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Interview

« Ni grande annonce ni militantisme » : les conseils de la PDG d'Orange Business pour faire son coming out en entreprise

INTERVIEW // Aliette Mousnier-Lompré, PDG d'Orange Business, a annoncé publiquement en 2021 être en couple avec une femme. À l'occasion de la journée internationale du coming out le 11 octobre, elle a accepté de donner des conseils pratiques pour faire leur coming out au travail, un acte « libérateur ». Elle rappelle le rôle crucial des alliés LGBT + en entreprise.

Aliette Mousnier-Lompré, PDG d'Orange Business
Aliette Mousnier-Lompré, PDG d'Orange Business (D.R.)

Par Gaëlle Lebourg

Publié le 10 oct. 2023 à 19:55

Aliette Mousnier-Lompré a fait toute sa carrière à Orange. En janvier 2022, elle prend la direction d'Orange Business, une filiale d'Orange comptant 30.000 salariés dans 65 pays. Publiquement lesbienne depuis 2021, elle est nommée Rôle Modèle 2021 de l'Autre Cercle, une association oeuvrant pour l'inclusion des personnes LGBT + au travail. Cette association publie ce mercredi 11 octobre une étude Ipsos, qui révèle que 71 % des Français estiment que l'entreprise doit tout faire pour favoriser l'inclusion des personnes LGBT +.

A savoir que pour celles et ceux qui veulent leur coming out, les premiers mois de leur prise de poste sont primordiaux. Les deux tiers des personnes LGBT + qui ne l'ont pas fait au cours de la première année ne le feront jamais, selon une étude du Boston Consulting Group publiée en 2021. Or, cacher son homosexualité au travail peut empêcher de créer des liens avec ses collègues, limiter sa performance et son bien-être.

Pour Les Echos START, Aliette Mousnier-Lompré distille de précieux conseils, pour faire de l'entreprise un endroit où les personnes LGBT + peuvent parler de leur orientation sexuelle, sans en faire un sujet.

Les Echos START : Depuis quand êtes-vous « out » au travail ?

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Pratiquement depuis le premier jour. J'ai fait mon coming out à 23 ans, pendant mon stage à Orange, alors que j'étais en discussion pour mon embauche. Après, tout au long de ma carrière, j'ai fait des coming out en permanence. Par exemple, quand j'ai pris mon nouveau job 15 jours après la naissance de mon fils aîné, mes nouveaux collègues ne comprenaient pas ce que je faisais au bureau. J'étais obligée d'expliquer que c'était ma femme qui l'avait porté.

Que conseilleriez-vous à des jeunes LGBT qui veulent faire leur coming out au travail ?

Il n'y a pas de recette parfaite. Il faut essayer de faire les choses le plus naturellement possible, sans faire une grande annonce ni tomber dans le militantisme ou l'agressivité. On peut faire son coming out au détour d'une phrase, quand le sujet vient sur la table, en évitant de contourner les conversations à tout prix. Quand on n'a pas de partenaire à mentionner, on peut parler de ses activités ou de ses sorties dans un événement LGBT ou avec des amis LGBT.

Les personnes LGBT peuvent avoir peur qu'en évoquant leur orientation sexuelle, on leur pose des questions intimes. Comment éviter que la conversation sorte du cadre professionnel ?

Si un échange dérape, je désamorce la conversation par l'humour, pour essayer de mettre la personne face à ses contradictions, sans agressivité. Pour lui faire réaliser qu'elle ne poserait pas forcément ce type de questions à une personne hétérosexuelle.

Faire son coming out, c'est aussi prendre en charge ou non la gêne ou la surprise suite à cette annonce, assure la chercheuse Emilie Morand. Comment gérez-vous la réaction de l'autre ?

Si les gens face à moi sont gênés, c'est leur responsabilité, pas la mienne. Ce n'est pas un sujet d'ordre privé car au travail, on parle tout le temps de sa situation personnelle. C'est aussi capital de se trouver des alliés ou d'aller vers les réseaux LGBT au sein de l'entreprise, pour débriefer ces situations.

Comment réagir aux blagues homophobes, lesbophobes ou transphobes qui peuvent suivre un coming out ?

C'est délicat. Quand on est victime d'attaques de ce genre, se plaindre et « se victimiser » peut se retourner contre nous. On peut essayer d'utiliser l'humour, mais il faut être assez clair. Certaines lignes rouges ne doivent pas être dépassées. Il faut le dire simplement, de la manière la moins agressive possible, en précisant qu'on peut être fortement heurté par ces commentaires. Dans 80 % des cas, en parler génère une prise de conscience et règle le problème. Pour les situations plus problématiques, il est essentiel d'alerter sa hiérarchie, les RH ou les réseaux LGBT de l'entreprise, qui peuvent orienter vers les bons services.

Comment accueillir le coming out d'un ou d'une collègue ?

Être naturel, dans une neutralité bienveillante. Il ne s'agit pas d'en faire des tonnes, ça ne devrait pas être un sujet. Mais en tant que collègue, c'est très important de réagir quand on est témoin de comportements homophobes. J'ai fait mon premier coming out à Orange suite à un commentaire homophobe de mon N + 2 à la cantine. Ce qui m'a encouragée à parler de mon orientation sexuelle, c'est la réaction d'une collègue, qui lui a dit que son propos était homophobe. Les alliés ont un rôle primordial à jouer pour créer un environnement de travail bienveillant pour les personnes LGBT.

Depuis que vous dirigez Orange Business, votre façon de parler de votre orientation sexuelle a-t-elle changé ?

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Quand j'étais jeune, j'essayais toujours de contourner ou d'orienter les conversations, pour éviter d'évoquer mon orientation sexuelle. Être publiquement out, ça m'a beaucoup libérée, parce que ça m'a retiré ce poids du coming out permanent. Depuis que je suis manager, j'ai réalisé que j'avais le devoir de parler du sujet et de dire : « Vous avez le droit d'être qui vous êtes au travail. Vous n'avez pas besoin de cacher votre situation, quelle qu'elle soit. »

Gaëlle Lebourg

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