Informa’Truck et Grain de Sail enclenchent le cercle vertueux d’un modèle durable

Ces deux PME connaissent un essor rapide grâce aux échos portés par leur activité 100% ESG auprès des parties prenantes.
Frédérique Garrouste
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Jacques Barreau, directeur général et co-fondateur de Grain de Sail et Cyril Noury, dirigeant fondateur d’Informa’Truck  -  DR
Les entreprises ont intérêt à devenir durables de bout en bout ! Ce qui était jusqu’ici une exhortation de spécialistes de l’ESG devient une boussole pour les dirigeants imaginatifs. Elle a, du moins, lancé le développement accéléré d’Informa’Truck, qui redonne vie aux appareils numériques tout en favorisant l’inclusion sociale des habitants des zones rurales et de ses salariés handicapés. De même, elle fait le succès de Grain de Sail, constructeur de voiliers cargos et transporteur de marchandises sans émission carbone, misant sur la qualité des produits et du travail sur toute la chaîne de valeur. Deux cas d’école que l’assureur Generali a récompensés l’automne dernier du prix des PME durables.

Impact et rentabilité se conjuguent

Entreprise sociale et solidaire lancée en 2021, Informa’Truck, déploie le concept de développement durable tout au long de son activité de réparation d’ordinateurs, téléphones portables et autres tablettes numériques. «L’impact et la rentabilité ne s’opposent pas, nous avons trouvé un modèle équilibré en plaçant l’inclusion des handicapés au service de la lutte contre l’exclusion numérique rurale», expose Cyril Noury, dirigeant fondateur de la société. Ce jeune dirigeant avait déjà créé trois sociétés dans l’informatique quand il a fondé cette nouvelle entreprise dans le secteur. Mais l’affaire innove aussi d’un point de vue social : les réparations sont faites dans des camions qui s’installent dans des zones commerciales en milieu rural, notamment des parkings de supermarchés. Chaque camion, via des tournées permanentes, couvre 130.000 utilisateurs. Pour moins de 80 euros, 90% des appareils sont remis en marche. S’ils se révèlent hors d’usage, Informa’Truck s’occupe d’en recycler les composants.

Le volet social du modèle est renforcé par l’emploi de techniciens en situation de handicap, les camions – fabriqués grâce à un partenariat avec Renault - étant aménagé selon le besoin de chaque réparateur.

Des grands groupes associés au projet

La bonne inspiration du dirigeant consiste à embarquer les grandes entreprises dans son sillage : des accords pour faire travailler les camions sur leurs parkings ont été passés avec les groupes Auchan, Intermarché, Cora, Carrefour, un autre est en cours de conclusion avec Lidl… L’offre est également «privatisée», comme lorsqu’elle est proposée aux adhérents de Malakoff Humanis, l’organisme proposant une remise sur le prix des réparations pour promouvoir l’idée du «bien vieillir». Des grands groupes comme Microsoft et Renault Group sont en train de signer des accords aussi au bénéfice de leurs salariés. Surtout, les assureurs s’intéressent au sujet avec des partenariats en vue pour 2024 : «Grâce à nos interventions, il est possible de réduire de deux ou trois fois leurs coûts d’indemnisation dans l’assurance de matériel informatique», explique Cyril Noury. Sachant que 3% seulement des appareils numériques assurés sont réparés en moyenne, la solution permet de limiter la hausse des primes.

Ces partenariats ont pour corollaire la qualité des réparations, Informa’Truck ayant obtenu le label «Qualirepar». «Notre logiciel conçu en interne pour délivrer des rapports d’impact va permettre aux assureurs d’avoir des données sur la réparabilité des matériels assurés, si bien que le prix de l’assurance pourra être affiné», précise Cyril Noury.

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Financement au rendez-vous

Chaque camion coûtant 100.000 euros, y compris la formation du technicien, l’activité a démarré grâce à un apport de 0,6 million d’euros de business angels, avec Bpifrance à leurs côtés et des financements en crédit-bail pour les camions. Les prêts ont été accordés sur cinq ans par le Crédit Mutuel (4 camions), la Société Générale (5) et la Caisse d’Epargne (le prototype), soit un tour total de 1,7 million d’euros. «Pour aller plus loin, la société est en train de lever des fonds propres à hauteur de 1,4 million d’euros, les deux tiers étant déjà promis par des grands groupes privés, la Banque des Territoires et des fonds à impact pour une série A d’un montant total de 5,3 millions d’euros, annonce Cyril Noury. L’idée est de lancer une vingtaine de camions supplémentaires en France, et autant en Belgique, en plus des treize qui fonctionnent actuellement. Le groupe compte actuellement 22 salariés.» Avec son premier camion, l’entreprise a multiplié par deux son chiffre d’affaires cette année, l’équilibre devant être atteint fin 2024 ou début 2025 .

Le transport maritime, mauvais élève de la décarbonation

Le même choix d’un modèle 100% ESG guide l’entreprise Grain de Sail, qui capitalise là encore sur l’expérience de ses fondateurs, deux frères, Olivier et Jacques Barreau, experts en énergie renouvelable marine. Mais considérant la très longue durée des projets d’éoliennes en mer, ils se sont embarqués sur un nouvel objectif en 2010, le transport maritime de marchandises décarboné. Le fret maritime représente l’un des plus gros émetteurs de CO2 sans pour autant avoir vraiment entamé sa révolution. Les deux frères experts du maritime ont donc décidé de développer un voilier cargo entièrement décarboné dans sa fabrication. Premier pré-requis, disposer d’un chiffre d’affaires en affrètement qui soit sécurisé, clé de l’obtention d’un financement pour la construction du navire envisagé. Ils seront leur propre chargeur et ciblent le transport de café et de chocolat en provenance d’Amérique latine, compte tenu de la qualité des productions. En toile de fond, ils créent la marque Grain de Sail qui doit évoquer pour le consommateur final des produits reposant sur un projet ESG global.

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Projet par étapes

Une activité de transport classique de café est lancée en 2013 puis de chocolat en 2016. Grâce à la bonne marche des affaires, le premier navire Grain de Sail a pu être mis à l’eau en 2020, long de 24 mètres avec une capacité de 50 tonnes d’emport et une réduction des émissions carbone de 90% par rapport à la marine marchande et ses moteurs. La construction en aluminium offre, en outre, une durée de vie de 40 à 50 ans contre environ 20 ans pour les embarcations en acier. «Un deuxième navire, de 52 mètres, est sorti cette année. Avec une plus grande efficacité logistique - tant sur la durée de la traversée que sur la manipulation du chargement – et une capacité de 350 tonnes, il nous permet de charger la totalité de nos marchandises et aussi d’ouvrir nos cales à d’autres clients pour des chargements en import-export entre Saint-Malo et New York, en nous appuyant sur un hub logistique en Guadeloupe pour nos imports de café vert et de cacaos», relate Jacques Barreau, directeur général et co-fondateur de Grain de Sail. Les clients sont d’autant plus au rendez-vous que les avancées technologiques rendent les gréements à voile très efficaces

Le projet consiste à contrôler toutes les étapes du transport maritime. «Grain de Sail recouvre une chaîne de valeur plus étendue qu’une société classique, en vue de capter la marge des intermédiaires et d’atteindre une santé financière elle-même garante de la sécurité en mer», explique Jacques Barreau.

Démocratiser la qualité

Avec un chiffre d’affaires de plus 10 millions d’euros avec le premier navire, en production et transport, et les revenus attendus des prochains voiliers cargos, la croissance est vive, la rentabilité déjà au rendez-vous…Tout cela en passant au crible tous les aspects sociaux de l’activité, dans l’objectif de démocratiser la qualité : emploi de 12 travailleurs handicapés en complément d’un effectif de 60 personnes, participation au capital pour tous les employés, bénéfices entièrement réinvestis dans l’entreprise, salaires minimum de 18% supérieurs au Smic, salaires maximum à trois fois le salaire de base… Les consommateurs sont eux aussi bénéficiaires, avec des produits de qualité vendus à des prix modestes, par exemple trois euros pour une tablette de chocolat…

La société a trouvé des financements sans encombre. «Une société entièrement ESG crée un cercle vertueux qui emporte l’adhésion des financiers sans trop de difficulté», explique Jacques Barreau. Lui et son frère ont apporté 20% des financements grâce au fruit de leurs activités antérieures et les banques – Crédit Mutuel de Bretagne, CIC, Crédit Agricole, Banque Populaire Grand Ouest et Caisse d’Epargne pays de Loire, financent à 80% la société. Pour son développement – avec trois autres navires de 50 mètres en vue – les fondateurs ont fait entrer des actionnaires minoritaires, Bpifrance et Crédit Mutuel Equity, en vue de se faire épauler par des partenaires de long terme.

Assurément, les deux entreprises Informa’Truck et Grain de Sail pratiquent l’ESG avec conviction et leurs chiffres n’ont pas à en pâtir…

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