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Froid en Ukraine : cinq millions d'habitants ont faim, le président des banques alimentaires européennes lance un appel aux dons

Le focus: Jacques VANDENSCHRICK, Président de la FEBA

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InfoPar Kevin Dero sur base d'une interview de François Heureux

Tandis qu’un froid piquant s’installe sur notre pays ce matin, que dire du temps en Ukraine ? -19 °C à Kiev et des températures qui devraient rester sous zéro encore au moins pendant deux semaines. Un froid qui rend la vie des civils ukrainiens (encore plus) difficile, voire insupportable, d’autant que c’est le moment que choisit la Russie pour relancer ses bombardements à grande échelle. Des milliers d’habitants sont donc de surcroît privés d’électricité et les transports sont fortement perturbés. Jacques Vandenschrik, le président de la Fédération des banques alimentaires européennes (la FEBA) était l’invité de François Heureux dans notre matinale.

Situation éprouvante

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine il y a bientôt deux ans, des millions d’euros ont été débloqués en aide alimentaire en faveur des civils ukrainiens. Une nouvelle campagne, Food for Ukraine, est lancée par les banques alimentaires. Il s’agit là d’une nécessité, car la situation des civils, sur place, est critique, et, selon notre interlocuteur, ne fait qu’empirer : "chaque jour, des industries et des commerces sont détruits, des gens perdent leur emploi et n’ont plus accès à la nourriture pour des motifs économiques — leur priorité allant probablement au logement. Dans les zones proches de la ligne de front, il n’y a plus un magasin où on peut se fournir en nourriture… ".

Chaque jour, des industries et des commerces sont détruits

A revoir : sujet JT du 2 janvier

Guerre en Ukraine : Nouvelles frappes massives de la Russie

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Aider sur place, par des acteurs sur le terrain

Comment venir en aide aux populations dans le besoin ? Le cas ukrainien est un cas à part, explique Jacques Vandenschrik. Il ne s’agit pas ici pour les diverses banques alimentaires européennes, de fonctionner comme elles le feraient dans leurs pays respectifs. Envoyer des colis là-bas n’est pas la bonne solution, comme le souligne notre invité : " Ce n’est pas possible, d’abord parce que la culture alimentaire ukrainienne n’est pas la nôtre. Elle n’est pas italienne, pas espagnole, pas belge non plus… D’autre part, il y a les coûts de transport, des coûts logistiques qui sont considérables. Nous l’avons fait au tout début de l’invasion, mais on s’est très rapidement rendu compte que les étiquettes des aliments n’étaient pas lisibles pour les Ukrainiens par exemple… ". Il n’y a donc pas d’autre solution pour les aider que d’acheter de la nourriture… leur nourriture. Et donc acheter localement, ce qui soutient de surcroît l’économie locale.

La culture alimentaire ukrainienne n’est pas la nôtre

Double peine

Pour l’association des banques alimentaires, la levée de fonds actuelle est primordiale. Tout d’abord pour " essayer de passer l’hiver ". Une saison froide qui va être rude et pour laquelle Jacques Vandenschrik estime qu’il y a aujourd’hui cinq millions d’Ukrainiens qui sont en situation d’insécurité alimentaire. " Avec ce que nous avons fait, nous avons pu aider 350.000 personnes. Nous voudrions multiplier ce chiffre par quatre. Parce que c’est nécessaire et indispensable ". Ensuite pour l’avenir du pays en guerre : " ce serait la double peine si non seulement des civils sont tués, mais également s’ils souffrent de malnutrition ou de dénutrition. Il y a longtemps, Staline avait organisé l’Holodomor : cinq millions de morts par famine. Je ne voudrais pas que l’Occident soit responsable du même événement ".

Essayer de passer l’hiver

Un armement qui passe devant

Après le pourquoi, le comment. Où donc trouver cet argent pour venir en aide aux ventres ukrainiens ? L’Europe a gelé 28 milliards d’euros de fonds privés russes et la Belgique a promis 1,7 milliard à l’Ukraine provenant de taxes sur les intérêts des avoirs russes gelés dans le pays, rien qu’en Belgique. Des milliards d’euros d’avoirs russes sont donc gelés en Belgique et disponibles. Et notre invité d’interpeller Alexander De Croo : " Je lui demande de réserver une infime partie de cet argent, de manière à nous permettre d’avoir un impact indispensable sur la santé de la population civile ukrainienne qui souffre énormément pour le moment ". Une aide alimentaire qui perdurerait deux ans.

L’argent européen, on le sait bien, est promis à Kiev. Mais le hic pour Jacques Vandenschrik, c’est que l’argent est plutôt destiné à autre chose : " lors de mes rencontres avec les autorités gouvernementales en Ukraine, il a été clairement stipulé que tout l’argent qui pouvait arriver en Ukraine serait consacré à la défense. Je crains donc fort que si tout cet argent passe tel quel, il ne restera plus grand-chose pour l’aide humanitaire. Et je pense que nous sommes les garants d’une bonne utilisation des fonds qu’on pourrait mettre à notre disposition, de manière à continuer et à intensifier l’aide à la population civile ".

Taxer les fonds russes

Ne pourrait-on pas aller chercher l’argent dans les avoirs russes gelés en Belgique ? Pour le président des banques alimentaires européennes, ce n’est pas la solution adéquate : " il serait plus facile, comme l’a d’ailleurs précisé Alexander De Croo, de prélever une contribution à notre action sur le revenu fiscal que la Belgique encaisse et qu’elle peut donc utiliser pour l’aide alimentaire ". Sans passer donc par des mécanismes juridiques compliqués. Notre invité de préciser qu’il a fait des démarches en ce soir auprès du Premier ministre, de la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib et celle de la Coopération au développement, Caroline Gennez. Il espère avoir une réponse positive très bientôt.

Une demande donc adressée au gouvernement belge pour utiliser une partie des taxes sur ces fonds russes, pour aider les civils ukrainiens qui sont en grande difficulté pour l’instant.

Toutes les informations sont à retrouver sur foodaidukraine.com

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