« En un mois l'Ehpad a tué mon père » : une famille attaque un établissement en Sarthe

Diana Perunisic a choisi l'Action-l'Echo pour livrer son poignant témoignage. Elle accuse l'Ehpad du Foulon à La Ferté-Bernard d'être à l'origine de la mort précipitée de son papa.

Diana en compagnie de son papa... avant son entrée à l'Ehpad.
Diana en compagnie de son papa… avant son entrée à l'Ehpad. ©Diana Perunicic
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Novak Perunicic est entré à l’Ehpad du Foulon, à La Ferté-Bernard (Sarthe), le 2 novembre 2023. Hospitalisé au Mans, le 5 décembre, « à cause d’une déshydratation extrême », il est décédé samedi 16 décembre.

« En un mois, l’Ehpad a tué mon père », lance Diana. C’est par ces mots que débutait le mail que sa fille nous a envoyé, peu avant la disparition de son père : « Je viens vers vous car, si je ne peux pas sauver mon papa, je peux peut-être prévenir les risques encourus par certains résidents d’un Ehpad qui se veut familial, populaire, convivial et chaleureux. » 

Plusieurs Ehpad avaient refusé son père

La femme vise ici l’établissement fertois du Foulon (la réponse de l’Ehpad est sur notre site internet). Son père y a été résident pendant un mois et trois jours.

Il y est rentré droit et marchant. Même s’il était très fatigué, il pouvait se déplacer. 

Diana Perunicic

Gardien d’immeuble dans le XVe arrondissement de Paris, là-bas, Novak est connu sous le surnom de « Moustache ». Touché par la maladie depuis 2019, et plus précisément par la démence à corps de Lewy, Novak s’est affaibli au fil des années. « J’ai arrêté toute activité professionnelle pour m’occuper de mon papa. On était tous autour de lui non-stop », glisse Diana.

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Le quotidien devenu trop lourd en tant qu’aidant, les enfants Perunicic décident donc de placer leur papa dans un établissement spécialisé. Et face à la pathologie – considérée comme lourde dans certains cas – plusieurs établissements ont refusé d’accueillir Novak comme résident. « Ils n’en avaient pas les capacités et aujourd’hui, je les en remercie. » Le Foulon, lui, a accepté. 

« On nous vend du rêve »

Discussion avec l’équipe, visite, la famille est comblée.

On nous présente une prise en charge personnalisée. Finalement, on se rend compte qu’on nous vend du rêve et des mesures utopiques. 

Diana Perunicic

Parmi les demandes de la famille, « on voulait qu’il ait de la pâte à modeler pour travailler sa motricité fine, qu’il soit descendu au salon pour solliciter ses jambes et qu’il voit du monde ». 

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Dès le premier jour, les « ennuis » vont commencer. « Il intègre une chambre qui n’est pas du tout celle présentée lors de la visite de la chambre témoin. Là, elle était sous comble et exigüe », fait remarquer Diana. 

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Et la première nuit est compliquée, « mon papa s’est enfui de sa chambre ». L’établissement a donc rapidement rectifié la donne et intégré Novak à l’étage des déambulants. « Cette chambre était vétuste, le fauteuil déchiré, la tuyauterie rouillée, fissures sur le mur, etc. » 

« Dans un état léthargique »

Pour autant, la famille semble écoutée. « Quand nous venons en visite, mon papa est dans le salon, tout est parfait, il est habillé. Enfin, ça, c’est quand on prévient. » Les visites à l’improviste s’enchaînent et la situation s’aggrave. « On arrive à 14 h, il est encore au lit, à 16 h, pareil. Il dort tout le temps ! Et leur réponse favorite, c’est ‘on ne voulait pas le déranger’. Pour les repas, pareil ! »

Alors quand Diana arrive dans l’après-midi, elle nourrit son papa. « Je récupérais un plateau. Et ils le recouchaient à 19 h. C’est fou, il ne faisait que dormir. En même temps, ils ont doublé sa dose de mélatonine sans consulter ma sœur qui est son médecin traitant », tente d’expliquer la famille. 

Un fauteuil roulant cassé

Diana poursuit et a la douleur de voir chaque jour son père « dans un état léthargique. Il commence à avoir de la fièvre. Il a une boule qui commence à pousser sur le côté droit du cou. »

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Elle s’indigne : « malgré mes alertes, le médecin ne l’a vu que sept jours après. Il me répondait qu’il dormait de ce côté donc il n’allait pas le déranger ». 

Les reproches à l’établissement s’enchaînent. Elle liste : « il a envoyé des vêtements à la blanchisserie à son arrivée pour les étiquer, nous ne les avons toujours pas reçus. Il a des affaires (un rasoir notamment) qui ont disparu. Et son fauteuil roulant était cassé, on ne pouvait pas le balader. Il recevait de la nourriture mixée, alors qu’il pouvait très bien manger normalement. Pour avoir une perfusion, nous avons dû insister et réclamer ». 

Trois morts le même mois

Juste avant son décès, Diana feignait l’espoir. « Il y a eu trois morts dans le même mois là… Je lui dis de s’accrocher qu’on mangera du flan quand tout ira mieux. » Elle espérait également sa sortie, mais pas de retour par la case Ehpad. « Je le prendrai chez moi s’il le faut. » Malheureusement, elle en n’aura pas eu l’occasion.

Le 5 décembre, tout bascule.

Ma sœur, voyant l’état de mon papa se dégrader, a demandé une prise de sang en urgence. Les résultats ont mis longtemps à remonter jusqu’à nous, et nous avons demandé son hospitalisation. 

Diana Perunicic

Infections, déshydratation, escarres…

Stéphane Hochet, meilleur ami de Diana, précise et enrage : « quand le médecin a vu les résultats, il a dit ‘on verra demain’. Le mec s’est enfuit ».

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Le bilan est pourtant lourd pour Novak : « Mon père devenait bleu. Il avait deux infections au rein et au poumon. Il était en déshydratation extrême, et avait des nécroses au talon. A l’hôpital, ils ont été clairs, on aurait attendu le lendemain, il n’était plus là. Les soins promulgués dès son arrivée démontrent les failles du Foulon ».

Le dossier envoyé à l’ARS

A la suite du décès de Novak Perunicic, la famille a contacté l’ARS (Agence Régionale de Santé, NDLR). « Le directeur de l’agence départementale m’a répondu. Il prend en charge le dossier, en mettant en demeure le Foulon de déclarer un EIG (Événement indésirable grave, NDLR), une déclaration qui permettra aux agents de l’ARS de mener des investigations plus poussées. » 

Si Diana a souhaité mettre la lumière sur son histoire familiale, c’est parce qu’elle « souhaite que plus aucune famille ne souffre, ni ne fasse souffrir son proche en le plaçant dans ces établissements qui se veulent ‘résidence d’accueil et hospitalière’ ».

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