Ta'ang dans l'État de Shan.

L'objectif est également de montrer à la junte qu'elle est affaiblie, qu'elle perd des territoires et des armes. L'opération 1027 a également encouragé d'autres groupes armés et milices ethniques, comme les Forces de défense du peuple (PDF) – la principale branche militaire du gouvernement d'opposition en exil du Myanmar – à intensifier leurs attaques contre la junte. Enfin, les saisies d'armes servent également à remonter le moral du mouvement de résistance et à attirer l'attention de la communauté internationale.

Erin Murphy explique :

Ces photos sont certainement utilisées dans un but de relations publiques, pour montrer au monde ce qu'ils sont capables de faire et elles aident certainement à remonter le moral des troupes. Car les groupes armés, comme les civils qui résistent par le biais de manifestations, se demandent vraiment si la communauté internationale les a oubliés. L'Ukraine et Gaza ont détourné l'attention de la Birmanie.

Deux groupes alliés à l'Alliance de la Fraternité ont capturé un poste de police à Nyaung Pin Thar, dans le sud du Myanmar, le 13 décembre. Des photos partagées sur X montrent les armes qu'ils ont capturées.

Selon The Irrawaddy, un média birman d'opposition, plus de 650 soldats de la junte se sont rendus ou ont fait défection depuis le début de l'opération 1027.

La Chine a contribué à faciliter les pourparlers et un cessez-le-feu temporaire entre les militaires au pouvoir et les groupes anti-junte. Lalgré ce cessez-le-feu annoncé le 14 décembre, les combattants de la résistance ont continué à s'emparer de territoires clés.

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