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Justice

Deux policiers de la BAC parisienne condamnés à de la prison avec sursis pour violences volontaires

En septembre 2021, deux membres de la brigade anticriminalité de nuit du IXe arrondissement ont frappé deux jeunes hommes dans un hall d’hôtel, puis omis de faire part de cet événement aux enquêteurs.
par Fabien Leboucq
publié le 16 janvier 2024 à 6h50

Formellement, le tribunal de Paris a condamné, le 14 décembre, deux policiers pour «violence par personne dépositaire de l’autorité publique». Mais on comprenait dès l’audience, en novembre, et aujourd’hui à la lecture du jugement consulté par Libération, que les oublis aux airs de mensonge des deux fonctionnaires au début de l’enquête ont motivé les peines, conformes aux réquisitions du parquet.

Les faits remontent à la nuit du 14 au 15 septembre 2021. Il est environ 3 heures du matin quand cinq membres la brigade anticriminalité de nuit du IXe arrondissement de Paris (BAC9N) prennent un café en terrasse. Une bande de jeunes éméchés arrive, ils sont accusés d’avoir provoqué le personnel et des clients du bar. Une rixe éclate, les policiers utilisent leurs matraques et leurs gazeuses lacrymogènes.

Dans la foulée, le brigadier Nicolas Simon et le gardien de la paix Julien Dibon se lancent à la poursuite de Gabriel M., et de Rudy M., présenté comme le plus vindicatif des fêtards. «Ces deux policiers rejoignaient ensuite leurs autres collègues […] sans faire mention d’un incident particulier qui se serait produit, leur disant qu’ils n’avaient pas réussi à rattraper les deux individus qu’ils poursuivaient, retrace le jugement. Interrogés durant l’enquête qui était initialement conduite par le commissariat du IIIe arrondissement de Paris, Nicolas Simon et Julien Dibon maintenaient cette première version des faits.» En réalité – et c’est ce qui a motivé l’ouverture d’une enquête – Rudy M. est retrouvé par ses amis, gisant dans son sang. Les sapeurs pompiers le transportent à l’hôpital, où ses deux plaies au crâne sont suturées.

Bref face-à-face

L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) obtient les enregistrements de plusieurs caméras de vidéosurveillance, dont l’une située dans le hall d’un hôtel situé à plusieurs centaines de mètres du lieu de la rixe initiale. On y voit les deux jeunes s’enfuir hors du bâtiment, après un bref face-à-face avec les deux policiers. Au cours de cette interaction, Nicolas Simon adresse un coup de pied à Gabriel B., et Julien Dibon un coup de matraque sur la tête de Rudy M., avant de poursuivre ce dernier (la scène n’est alors plus filmée).

Après leur «omission» lors de leur première audition, le brigadier reconnaissait, dans son rapport administratif puis lors d’une garde à vue dans le cadre de l’enquête de l’IGPN, une confrontation (mais pas le coup de pied). Idem pour le gardien de la paix, qui admettait l’usage de sa matraque télescopique, arguant qu’il pensait (à tort) que Rudy M. était alors armé d’un cutter.

«Le tribunal relève en premier lieu qu’aucun des policiers n’a fait mention de leur intervention auprès de leurs collègues et de leur hiérarchie tout de suite après les faits, les mis en cause affirmant au contraire ne pas être parvenus à les rattraper, de sorte que cet incident, pourtant grave, ne faisait l’objet d’aucun compte rendu», pointent les juges dans la motivation de la condamnation. Qui ajoutent que «les deux policiers [n’ont] pas agi conformément à leurs missions et aux règles encadrant strictement l’usage légitime de la force par les policiers».

Toujours policiers à ce jour

D’autant, conclut le tribunal au vu des blessures de Rudy M., qu’«il n’est pas crédible et tout à fait inacceptable qu’aucun des deux policiers mis en cause ne se soit inquiété de son état avant de quitter les lieux.» Les réquisitions du ministère public ont été suivies à la lettre par les juges : des peines de prison avec sursis – cinq mois pour Nicolas Simon et 10 mois pour Julien Dibon – ont été prononcées contre les deux fonctionnaires, qui n’ont pas fait appel. A ce jour, ils sont tous les deux toujours policiers. La préfecture de police de Paris fait savoir qu’au terme de l’enquête administrative, les deux hommes ont écopé d’un blâme.

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