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Intelligence artificielle : un «Label Création humaine» pour garantir qu’un livre a bien été écrit par un humain

Intelligence artificielle : de la fascination à l'inquiétudedossier
Face aux livres générés par IA, Librinova mise sur une certification qui atteste de la présence d’un auteur de chair et d’os derrière des œuvres audiovisuelles, écrites ou musicales.
par Jérémy Torres et AFP
publié le 9 janvier 2024 à 19h00

Nouveau chapitre dans la guerre à l’intelligence artificielle, la maison d’édition Librinova adopte un label pour certifier qu’un livre a bien été écrit par un être humain. La société, qui permet de s’autoéditer, a annoncé lundi 8 janvier dans un communiqué s’être associée avec Label Création humaine, entreprise lancée en 2023 visant à certifier des œuvres écrites, audiovisuelles ou musicales.

«Le Label Création humaine certifie qu’un ouvrage a été conçu, développé et créé par le travail ardu, intentionnel et motivé de son auteur sans passage généré par des modèles de langage type ChatGPT, Bard ou Llama», peut-on lire sur le site de l’entreprise, qui cherche à attirer d’autres éditeurs. Librinova proposera le service à partir de mi-janvier : le label pourra être apposé sur la couverture d’un livre, selon la volonté de l’auteur.

Combattre l’IA par l’IA

Cécile Gorse, responsable communication du Label Création humaine, revient pour Libération sur le mode d’identification de potentiels contenus écrits par IA. La société fait elle-même appel à sa propre intelligence artificielle pour mesurer un «indice de perplexité» dans le corps du livre, explique-t-elle. «Concrètement, on demande à une IA si des mots issus du texte forment une suite qui lui semble logique, ou s’ils la laissent perplexes.» Plus l’IA se montre «perplexe», plus la probabilité que le texte ait été conçu par un être humain est élevée. L’exercice va ensuite être réitéré sur divers extraits du livre pour mener des comparaisons.

Si l’indice n’est pas infaillible aux changements opérés par un auteur après coup, il «permet de discriminer les contenus 100 % IA non modifiés et sans variation de style», peut-on lire sur le site de l’entreprise. Cécile Gorse affirme quant à elle miser surtout «sur l’humain et l’engagement de l’auteur». Dimension humaine que l’on retrouve également dans le rôle attribué à «l’auditeur professionnel» formé par le label. Au «background littéraire» important et déjà «exposé à des milliers de contenus écrits», cet auditeur analyse le texte et les résultats obtenus via l’IA, avant un entretien avec l’auteur qui a fait la demande d’obtention du label. Une fois ces étapes réussies, la certification peut enfin être apposée sur le livre.

De quoi au moins limiter la concurrence déloyale de l’IA pour les signatures de Librinova, l’un des éditeurs les plus prolifiques en France, avec 9 000 titres depuis sa création en 2014. Les auteurs y paient pour être publiés, avec l’avantage de toucher ensuite une part importante du prix de vente (70 %). Un pari pour les écrivains qui ne bénéficient par ailleurs pas de la visibilité d’un éditeur classique.

L’erreur est non humaine

Force est de constater que de plus en plus de livres autoédités sont écrits par des logiciels d’intelligence artificielle générative, notamment sur Kindle Direct Publishing, la plateforme d’Amazon. Librinova et Label Création humaine les estiment à plusieurs milliers en France. Rédigés en un temps record, ils souffrent souvent de graves erreurs factuelles. Si bien qu’en septembre, Amazon a mis en place une signature «ChatGPT» pour signifier l’utilisation de l’IA générative et limité à trois par jour et par auteur le nombre d’e-book publiés en autoédition. Thrillers, essais, poésies… Des centaines d’œuvres non humaines pullulaient en effet sur la plateforme.

La famille de Léon Gautier, Français qui avait participé au Débarquement du 6 juin 1944, avait ainsi dénoncé en décembre une biographie, publiée sur Amazon par une certaine «Grace Shaw» et truffée de contre-vérités. Elle affirmait notamment à tort que l’homme avait été prisonnier en Allemagne. La biographie avait été publiée deux jours seulement après la mort de ce héros de la Libération, en juillet 2023.

Et l’affaire ne fait pas figure d’exception. Un acheteur de Stoïcisme : les 10 secrets de la spiritualité antique pour mieux vivre la vie moderne et signé «Aurèle Martin» se plaignait, lui, d’une citation attribuée à Marc Aurèle (121-180) et appelant à «cultiver une relation saine avec les écrans». L’empereur romain ne s’est pour l’heure pas prononcé sur l’IA.

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