La Plagne : la station de ski la plus fréquentée au monde ferme plusieurs pistes à cause de la crise climatique

Alors que les premiers amateurs de glisse dévalent les pistes de ski depuis 10 jours à peine, ces derniers auront peut-être remarqué que le domaine skiable de La Plagne, en Savoie, a quelque peu changé cet hiver. La station la plus fréquentée au monde avec plus de 2,5 millions de skieurs chaque année, a pris une décision inédite et radicale : celle de démonter toutes ses infrastructures en haut du glacier de la Chiaupe, situé à plus de 3 250 m d’altitude.
"Là où certaines stations réfléchissent encore à agrandir leur domaine, nous sommes l’une des premières à faire le chemin inverse, en décidant de rendre à la nature près de 9 hectares", explique à Novethic Luc Nicolino, directeur des pistes de la société d’aménagement de La Plagne (SAP). Au total : 35 pylônes, 2,5 km de câbles, trois remontées mécaniques et 600 m2 de bâtiments ont été enlevés. À la place, une nouvelle télécabine a vu le jour 200 m plus bas, sur un autre versant, considéré comme "plus sain".

"Il aurait fallu démonter la montagne pour maintenir ces deux malheureux télésièges"

"De La Chiaupe, il ne reste plus qu’un tout petit glacier", déplore Luc Nicolino, qui a vu tout au long de sa carrière cette langue de glace se réduire sous l’effet du changement climatique. "Les bordures du glacier se sont dégradées, le permafrost (ou pergélisol en français, NDLR) fond et le terrain qui supportait les anciens équipements s’effondre, ce qui nous obligeait à réaligner fréquemment les télésièges", explique ce responsable. Alors au moment du renouvellement du matériel arrivé en fin d’exploitation, la question s’est posée de prolonger l'équipement ou non. "On aurait pu continuer à maintenir ces appareils en place mais pour un coût exorbitant et avec des travaux qui ne sont plus à l’ordre du jour. Il aurait fallu démonter la montagne pour maintenir ces deux malheureux télésièges", souligne-t-il.
"Cela fait un moment que l’on sent les effets du changement climatique, mais l’on n’imaginait pas que cela puisse se passer aussi vite, à l’échelle d’une vie humaine", reconnaît le directeur des pistes de la SAP. Dès 2020, Météo France alertait déjà : "Les régions de montagne sont plus touchées que les plaines par le changement climatique : l’élévation de température y est en général plus forte qu’en moyenne sur la planète". Et cette prévision s’est révélée bel et bien exacte. Le 11 octobre 2022, un important éboulement a secoué La Plagne. Une partie de l’ancien glacier de Bellecôte, non loin de La Chiaupe, s’est écroulée. Près de 10 000 tonnes de roches ont dévalé effaçant l’une des pistes du domaine. Un événement qui a conforté les responsables de la station dans le fait qu’il était temps d’arrêter le ski dans cette zone. 

S’adapter pour durer

Reste à penser au temps long. "À cette altitude, nous avons encore de belles années devant nous mais nous ne pouvons pas fermer les yeux, il faut penser à la diversification", nous confie Luc Nicolino. "Chaque investissement fait dans du matériel est aujourd’hui réfléchi afin qu’il soit utile l’hiver comme l’été", précise-t-il. Les télécabines sont ainsi conçues pour transporter aussi bien les skieurs que les vététistes ou les randonneurs.
La Plagne, tout comme un grand nombre de stations situées en général plus bas en altitude, tentent donc de déployer un nouveau modèle de tourisme fonctionnant autour des quatre saisons. "Il faut sortir du tout-ski en ayant d’autres activités touristiques qu’il y ait de la neige ou pas pour que cela puisse fonctionner toute l’année de manière rentable", a expliqué à France Inter le président-directeur général de la Compagnie des Alpes, Dominique Marcel. Ajoutant que "le tout-ski est inadapté, mais le sans-ski n’est pas viable".
Blandine Garot