Comment Alice Neel a-t-elle peint les invisibles, les marginaux, les délaissés ?

Alice Neel dans les années 80 ©Getty - Rose Hartman/ArchivePhotos
Alice Neel dans les années 80 ©Getty - Rose Hartman/ArchivePhotos
Alice Neel dans les années 80 ©Getty - Rose Hartman/ArchivePhotos
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Aujourd'hui une des figures majeures de la peinture américaine, il fallut beaucoup de temps pour que sa peinture soit regardée : celle d'Alice Neel, morte en 1984, celle qui, en politique comme dans la vie, a toujours aimé les perdants, les outsiders, et qu'elle a peint, toute sa vie durant.

Avec
  • Angela Lampe Conservatrice des collections d'art moderne du Musée national d'art moderne - Centre Pompidou

Des jambes croisées ou bien écartées, des mains abîmées, des tétons gonflés, des épaules bien posées, des couples, des mères délaissées, des invisibles, des bébés, et surtout des regards qui vous fixent droit dans les yeux et auxquels vous ne pouvez pas échapper : telle est la peinture d’Alice Neel, radicale, engagée, qui ne lâche rien, et ne vous lâche pas, et qui, une fois que vous l’avez regardée, vous dévisage…
Pourtant, pendant longtemps, elle n’a pas été regardée. Pourquoi ? Et pourquoi n’en a-t-on jamais assez de regarder ses portraits ?

Exposition Alice Neel : un regard engagé, au Centre Pompidou à Paris jusqu'au 16 janvier 2023

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La mise en scène d'une individualité agissante

“Alice Neel veut montrer l'individu, ça ne l'intéresse pas de montrer un certain type de profession : l'architecte, le chômeur, l'ouvrier… Dans les années 1920, l'idée de la question de la typologie était assez importante. Mais ce n'est pas du tout l'approche d'Alice Neel qui cherche à montrer une individualité agissante, une individualité qui a son destin et sa vie en main. C’est comme une approche politique. Elle leur donne une dignité. Il y a par exemple un chauffeur de taxi qui est assis sur une chaise, sur un fauteuil, comme un roi !” Angela Lampe

Les origines du réalisme social d'Alice Neel

“Alice Neel a toujours été énervée contre toutes les injustices. Quand elle était étudiante à l'école de design pour femmes à Philadelphie, elle avait beaucoup de compassion pour les femmes de ménage ou pour le personnel. Elle se sentait très privilégiée par rapport à celles et ceux qui travaillaient dans cette école, souvent des Afro-américains à l’époque. Elle a fait du réalisme social un défi.” Angela Lampe

Le portrait : un genre aristocratique

“Les portraits étaient vraiment un genre réservé à la classe dominante, et notamment aux rois ou reines, et ce n'était pas du tout prévu pour la classe dominée : pour des travailleurs, des prolétaires, des marginaux, des homosexuels… Donc le terme de portrait était pour elle trop connoté. Avec ce refus en tout cas du terme portrait, il y a là une manière de vouloir replacer l'humain au centre du tableau. Non seulement le regard pointe vers nous, mais tout est étouffant dans ces portraits, on ne peut pas y échapper. C'est vraiment l'humain, la personne qui est au centre du tableau, qui prend tout l'espace et qui nous oblige à le regarder absolument.” Angela Lampe

Sons diffusés :

  • Archives d'Alice Neel, d’une interview diffusée par le Metropolitan Museum of Art provenant de leur sélection d’archives From the Vaults, 1978
  • Musique des The New Swing Sextet, Revolucionando
  • Archive d'Andy Warhol, BBC Radio 4, 17 mars 1981
  • Chanson de Nana Mouskouri, Portrait en couleur
  • Lecture de Anne de Peufeilhoux dans Alice Neel, portraits cachés de l’Amérique, de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Yvon Croizier, dans Toute une vie sur France Culture, diffusé le 24/09/2022
  • Chanson de fin : Lou Reed, Walk on the wild side

Bibliographie :

  • Catalogue de l’exposition Alice Neel : un regard engagé, sous la direction d’Angela Lampe, aux éditions Centre Pompidou
Toute une vie
58 min

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