Éthiopie : habitants et médecins alertent sur une famine aussi grave qu'en 1984, le gouvernement nie

Dans le Tigré, région du nord de l'Éthiopie, une mère et sa fille de 11 ans souffrent de malnutrition sévère - Tigrai Television
Dans le Tigré, région du nord de l'Éthiopie, une mère et sa fille de 11 ans souffrent de malnutrition sévère - Tigrai Television
Dans le Tigré, région du nord de l'Éthiopie, une mère et sa fille de 11 ans souffrent de malnutrition sévère - Tigrai Television
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La famine pourrait être plus grave que celle de 1984, préviennent les autorités locales et les médecins, mais le pouvoir central, à Addis-Abeba, se refuse à parler de famine imminente au Tigré, région du nord de l'Éthiopie, qui a tenté de faire sécession.

Le Tigré, région du nord de l'Éthiopie, est ravagé par deux années de guerre et par l'extrême sècheresse, qui touche la Corne de l'Afrique : c'est un décompte morbide, presque quotidien, que tient  Tigrai Television : 38 personnes sont mortes de faim dans le district d'Arna, au centre du Tigré, 136 morts, dans le village d'Atsbi, plus à l'est. Plus de 200 personnes, dans la ville d'Edaga Arbi, note la  BBC. La  Deutsche Welle, la radio internationale allemande, a rencontré un homme de 70 ans, qui vit désormais seul dans la maison familiale. Ses cinq enfants sont partis, pour tenter d'échapper à la famine. "Je passe mes journées à chercher des restes de céréales comme un oiseau", raconte ce Tigréen de 70 ans à la Deutsche Welle, mais certains jours, il se couche l'estomac vide et se lamente de ne pas savoir où aller.

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Tiraillées par la faim, des habitantes ne sortent plus de chez elles : Le Tigré a vu 600 000 personnes mourir, pendant la guerre civile entre les sécessionnistes tigréens et le gouvernement central. La région, soumise à un blocus, a vu l'aide humanitaire s'interrompre. Les invasions de criquets et la sécheresse persistante dans la Corne de l’Afrique ont ensuite exacerbé la crise, précise la  Deutsche Welle"C'est trop pour moi, je n'arrive plus à parler", confie, à  Tigrai Television, une mère de famille, assise sur le pas de sa porte pour économiser un peu d'énergie. Elle souffre cruellement de la faim, sa fille s'effondre sur ses genoux et pleure en silence, elle n'a même plus la force de faire partir les mouches de son visage émacié. "C'est ma fille de 11 ans, je ne peux plus l'aider", explique sa mère, "elle a arrêté l'école, elle ne pouvait plus jouer avec les enfants de son âge, vous pouvez voir à quoi elle ressemble" : comme pour prouver sa maigreur à Tigrai TV, elle soulève le T-shirt élimé de sa fille, ses côtes sont apparentes. Même détresse, dans le district montagneux du Degua Tembien, où  Tigrai Television nous montre plusieurs femmes, qui se terrent dans leur maison en pisé. La plus vieille, recroquevillée sous une fine couverture grise, confie être dévorée de l'intérieur, par la faim. Elle préfère rester silencieuse, car ses yeux, sa tête et ses jambes lui font mal. Sa fille, elle, reste assise, genoux sous le menton. Elle a arrêté de prendre ses médicaments car son estomac vide ne le supportait pas.

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Le Biais d'Esther Duflo
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La famine pourrait être pire que celle de 1984

Carte d'Ethiopie localisant le Tigré et sa capitale, Mekele
Carte d'Ethiopie localisant le Tigré et sa capitale, Mekele
© AFP - Kun TIAN, Aude GENET / AFP

Les responsables du Tigré préviennent que la région est au bord d'une famine aussi grave, voire pire que celle de 1984, mais le gouvernement central nie : en 1984, la famine avait causé la mort de millions d'Éthiopiens, rappelle  le journal turc Daily Sabah. La crise avait été à l'origine du Live Aid, note la  BBC, l'événement musical mondial notamment organisé par Bob Geldof, pour lever des fonds et soulager la famine en Éthiopie. Sauf qu'aujourd'hui, le gouvernement central d'Addis-Abeba nie l'existence d'une famine : "c'est un mot très sensible", souligne la  BBC. Le gouvernement éthiopien affirme néanmoins se démener pour fournir de l'aide à quatre millions de personnes qui "sont confrontées au risque de sécheresse" dans plusieurs zones du Tigré, ainsi que dans les régions voisines d'Amhara et d'Afar. Mais pour les médecins et les humanitaires, l’aide n’arrive pas assez vite, indique encore la BBC. Ils se retrouvent impuissants, incapables de sauver des vies, alors que "plus de 90 % de la population du Tigré est exposée au risque de famine et de mort", selon le pouvoir local.

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À cause de la malnutrition sévère, des Tigréennes accouchent prématurément de bébés en sous-poids : Plus de cinq mille femmes enceintes souffrent de malnutrition sévère, dans le district central d'Endabatshama, où se trouve l'hôpital Edaga Arbi, selon  Tigrai Television. Cela représente plus de 7 femmes sur 10 qui accouchent prématurément de bébés en sous-poids. "J'ai accouché prématurément à sept mois de grossesse parce que je ne mangeais pas assez", raconte cette jeune mère de famille, à Tigrai Television"Son bébé est né avec un poids d'à peine 1,1 kg", explique un médecin tigréen, mais "il se remplume petit à petit, il pèse maintenant 1,3 kg." Cet hôpital, qui ne dispose pas de couveuse sophistiquée, s'inquiète : le nombre de bébés prématurés a doublé, ces derniers mois, ce qui veut dire davantage de problèmes respiratoires, de retard de croissance, avec des hôpitaux et des familles qui manquent de tout et qui demandent de l'aide à la communauté internationale, souligne Tigrai Television. Cette communauté s'est davantage intéressée, ces dernières semaines, aux tensions frontalières dans la région, avec la Somalie qui conteste l'accès de l'Éthiopie à la mer via le Somaliland. Selon les Nations Unies, environ 20 millions de personnes ont actuellement besoin d'une aide alimentaire en Éthiopie en raison des conflits, de la sécheresse et des inondations.

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