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Études supérieures : les jeunes des milieux populaires se sentent moins capables de réussir, selon un sondage

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Les jeunes des quartiers populaires et des territoires ruraux se projettent beaucoup moins dans les études supérieures que les élèves plus favorisés, selon une étude Viavoice pour six associations spécialisées dans l'égalité des chances publiée ce lundi 8 janvier.

Des lycéens dans un établissement de Poitiers (Vienne). Illustration. Des lycéens dans un établissement de Poitiers (Vienne). Illustration.
Des lycéens dans un établissement de Poitiers (Vienne). Illustration. © AFP - JEAN-FRANÇOIS FORT / HANS LUCAS

Les élèves des milieux populaires aspirent beaucoup moins à faire des études supérieures et doutent fortement de leur capacité à réussir. C'est le résultat d'une étude Viavoice publiée ce lundi et commandée par six associations spécialisées dans l'égalité des chances : l’Afev, Article 1, Chemins d’avenirs, JobIRL, Tenzing et 100.000 Entrepreneurs. Ces dernières dénoncent "les inégalités sociales et territoriales qui continuent de déterminer le futur des jeunes Français" alors que la phase de vœux 2024 sur Parcoursup débute le mercredi 17 janvier.

Des aspirations conditionnées par le milieu social et l'origine géographique

Selon l'étude, les difficultés sociales et territoriales des élèves interrogés ne leur permettent pas de se projeter "vers une orientation réaliste et ambitieuse". À la question "Que veux-tu faire plus tard ?", les réponses apportées par les lycéens montrent de façon claire que leur milieu social et leur lieu de vie conditionnent leur futur : les enfants de catégories socio-professionnelles plus aisées (CSP+) citent les métiers de médecin ou professeur en tête. Les enfants des catégories socio-professionnelles modestes (CSP-) citent davantage les métiers de l’artisanat, de l’industrie ou du BTP. "Encore aujourd’hui, si vous êtes jeune d’origine modeste dans un territoire rural ou un quartier dit sensible, accéder aux métiers de la tech, devenir journaliste, médecin ou écrivaine vous est trop souvent interdit", note Salomé Berlioux, fondatrice et directrice générale de Chemins d’avenirs, qui agit pour les jeunes ruraux.

Les jeunes des milieux modestes se disent aussi moins capables d'atteindre un certain niveau d'études. 60% des jeunes ruraux issus de CSP- ne se sentent pas en capacité d’obtenir un diplôme de licence (Bac+3), alors "qu’il est de plus en plus difficile de trouver un métier lorsque l’on est peu diplômé", indique Benjamin Blavier, cofondateur et président exécutif d’Article 1. Ils sont 28% chez les jeunes urbains de familles CSP+, soit 32 points d'écart. Par ailleurs, ils sont 49% chez les jeunes urbains issus de familles CSP-. "Il y a un véritable décrochage en orientation pour les jeunes de milieu modeste, a fortiori lorsqu’il s’agit des jeunes ruraux, avec des écarts alarmants entre ces jeunes ruraux et leurs camarades urbains lorsqu’il s’agit de leur avenir" détaille encore Salomé Berlioux. On voit donc très clairement se dessiner une double reproduction, sociale et géographique, dont les jeunes ruraux issus de familles CSP - sont les plus grandes victimes."

Inégalités d'informations

L’environnement proche des lycéens, et notamment les parents, concentre la majorité des sources d’informations pour construire leur futur. C’est cet environnement scolaire et familial qui joue un rôle prépondérant dans leurs aspirations académiques puis professionnelles et accentue la reproduction des inégalités. Ainsi, selon l'étude Viavoice, seuls 44% des enfants dont aucun parent n’est diplômé du supérieur pensent pouvoir prétendre à un diplôme de niveau licence. Ils sont 64% chez ceux dont au moins un des parents est diplômé. "Avec le même cursus scolaire, avec les mêmes informations données par l'Éducation nationale, on n'a pas les mêmes chances de choisir son orientation en fonction de là où l'on est né. Ce qu’on voit ici, c'est la mécanique de la reproduction sociale et géographique", explique la fondatrice et directrice générale de Chemins d’avenirs.

Salomé Berlioux, directrice générale de Chemins d'avenir
Salomé Berlioux, directrice générale de Chemins d'avenir © AFP - Damien Grenon / Photo12

Au-delà de leurs parents, les élèves s’appuient sur trois ressources principales pour réfléchir à leur orientation. "Ils citent en priorité leurs professeurs (67%), les sites spécialisés (52%) et leur famille proche, cousins, cousines, oncles et tantes (50%), précise Salomé Berlioux. Cela veut dire que 3 des 4 premières sources citées sont variables en fonction de la famille dans laquelle ces jeunes sont nés et des établissements dans lesquels ils sont scolarisés." Pour construire leur orientation, les jeunes aimeraient plutôt privilégier des dispositifs d’ouverture au contact avec des entreprises, révèle l'étude. 54% souhaitent échanger avec des professionnels d’un secteur qui les intéresse, 46% ont envie de réaliser des stages, 33% évoquent une meilleure information sur les formations disponibles et 30% veulent visiter des universités ou des entreprises.

Salomé Berlioux évoque également "d’autres freins, lourds de conséquences quand on veut construire son parcours d’orientation" et notamment "les freins psychologiques sur le thème de 'ce n'est pas pour moi parce que je viens de la campagne ou de banlieue'". Selon elle, "c’est peu de dire que ces jeunes sont désavantagés lorsqu’ils postulent à une formation ou veulent s’insérer dans la vie professionnelle."

La mobilité déterminante

Pour les jeunes qui habitent à la campagne et qui sont donc parfois éloignés des lieux de formation, "la capacité de ces jeunes à bouger - ou non - est déterminante dans leur orientation", indique également Salomé Berlioux. Si vous êtes un collégien ou un lycéen dans un hameau de l’Ain, de l’Orne ou de Guadeloupe, et que vous voulez accéder à une formation ou à un stage qui n’existent pas à proximité immédiate de votre domicile familial, comment faites-vous ? Vous devez bouger. Et pour bouger, il faut vous sentir autorisé et en avoir concrètement les moyens, pour financer vos allers-retours, votre logement, votre vie quotidienne. Ce n’est clairement donné à tout le monde" poursuit-elle. Le sondage rappelle d'ailleurs que sur l’ensemble des jeunes qui ne souhaitent pas déménager pour accéder à un diplôme en lien avec un projet de métier, la moitié pointe le manque de moyens financiers comme un obstacle.

"La prise de conscience est lente à l’échelle du pays"

"Pour que le système soit équitable, les jeunes défavorisés sur le plan social et / ou géographique ont besoin d’un accompagnement en plus, spécifique et adapté aux obstacles qu'ils ont à surmonter" estime Salomé Berlioux qui assure "qu’il n’existe pas de solution miracle". Cette dernière avait été missionnée en 2020 par le ministère de l'Éducation nationale "sur le thème Orientation et Égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes". "Sur nos 25 préconisations d'alors, trois font aujourd’hui l’objet de politiques publiques, indique la présidente de Chemins d'avenir qui cite le dispositif des Territoires éducatifs ruraux. Ils permettent la collaboration d’acteurs aussi variés que l’Éducation nationale, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations au service de solutions concrètes pour les jeunes de ces territoires" poursuit-elle, tout en confiant que "sur la question des jeunes ruraux, la prise de conscience est lente à l’échelle du pays".

Méthodologie

Enquête de l’Afev, Article 1, Chemins d’avenirs, JobIRL, Tenzing et 100.000 Entrepreneurs, menée par Viavoice auprès de 1.000 jeunes français âgés de 15 ans à 16 ans. Les interviews ont été réalisées en ligne du 23 octobre au 5 novembre 2023 auprès d’un échantillon représentatif de jeunes âgés de 15 à 16 ans. La représentativité a été assurée par la mise en place de quotas sur le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle de la personne de référence, la catégorie d’agglomération et la région d’habitation des répondants. Les résultats ont également été redressés sur le niveau et les filières de scolarisation des répondants.

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