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Les voitures thermiques ne polluent pas moins qu’avant, affirme la Cour des comptes européenne

Dans un rapport publié ce mercredi, l’institution financière estime notamment que le poids grandissant a annulé les améliorations technologiques en termes d’émission de CO2. Et affirme que «le principal défi» est le passage à l’électrique.
par Damien Dole et AFP
publié le 24 janvier 2024 à 21h18

C’est un rapport qui va mettre un mal un argument éculé du lobby automobile. Selon la Cour des comptes européenne ce mercredi 24 janvier, les voitures thermiques ne polluent pas beaucoup moins qu’avant et les baisses d’émissions de CO2 du secteur automobile, censée être une preuve du caractère plus vertueux des moteurs à essence, sont surtout liées à l’essor des véhicules électriques. Et de rappeler : «De nombreuses études ont conclu que la voiture électrique était la meilleure technologie actuellement disponible pour réduire les émissions totales produites par les voitures particulières.»

Pour rendre ses conclusions, l’institution a mesuré l’efficacité du règlement sur les émissions de CO2 des voitures particulières. Un règlement qui fixe depuis 2010 un objectif d’émissions à l’échelle de l’Union européenne pour les véhicules neufs et, depuis 2012, des objectifs d’émissions spécifiques pour les constructeurs. Or selon la Cour des comptes, les émissions de CO2 des voitures particulières neuves «ont commencé à baisser de manière significative à partir de 2020, soit onze ans après l’entrée en vigueur du premier règlement». Et d’en déduire : «Les émissions en conditions réelles des voitures à moteur thermique n’ayant pas diminué, cette baisse s’explique principalement par l’essor important des véhicules électriques.»

Au cours de la période 2009-2019, les émissions moyennes des véhicules neufs en conditions d’utilisation réelles n’ont pas diminué, «principalement parce que les constructeurs se sont concentrés sur la réduction des émissions mesurées en laboratoire plutôt que sur route». Or, rappelle l’institution, elles dépendent du comportement du conducteur, de la circulation ou de l’utilisation de la climatisation.

Mais en 2017, un nouveau cycle d’essai en laboratoire, qui rend mieux compte des conditions de conduite réelles, est malgré tout devenu obligatoire pour les nouveaux véhicules réceptionnés. «Ce changement a permis de combler de nombreuses failles qui étaient apparues dans le cycle d’essai précédent et de réduire l’écart entre les émissions mesurées en laboratoire et celles constatées sur route», analyse la Cour des comptes.

Poids des véhicules

Autre problème abordé par la Cour des comptes européenne, le poids toujours plus grandissant des voitures individuelles. «L’amélioration continue des technologies de motorisation et l’introduction de groupes motopropulseurs hybrides ont rendu les moteurs plus efficients, mais l’augmentation de la masse des véhicules associée à des moteurs plus puissants neutralise l’effet des progrès technologiques», analyse l’institution. Et de chiffrer cette évolution : entre 2011 et 2022, la Cour des comptes estime que la masse moyenne des voitures a augmenté d’environ 10 % et que la puissance des moteurs a augmenté de 25 %. Ces confirmations pourront être reprises par la mairie de Paris qui organise une votation le 4 février augmenter sensiblement le prix du stationnement pour les SUV thermiques de plus de 1,6 tonne.

Les objectifs de réduction des émissions de CO2 pour les voitures et les ambitions climatiques de l’UE à l’horizon 2030 ne «concordent pas suffisamment», alerte la Cour. «Le principal défi à relever pour atteindre les objectifs de réduction des émissions pour 2030 et au-delà sera de faire en sorte que le particulier se tourne suffisamment vers les véhicules à émission nulle. Il importera tout particulièrement de rendre les véhicules électriques abordables, de mettre en place assez d’infrastructures de recharge et de garantir l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la production des batteries», souligne la Cour des comptes.

Baisse du coût des matières premières pour les voitures électriques

Sur la question des prix, les constructeurs pourraient en revanche avoir plus de marges de manœuvre dans les années qui viennent. Alors que le coût des matières premières d’une voiture électrique était 3 000 dollars plus importants que pour voiture thermique en 2018, la différence n’est plus que de 1 800 dollars pour une voiture à batterie de 60 kWh en 2023 voire de 1 000 dollars pour une batterie de type LFP, selon les calculs du cabinet AlixPartners publiés en début d’année 2024. Mais pour rendre plus abordable les véhicules, les acteurs de l’automobile devront accepter de rogner sur leurs marges financières, afin de participer à l’accélération de cette transition technologique.

Car il y a urgence. Les émissions du secteur des transports représentaient 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE en 2021, dont plus de la moitié provenait des voitures particulières, et elles continuent de croître. Pour avancer sur le chemin de la réduction des émissions de CO2, l’Union européenne a alors décidé d’interdire les ventes de voitures thermiques neuves à partir de 2035. «L’UE est la région du monde la plus ambitieuse en matière de réduction des émissions de CO₂ des voitures particulières», conclut la Cour des comptes européenne. Il ne reste plus qu’à faire coïncider les ambitions et les faits.

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