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Le changement climatique fait flamber le choléra en Afrique

La maladie a touché plus de 240 000 personnes et fait au moins 4 000 morts en un an sur le continent.

Par  et

Publié le 29 janvier 2024 à 18h00, modifié le 21 février 2024 à 14h08

Temps de Lecture 3 min.

Vaccination contre le choléra à Lusaka, en Zambie, le 17 janvier 2024.

L’épidémie de choléra continue de se propager en Afrique de l’Est et australe. Douze pays affrontent une « phase aiguë » de sa diffusion, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a annoncé, vendredi 26 janvier, l’envoi de 140 experts supplémentaires et de 20 tonnes de matériel d’urgence. La coopération régionale va être renforcée. De l’Ethiopie au Mozambique en passant par le Kenya, le Soudan ou l’est de la République démocratique du Congo (RDC), plus de 240 000 cas ont été signalés depuis début 2023 et au moins 4 000 décès.

Deux jours auparavant, le gouvernement zambien avait une nouvelle fois dû se résoudre à reporter la rentrée scolaire, privant d’enseignement plus de 4 millions d’enfants. L’épidémie apparue en octobre 2023 touche désormais neuf des dix provinces du pays et est considérée comme l’une « des pires depuis vingt ans ». Cinq cents personnes sont décédées parmi les 13 000 contaminées, selon le bilan établi par l’Unicef.

Au Zimbabwe voisin, où près de 20 000 cas et 400 décès présumés ont été comptabilisés, l’état d’urgence a été décrété dans la capitale Harare et une campagne de forages a été lancée dans les zones les plus touchées du pays pour fournir de l’eau potable aux populations. « Le choléra est le révélateur d’une société qui va mal. A l’image de Kinshasa, dont la population est passée de 2 millions d’habitants en 1960 à 15 millions aujourd’hui, les foyers d’infection du choléra conjuguent boom démographique et infrastructures sanitaires déficientes », observe Didier Bompangue, professeur d’écologie des maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’université de Kinshasa et spécialiste de l’évolution du choléra dans la région des Grands Lacs. Le choléra, aujourd’hui présent de manière endémique dans plusieurs pays, n’est apparu que dans les années 1970 sur le continent.

« Transformation de l’environnement »

Cette maladie diarrhéique causée par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio choleræ est récurrente à la saison des pluies dans les zones densément peuplées, dépourvues de réseau d’assainissement et d’accès à l’eau potable. Mais les précipitations violentes observées ces derniers mois et les inondations qui ont suivi ont favorisé sa propagation.

L’incidence du réchauffement climatique est régulièrement mise en avant par les scientifiques. « C’est l’une des rares maladies infectieuses pour laquelle nous sommes parvenus à caractériser un lien de cause à effet entre la transformation de l’environnement et sa propagation », pointe le biologiste Benjamin Roche, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

Début décembre, Didier Bompangue a publié avec d’autres confrères un article dans The Panafrican Medical Journal pour alerter sur les possibles conséquences de l’épisode El Nino aujourd’hui en cours. Ce phénomène, qui prend son origine dans le Pacifique Sud en provoquant un réchauffement des eaux de surface, a également des conséquences en Afrique. Il est associé à une augmentation des pluies en Afrique de l’Est et à des pics de sécheresse dans les régions plus méridionales.

« Le précédent épisode d’El Nino survenu en 2016 a coïncidé l’année suivante avec un nombre de cas particulièrement élevé, rappelle-t-il. La vallée du Rift, où se succèdent des lacs d’origine volcanique, constitue un biotope propice à la reproduction de la bactérie. Les eaux lacustres se réchauffent et se transforment en bouillon de culture. Il suffit que de fortes pluies provoquent des crues sur des rivages surpeuplés pour que la maladie se propage. »

Pour la plupart des scientifiques cependant, le lien entre El Nino et les flambées de choléra dans les zones asséchées d’Afrique australe n’est pas établi avec autant de certitudes. Certains chercheurs avancent ainsi que le tarissement des sources potables contraint les populations à boire de l’eau contaminée.

Pénurie de vaccins

Face à la gravité de la situation, les pays africains tentent d’accélérer leurs campagnes d’immunisation dans un contexte de pénurie mondiale de vaccins. En octobre 2022, le Groupe international de coordination (GIC), qui gère les approvisionnements d’urgence, a été contraint de suspendre la stratégie de vaccination à deux doses pour pouvoir protéger davantage de personnes, même si l’immunité en était amoindrie. Une pénurie qui va se prolonger jusqu’à fin 2025, tant la demande dépasse l’offre.

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L’augmentation des épidémies, également dues aux conflits avec leurs déplacements massifs de population, a fait exploser les besoins. Mais aussi le recours de plus en plus systématique au vaccin comme un outil de prévention dans les stratégies nationales. La production a suivi, avec une multiplication par dix en une décennie, jusqu’au point de rupture. « Les crises de 2021 et 2022 ont nécessité à elles seules 48 millions de doses, soit 10 millions de plus que pendant toute la décennie précédente », alerte l’OMS. Le manque est aujourd’hui d’autant plus criant que le sud-coréen Eubiologics est le seul fournisseur depuis janvier. Le français Sanofi a cessé fin 2023 sa production.

Même si des investissements ont été réalisés pour permettre à Eubiologics d’accroître sa production, l’année 2025 s’annonce périlleuse. L’arrivée d’un nouveau fabricant n’est prévue qu’à l’horizon 2026. Ce qui remet la prévention au cœur de la lutte contre l’émergence de nouveaux foyers et souligne l’urgence pour les Etats africains d’investir massivement dans des infrastructures d’assainissement.

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