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Violences policières

Mort de Steve Caniço à Nantes : le commissaire mis en examen sera promu quelques jours avant son procès

A la tête de l’opération accusée d’avoir provoqué la mort du jeune homme en juin 2019, Grégoire Chassaing sera jugé à partir du 10 juin, pour homicide involontaire. Le 1er juin, il sera nommé chef de la circonscription de police nationale de Lyon.
par LIBERATION
publié le 5 février 2024 à 17h28

Mis en examen, bientôt jugé, mais sur le point d’être promu. Le 1er juin, l’actuel commissaire de Clermont-Ferrand, Grégoire Chassaing quittera son poste d’adjoint du directeur départemental de la sécurité publique du Puy-de-Dôme pour prendre du galon, selon les informations publiées ce lundi 5 février par la Montagne et le Journal du Centre. Le policier de 53 ans deviendra alors chef de la circonscription de police nationale de Lyon, à la tête de plusieurs centaines d’agents.

Hasard du calendrier, du 10 au 14 juin, seulement quelques jours après sa promotion dans le Rhône, Grégoire Chassaing sera assis sur le banc des prévenus du tribunal correctionnel de Rennes. Il sera jugé pour «homicide involontaire» dans l’affaire de la mort de Steve Caniço, ayant dirigé l’opération de police qui a mené à la mort du jeune homme.

Cet animateur périscolaire de 24 ans avait disparu après une opération policière destinée à faire cesser une soirée techno sur un quai de l’île de Nantes, dépourvu de barrières, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019. Disant s’être sentis menacés et être victimes de jets de projectiles, les forces de l’ordre avaient multiplié les tirs de grenades lacrymogènes, de balles de défense (LBD) et de grenades de désencerclement. L’enquête de Libération avait révélé que les policiers continuaient à utiliser leurs armes, malgré la confusion et la chute de fêtard dans la Loire. Au total, sept personnes étaient tombées dans le fleuve pendant l’intervention, sans compter Steve, dont le corps n’a été retrouvé que le 29 juillet, à un peu plus d’un kilomètre de là.

Le commissaire Chassaing a mis «en œuvre des opérations de progression et d’interpellation sur le quai, sans prohiber immédiatement l’usage des armes important qui avait lieu, alors même que les investigations permettaient de démontrer que d’autres solutions étaient possibles, notamment celle d’un repli», avait estimé le procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, le 19 décembre 2023 au moment de renvoyer le policier devant le tribunal correctionnel. A cette annonce Me Louis Cailliez, avocat de Grégoire Chassaing avait fustigé une décision «scandaleuse et infondée juridiquement […] et martelé que son client avait «fait office de bon fusible». Les six autres policiers mis en examen avaient, eux, bénéficié d’un non-lieu.

«Etonnement»

Reste que l’annonce de la future mutation du commissaire mis en cause suscite de vives réactions. «La famille apprend avec étonnement la promotion de monsieur Chassaing à un poste à responsabilité nationale, avec de probables missions d’ordre public, dans le contexte particulièrement difficile de la sécurité en France», déplore Cécile de Oliveira, avocate de la famille de Steve Caniço portée partie civile, dans les colonnes d’Ouest France. La famille (de la victime, ndlr) entend rester à distance des questions administratives et disciplinaires concernant M. Chassaing. Mais il est très douloureux pour elle d’entendre aujourd’hui parler de promotion, alors même que le calendrier judiciaire est connu depuis déjà deux semaines…»

L’avocate de la famille Caniço s’est dite étonnée «face à la gestion de la carrière de M. Chassaing par la police nationale, alors même qu’il est mis en cause dans une affaire gravissime», pointant un «calendrier qui le fait changer de poste à quelques jours d’une audience qui pourrait déboucher sur une décision susceptible de le gêner, voire de l’empêcher dans ses fonctions de policier.»

En mai 2021, le fonctionnaire avait déjà été muté depuis Nantes vers le Puy-de-Dôme dans des circonstances similaires. Grégoire Chassaing avait été affecté au poste de numéro deux de la sécurité publique à Clermont-Ferrand alors que l’instruction pour homicide involontaire dans l’affaire Caniço était toujours en cours. Deux mois après son arrivée, le policier était mis en examen.

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