Pour les Pas-de-Calaisiens, le cauchemar se répète. Mi-novembre, le département était touché par des
inondations dévastatrices durant plusieurs jours d’affilée, faisant de nombreux dégâts dans plus de 260 communes. Mais pas le temps pour les habitants de faire sécher leur maison ou de racheter des meubles : moins de deux mois plus tard, l’eau est de nouveau montée.
"Près de 100 millimètres de pluie" cumulés en six jours entre samedi 30 décembre et jeudi 4 janvier pourraient être enregistrés, indique Jacques Billant, préfet du Pas-de-Calais.
Si une douzaine de cours d’eau sont classés en vigilance orange dans le Nord, l'Aisne, les Ardennes, la Meuse, la Moselle, la Meurthe-et-Moselle ou encore le Finistère, tous les regards sont portés avec attention sur l’Aa, fleuve côtier traversant les Hauts-de-France, classé en rouge mercredi 3 janvier.
"Dans le Pas-de-Calais, une crue exceptionnelle est en cours sur l'Aa, les niveaux étaient stabilisés mercredi matin mais une reprise est envisageable dans la journée compte tenu des précipitations à venir", sur des sols saturés, écrit Vigicrues dans son bulletin du mercredi 3 janvier.
Des niveaux records
Au niveau de la station d’Elnes, le niveau de l’eau a ainsi atteint 2,51 mètres au maximum, bien au-delà de la précédente crue remontant à 2020 où le fleuve était monté à 1,59 mètre. Résultat, plus de 190 personnes ont été évacuées de leurs logements depuis dimanche 31 décembre dans le département et 120 sapeurs-pompiers ont été envoyés en renfort sur place. Des "moyens très conséquents, de pompage en particulier", vont également être déployés a annoncé Julien Marion, le directeur général de la sécurité civile, dépêché par le ministère de l'Intérieur.
Une situation qui pourrait devenir de plus en plus fréquente dans la région selon les scientifiques.
"Les inondations sont le premier risque naturel répertorié dans les Hauts-de-France, devant les submersions marines et le retrait-gonflement des argiles", expliquait à Novethic Anastasia Ivanovsky, coordinatrice de l'Observatoire Climat du Centre Ressource du Développement durable (Cerdd), en novembre dernier. En toile de fond, notamment, les impacts du changement climatique sont pointés du doigt. Une étude publiée le 27 novembre par
des chercheurs du CNRS et de l'Institut Pierre-Simon Laplace va en ce sens.
Le changement climatique à l’œuvre
Selon les conclusions du rapport, "les fortes précipitations de l’automne 2023 à l’origine d’inondations en France et en Italie ont probablement été renforcées par le changement climatique." Pour cela, les scientifiques ont comparé les conditions climatiques de ces épisodes à des événements similaires survenus entre 1979 et 2000, en se basant sur les modèles de pression. Ils ont alors observé "une augmentation de 1 à 3 millimètres/jour" des précipitations, soit l’équivalant de 15 à 30% supplémentaires, "le long des côtes atlantiques françaises et des côtes tyrrhéniennes italiennes."
En conséquent, les débits augmentent, parfois au-delà des capacités d’absorption des sols.
"On sent que toutes nos statistiques hydrologiques sont défiées par le changement climatique, puisque là on atteint, en l'espace de quelques mois, des niveaux jamais quasi atteints, en tout cas sur certains cours d'eau", analyse par ailleurs
Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, auprès de France Inter. À noter que dans le cas du Pas-de-Calais,
d’autres facteurs viennent aggraver ce scénario. La nature des terres, la topographie de la zone, mais aussi le manque d’entretien des infrastructures rendent le département particulièrement vulnérable aux fortes précipitations.
Florine Morestin avec AFP