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Taïwan : l’élection qui aura des impacts à l’échelle de la planète

Un groupe de personnes.

Un partisan agite le drapeau national taïwanais lors d'un rassemblement électoral, une semaine avant l'élection présidentielle.

Photo : AFP / Yasuyoshi Chiba

Le scrutin qui aura lieu samedi prochain est un moment-charnière pour la souveraineté de Taïwan. L’issue du vote décidera des relations avec la Chine communiste qui compte prendre le contrôle de l’île. Cette élection aura aussi d’importantes conséquences géostratégiques pour la planète entière.

À moins d’une semaine du vote, c’était ce qu’on surnomme le superdimanche. Les trois grands partis ont tous organisé un gigantesque rassemblement à Kaohsiung, dans le sud de Taïwan. C’était la dernière grande occasion de séduire les électeurs de la région.

L’ambiance était électrique. Par moments, on aurait cru qu’on assistait à une partie de baseball, le sport national de Taïwan.

Les chants sont toujours passionnés. Les partisans dans la foule portent des casquettes ou des vêtements aux couleurs de leur parti politique favori.

Une vendeuse de casquettes et de drapeaux.

La vente de drapeaux et de casquettes a le vent en poupe lors d'un rassemblement électoral du principal parti d'opposition, le Kuomintang.

Photo : AFP / Yasuyoshi Chiba

Encore une fois, comme à chaque rassemblement politique, l’ombre de la Chine plane. Les relations tendues avec la Chine, les craintes d’une invasion et aussi d’une guerre entre Pékin et Washington sont au cœur de cette élection pour les 19 millions d’électeurs taïwanais.

La Chine nous intimide constamment, lance une partisane du Parti démocrate progressiste (DPP) portant un bandeau vert. Nous devons nous tenir debout.

Au rassemblement du parti d’opposition, le Kuomintang (KMT), une dame explique qu’elle va voter pour le parti, car elle souhaite des relations plus harmonieuses et surtout la paix avec la Chine, ce que le KMT promet.

On ne trouve pas beaucoup de marchandises qui n’ont pas le sceau "Made in China" à Taïwan. Ça démontre à quel point de grands pans de notre économie dépendent de la Chine et que les relations économiques entre la Chine et Taïwan sont fortes. Je crois qu’il devrait y avoir un dialogue constructif entre les deux, soutient un partisan du Parti populaire taïwanais, drapeau à la main.

Paix versus guerre et démocratie versus autoritarisme

Dans cette campagne électorale qui a lieu à un des moments les plus tendus de l’histoire de Taïwan, trois candidats à la présidence et trois visions des relations avec la Chine s’affrontent.

Lai Ching-te, le vice-président sortant, est le candidat du DPP au pouvoir. Pékin en a horreur et le qualifie d’indépendantiste.

Un homme entouré d'un groupe de personnes s'exprime devant un micro.

Le candidat à la présidence de Taïwan et actuel vice-président du Parti démocrate progressiste (DPP), Lai Ching-te, est considéré comme le favori de la présidentielle taïwanaise.

Photo : AFP / Yasuyoshi Chiba

Le maire de Nouveau Taipei, Hou Yu-ih, représente le parti nationaliste Kuomintang. Le DPP le surnomme le candidat de Pékin, celui qui va vendre Taïwan.

Ko Wen-je, l’ex-maire de Taipei, espère brouiller les cartes. Il est le candidat du Parti populaire taïwanais. Il souffle le chaud et le froid, mais il souhaite un certain rapprochement avec la Chine. Le KMT veut rallier l’opposition et implore les Taïwanais de ne pas gaspiller leur voix en votant pour Ko Wen-je.

Lev Nachman analyse cette campagne. Il est professeur adjoint de sciences politiques à l’Université nationale Chengchi.

Ce qui différencie la politique taïwanaise de celle des États-Unis ou de l’Europe, c’est le fait que la question que tout le monde se pose à Taïwan est de savoir quelle sera notre future relation avec la Chine et dans quelle direction nous voulons que Taïwan aille.

Le KMT dit que c’est un choix entre la guerre et la paix. Le Parti démocrate progressiste dit que c’est plutôt démocratie contre autocratie. C’est une vision simpliste des choses, mais les deux bases voient vraiment l’élection de cette manière.

Une citation de Lev Nachman, professeur adjoint de sciences politiques à l’Université nationale Chengchi

Ce qui rend la dernière semaine de campagne électorale si importante et particulière à Taïwan, c’est que la loi électorale interdit la publication de sondages dans les 10 derniers jours avant le vote. Il est également interdit de publier les anciens résultats et de les commenter sous peine de lourdes amendes.

Le reportage de Philippe Leblanc

Combattre l’ingérence chinoise

La question de la désinformation chinoise revient aussi à chaque campagne électorale et, cette fois-ci, les Taïwanais se défendent.

Alors que les partis politiques préparaient leurs rassemblements de la fin de semaine, des dizaines de jeunes participaient à un atelier sur les dangers de la désinformation. Des forums et ateliers de formation du genre sont monnaie courante et encore plus fréquents depuis quelques semaines, car les craintes de manipulation du vote par la Chine sont élevées.

Nous comprenons tous à Taïwan qu’une certaine dictature veut faire croire aux Taïwanais que la démocratie est inutile, qu’ils n'en ont pas besoin. On nous dit : "Vous ne méritez pas la démocratie", affirme Billion Lee, cofondatrice de l’organisme citoyen de vérification de faits en ligne CoFacts.

Je veux prouver que c'est faux. Chez CoFacts, nous croyons aux initiatives citoyennes. Nous voulons aussi protéger la liberté d'expression.

Une citation de Billion Lee, cofondatrice de l’organisme citoyen de vérification de faits en ligne CoFacts
Ils sont sur une plage.

Des soldats taïwanais participent à un exercice militaire simulant l'invasion de l'île par l'armée chinoise.

Photo : Getty Images / Annabelle Chih

Le journaliste Lee Chih-te d’Asia Fact Check Lab ajoute pour sa part qu’avec l’importance accrue des réseaux sociaux, dont TikTok qui est contrôlé par la Chine, la désinformation sur la campagne électorale et sur l’aide américaine en cas de conflit est amplifiée.

La désinformation chinoise est présente, mais aussi la coercition économique militaire. L'intrusion de ballons chinois, semblables à celui qui a survolé les États-Unis l’an dernier, a lieu chaque jour sur le territoire taïwanais depuis un mois.

Les tentatives d’ingérence de la Chine sont réelles et multiples. De nombreux électeurs, de tous les partis, n’hésitent pas à le dénoncer. La Chine essaie de manipuler nos élections chaque fois. On le sait tous. Ça m’inquiète, déclare une partisane du DPP.

Conséquences planétaires

Il n’y a pas que la question des relations avec la Chine dans cette campagne électorale. Les enjeux comme l’inflation, le logement et la sécurité routière ont aussi leur importance. En d’autres circonstances, le DPP au pouvoir depuis huit ans aurait pu être emporté par les différents scandales et l’usure du pouvoir. Mais sa position ferme face à la Chine le place en bonne position, explique le journaliste Lee Chi-te.

Ce n’est pas que les gens soient très satisfaits du DPP. Je dirais plutôt que l’immense menace venant de la Chine a étouffé la volonté des gens de changer de parti au pouvoir.

Une citation de Lee Chi-te, journaliste

En revanche, une électrice disant voter DPP et rencontrée dans un rassemblement du KMT espère que la question chinoise ne deviendra pas une échappatoire pour le Parti progressiste démocrate afin d’éviter de répondre aux questions de politique locale.

L’analyste Lev Nachman explique que l’élection présidentielle de Taïwan aura des répercussions au-delà de l’Asie, car le sort de Taïwan est le principal différend entre la Chine et les États-Unis. Il n’y a pas seulement les relations entre Taïwan et la République populaire de Chine qui seront touchées, mais aussi les relations entre la Chine et les États-Unis, dit-il.

Il poursuit en rappelant que, plus tard cette année, les États-Unis tiendront leur propre élection présidentielle. En fonction du résultat de l'élection présidentielle américaine, cela aura aussi une grande influence non seulement sur les relations entre les États-Unis et la Chine, mais aussi sur les relations entre les États-Unis et Taïwan et sur les relations entre Taïwan et la Chine. Donc, le prochain président taïwanais devra également gérer cette relation avec les États-Unis.

Le scrutin aura lieu samedi prochain. À en juger par l’influx de journalistes provenant des quatre coins de la planète pour couvrir le vote, les yeux du monde seront rivés sur Taïwan.

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