L'Otan lance le plus important exercice militaire jamais organisé en Europe
L'Otan a donné le coup d'envoi à l'exercice Steadfast Defender, qui serait selon le commandement de Mons, le plus important exercice de l'Alliance organisé en Europe depuis près de 40 ans.
Par Anne Bauer
Premier couac : le porte-aéronefs britannique « HMS Queen Elizabeth » ne participera pas comme prévu au plus important exercice jamais organisé par l'Otan depuis la guerre froide en Europe. « Un problème avec un accouplement sur l'arbre d'hélice tribord du Queen Elizabeth », selon le vice-amiral Andrew Paul Burns, le commandant de la flotte de la Royal Navy, l'empêche de rejoindre au large des côtes norvégiennes les navires de guerre partis des ports américain et canadien de Norfolk et d'Halifax dans le cadre de l'exercice Steadfast Defender.
« Ce n'est pas grave, cela ne met pas en danger la mission », minimise le brigadier général Gunnar Brügner, chargé de présenter à la presse l'exercice militaire géant organisé par le commandement militaire de l'Otan. Steadfast Defender vient de démarrer et va se dérouler sur plusieurs théâtres essentiellement en Europe du Nord et en Europe centrale jusqu'au mois de mai. L'exercice est donc déjà retardé : l'« HMS Prince of Wales » remplacera son aîné « au plus vite ».
31 nations réunies
Il s'agit néanmoins pour l'Alliance euro-atlantique de démontrer que les forces des 31 Etats membres sont capables de se déployer rapidement et de coopérer efficacement. Le scénario mis au point pour cette séquence des différents exercices militaires qui se succéderont jusqu'à la fin mai n'est pas trop explicite, mais il s'agit de faire face à un ennemi « de taille comparable »… Un ennemi qui ressemblerait bien à la Russie.
Dans le contexte d'agression de l'Ukraine, l'exercice ne vise ainsi pas à protéger les côtes portugaises, mais se concentre sur la bataille navale dans les terres arctiques et surtout sur la protection du flanc est européen, avec les principaux exercices terrestres programmés en Pologne et dans les pays baltes.
Il y avait des décennies que l'Otan n'avait mobilisé de telles forces. Ses derniers exercices ne dépassaient généralement pas la dizaine de jours et se concentraient au mieux sur un ou deux pays membres. Cette fois, Steadfast Defender a pour ambition de mobiliser 90.000 soldats en provenance des 31 pays membres de l'Alliance, ainsi que de la Suède, et de faire des manoeuvres avec plus de 1.000 blindés, plus de 80 avions et une flotte de plus de 50 navires. « Le but est de prouver que les forces de l'Alliance peuvent conduire et soutenir des opérations multidomaines (terre, air, mer, cyber) pendant plusieurs mois, sur des distances de milliers de kilomètres, du grand Nord européen à l'Europe centrale et de l'Est », explique Gunnar Brügner.
Une démonstration de forces dissuasive
Le message est évidemment clair et dissuasif… Il s'agit de montrer ses muscles, quand le dernier exercice d'ampleur remonte à 2018 (Trident Juncture avec 50.000 participants). Trente ans plus tôt, en 1988, dans un contexte de guerre froide, l'Otan avait mené l'exercice Reforger avec 125.000 participants.
Les leçons de la guerre en Ukraine sont simples, explique-t-on à l'Otan : « Il faut s'entraîner davantage et sur des terrains plus vastes ». Steadfast Defender est un immense stress test pour les forces alliées, qui ont promis lors du dernier sommet de Vilnius de se doter d'une force d'intervention rapide de 100.000 hommes. On en est encore loin, mais il faut monter en compétence et vérifier les capacités des armées à déplacer troupes et matériel et à les faire coopérer face à l'ennemi.
La première quinzaine de mars, les troupes terrestres et leurs centaines de blindés se retrouveront ainsi en Pologne, pour l'opération Polish Dragon, avec pour mission de franchir la rivière Vistule. Toute ressemblance avec une autre rivière dénommée le Dniepr… sera démentie au Shape, le quartier général des puissances alliées en Europe situé à Mons en Belgique.
Anne Bauer