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Pesticides : l’Europe enterre une loi qui visait à réduire leurs usages de 50% pour protéger notre santé

Dans un nouveau gage donné aux agriculteurs, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a porté mardi le coup de grâce à un projet législatif, déjà bloqué par les eurodéputés, visant à réduire l’usage des pesticides.
Par afp
Temps de lecture: 2 min

Elément-clé du «Pacte vert», ce texte proposé mi-2022 par Bruxelles prévoyait des objectifs contraignants pour réduire de moitié d’ici 2030 l’utilisation et les risques des produits phytosanitaires chimiques dans l’UE par rapport aux années 2015-2017. «C’est devenue un symbole de polarisation», a déploré Mme von der Leyen devant le Parlement européen à Strasbourg (France), alors que les agriculteurs en colère dénoncent depuis des semaines des normes écologiques excessives.

«Pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires. La Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes», a ajouté Mme von der Leyen, sans indiquer de calendrier. «Les agriculteurs ont besoin de raisons économiques d’adopter des mesures de protection de la nature, peut-être n’avons-nous pas exposé ces raisons de manière convaincante», a-t-elle regretté.

Le Copa-Cogeca, organisation regroupant les syndicats agricoles majoritaires au niveau européen, avait fustigé «un pur texte idéologique, mal calibré, irréaliste et non financé». Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE, a salué le retrait: «Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l’agriculture, le dialogue continue», a-t-il estimé.

«Longue vie aux agriculteurs, dont les tracteurs forcent l’Europe à revenir sur la folie» qui leur est «imposée», a renchéri le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini.

«Occasion manquée»

Le Parlement européen avait rejeté la proposition pesticides fin novembre, après des amendements d’élus PPE (droite) la vidant largement de sa substance pour éviter au monde agricole des contraintes considérées intenables. Un blocage rarissime qui contribuait à l’enterrer de facto à quelques mois des élections européennes de juin 2024, alors que le «Pacte vert» de l’UE fait figure d’épouvantail.

Théoriquement, les ministres de l’Agriculture pouvaient continuer à débattre du texte, mais les négociations entre les Vingt-Sept étaient durablement enlisées, plusieurs Etats s’alarmant de l’impact sur les rendements et la souveraineté alimentaire. «Des diminutions (de production) étaient prévues, ce n’était pas sensé. Grâce à notre travail notamment, cette proposition est balayée», a réagi le chef du PPE, l’élu allemand Manfred Weber, du même camp que Mme von der Leyen. «Nous resterons le parti des agriculteurs, nous sommes à vos côtés», a-t-il ajouté, la droite en faisant un argument-clé des élections.

Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission parlementaire Environnement, a lui déploré «une erreur, une occasion manquée». «Nous étions sur le point de retravailler ce texte en profondeur», a-t-il assuré. Le retrait intervient à quelques heures de l’annonce d’une feuille de route où Bruxelles recommandera un objectif climatique pour 2040, qui devrait relativement épargner l’agriculture (11% des émissions de gaz à effet de serre européennes).

«Débat polarisé»

Face aux défilés de tracteurs, Bruxelles multiplie les gestes envers les agriculteurs. La Commission a proposé la semaine dernière une dérogation partielle aux obligations de jachères et une limitation des importations ukrainiennes, deux motifs majeurs de la contestation, tout en promettant de «simplifier» la Politique agricole commune (PAC).

Elle a également reconnu que les conditions n’étaient pas réunies pour conclure l’accord commercial avec les pays sud-américains du Mercosur, ligne rouge des agriculteurs et de certains Etats. Déjà l’an dernier, Bruxelles avait renoncé à proposer un texte sur l’étiquetage nutritionnel qui crispait le secteur agro-alimentaire. Ursula von der Leyen a de nouveau assuré mardi prendre conscience du malaise agricole: face aux effets du changement climatique et du conflit ukrainien, «nombre d’agriculteurs se sentent acculés (..) Ils méritent d’être écoutés».

«Il faut aller au-delà d’un débat polarisé, instaurer la confiance (...) Nous devons éviter de nous rejeter mutuellement la faute, et chercher ensemble des solutions», a martelé celle qui pourrait candidater à sa propre succession après les élections.

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