Marqueur de sexe X : le gouvernement empêche la SAAQ d’adapter les permis de conduire
La SAAQ serait prête à ajouter le «X» comme marqueur de sexe, en plus du «M» et du «F», mais en est empêchée pour des raisons politiques.
Photo : Radio-Canada
Radio-Canada a appris que la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) serait capable de délivrer dès maintenant des permis de conduire avec le marqueur de sexe « X » pour les personnes trans et non binaires. Pourtant, elle s’abstient de le faire, car le gouvernement Legault l’en empêche.
En décembre dernier, le gouvernement du Québec a confirmé qu’il repoussait à 2025 toute décision relative à l’utilisation du marqueur de sexe « X » sur les documents des ministères et organismes, le temps que son Comité de sages sur l’identité de genre (Nouvelle fenêtre) livre son rapport final.
Or, jamais le gouvernement n’a admis qu’en réalité, la SAAQ était déjà prête à commencer la délivrance de permis de conduire représentatifs de l’identité de genre non binaire.
La SAAQ n’a pas souhaité accorder d’entrevue à ce sujet.
Une quinzaine de personnes ont présenté à la SAAQ une demande de modification à leur permis. Et la SAAQ sera prête le cas échéant
, confirme toutefois le porte-parole Gino Desrosiers.
Pourquoi donc ne pas agir dès maintenant? Le courriel de M. Desrosiers laisse peu de doute quant au fait que la SAAQ n’a pas eu le choix de mettre le projet en veilleuse en attendant le rapport du Comité de sages.
La Société de l’assurance automobile du Québec attendra les conclusions de celui-ci avant de procéder à toute demande de modification de la mention du sexe sur le permis de conduire pour la mention "X".
Radio-Canada n’a pas été en mesure de confirmer qui, au gouvernement, a exigé que la SAAQ retarde la délivrance de permis de conduire avec le marqueur de sexe « X », même si elle est administrativement prête à le faire.
Des questions sensibles
La ministre responsable de la SAAQ, Geneviève Guilbault, n’a pas voulu accorder d’entrevue à ce sujet. Par écrit, son cabinet affirme toutefois que le gouvernement va être de plus en plus appelé à prendre des décisions en lien avec la réalité des personnes trans et non binaires
.
Son cabinet fait aussi référence au Comité de sages dont les travaux vont permettre de prendre nos futures décisions de manière plus éclairée
, grâce à un portrait global [...] de ce qui se passe ici et ailleurs [dans le monde]
.
Ce sont des questions sensibles qui méritent des décisions réfléchies.
La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Il y a quelques semaines, le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse invitait le gouvernement à agir le plus rapidement possible
dans ce dossier afin que la véritable identité de genre des personnes trans et non binaires puisse être reconnue sur leurs cartes.
Depuis 2022 au Québec, les personnes qui ne s’identifient ni au genre masculin ni au genre féminin peuvent légalement obtenir le marqueur de sexe « X » auprès du Directeur de l’état civil. Or, les ministères et organismes du gouvernement tardent à s’adapter à cette nouvelle réalité.
La loi l’exige, et la SAAQ est en mesure de le faire dès aujourd’hui. Il est inacceptable d’attendre et dévastateur pour ceux qui attendent
, a réagi sur les réseaux sociaux la porte-parole du Parti libéral du Québec (PLQ) pour la communauté LGBTQ+, Jennifer Maccarone.
Le gouvernement n’est pas au-dessus des lois, le comité des sages non plus.
Son homologue de Québec solidaire, Manon Massé, dit ne pas s'expliquer la résistance politique à faciliter ces changements dans l’appareil gouvernemental
.
C’est la responsabilité du gouvernement de s’assurer que nos concitoyens et concitoyennes ne vivent pas de la discrimination. Attendre alors que la SAAQ est prête à avancer, c’est absurde et ça manque de respect envers les personnes non binaires
, déplore Mme Massé.
Complètement découragé
Ce dossier avait fait la manchette, à la fin de l’année dernière, en raison d’une grève de la faim menée par Alexe Frédéric Migneault, une personne non binaire qui se bat pour faire reconnaître sa véritable identité de genre auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
Étendre le marqueur X à l’ensemble des documents d’identification gouvernementaux pose des défis importants. Nous travaillons à trouver des solutions
, indiquait alors le cabinet de la ministre chargée de la lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron.
Informé de la situation avec la SAAQ, Alexe Frédéric Migneault y voit la preuve que l’apparente difficulté des ministères et organismes à reconnaître le marqueur de sexe « X » n’a rien à voir avec la technologie ou l’administration, mais bien avec la politique.
Je suis complètement découragé de voir que les gens au pouvoir tiennent une main de fer sur ce progrès-là, sous prétexte que leurs préjugés, leurs idées préconçues à l'égard des personnes trans et non binaires sont plus forts que nos droits et les injustices qu'on subit.
Alexe Frédéric Migneault est légalement non binaire aux yeux du Directeur de l'état civil, mais cela ne se reflète toujours pas sur son permis de conduire et sa carte d'assurance maladie.
Photo : Radio-Canada
N’étant toujours pas parvenu à obtenir une carte de la RAMQ avec le bon marqueur de sexe, Alexe Frédéric compte amorcer une nouvelle grève de la faim dès le 30 janvier.
La RAMQ affirme qu’au début de l’automne dernier, 359 personnes avaient formulé une demande pour obtenir une carte d’assurance maladie avec le marqueur de sexe « X ».
