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Scrutin

Azerbaïdjan : le dictateur Ilham Aliev élu pour un cinquième mandat à la présidence du pays

Fort de sa victoire miliaire au Haut-Karabakh en septembre, le Président Ilham Aliev a été réélu ce mercredi 7 février avec plus de 90 % des suffrages au terme d’un scrutin anticipé et sans opposition tangible, sur fond d’une répression toujours plus stricte des libertés civiles et des médias.
par Izia Rouviller et AFP
publié le 7 février 2024 à 17h23
(mis à jour le 7 février 2024 à 20h40)

Un scrutin pour un simulacre de démocratie en l’honneur d’Ilham Aliev. L’inamovible président de l’Azerbaïdjan a été sacré pour une cinquième fois, en l’absence de toute opposition, lors d’une élection anticipée qui s’est tenue ce mercredi 7 février. Fraîchement auréolé de son succès militaire contre les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh, le chef d’Etat autoritaire, au pouvoir depuis le décès de son père en 2003, tient les rênes de ce pays pétrolier du Caucase si fermement qu’aucune surprise n’était envisageable.

«Personne ne s’attend à une surprise : sans opposition, il est très clair qu’Aliev aura la majorité des votes de ce scrutin», a analysé pour Libération Najmin Kamilsoy, chercheur à l’Université Charles de Prague, quelques heures avant le résultat. Et pour cause : le président azerbaïdjanais a recueilli 92 % des voix, selon les résultats officiels portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote, avec une participation établie à 67,7 %. Le soir de l’annonce de l’issue du scrutin, des milliers de partisans d’Ilham Aliev ont célébré sa victoire dans les rues de la capitale.

Les électeurs avaient le choix entre l’homme fort de Bakou ou six autres candidats, des pantins ne présentant aucune réelle alternative au dirigeant de 62 ans. «Tous ont soutenu le président dans le passé proche», quand ils ne l’ont pas encensé en pleine campagne, note l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans un rapport. Les véritables partis d’opposition, laminés par des années de répression et de marginalisation de la part du gouvernement, boycottaient ce scrutin qui a tout d’une «farce».

Le début d’une «nouvelle ère»

A chaque élection, Ilham Aliev collectionne des scores écrasants constamment dénoncés par les observateurs internationaux. En 2018, l’OSCE avait souligné de «graves irrégularités» lorsque le chef d’Etat avait raflé 86 % des voix, non loin de son record de 89 % en 2008. «Il y a des fraudes à chaque élection», confirme Najmin Kamilsoy, qui estime qu’«aucun élément intérieur ou extérieur ne menace pour le moment le président» à se maintenir au pouvoir dans les sept années de son mandat à venir.

Geste symbolique, le président Aliev et sa femme, Mehriban Alieva – nommée vice-présidente en 2017 – ont pour leur part glissé leurs bulletins dans l’urne à Khankendi, la principale ville du Haut-Karabakh – appelée Stepanakert par les Arméniens. Pour la première fois depuis la chute de l’Union soviétique, des bureaux de vote azerbaïdjanais y étaient ouverts. De quoi conférer au vote un caractère «historique», s’est félicité Mazakhir Panakhov, le président de la Commission électorale centrale. Ilham Aliev surfe sur sa victoire militaire au Haut-Karabakh, en septembre, qui a mis fin à trois décennies de sécessionnisme marquées par deux guerres. En janvier, le chef d’Etat avait expliqué avoir convoqué cette élection anticipée, initialement prévue en 2025, pour célébrer le début d’une «nouvelle ère».

«Depuis sa reprise en main du Haut-Karabakh et le soulagement collectif des Azerbaïdjanais, Ilham Aliev jouit d’une forte popularité, observe Najmin Kamilsoy. En reprogrammant l’élection, il essaie aussi de formellement démontrer qu’il est l’homme politique le plus populaire de l’histoire du pays.» Et ce malgré des libertés civiles foulées aux pieds. L’ex-république soviétique de quelque 10 millions d’habitants se retrouve régulièrement dans les dernières places des classements des groupes de défense des droits humains.

Richesses en hydrocarbures

L’Azerbaïdjan est pointée du doigt par les ONG pour sa répression de l’opposition et des médias, sa torture dans les prisons et ses arrestations arbitraires – des accusations rejetées par les autorités. Ilham Aliev est aussi suspecté de profiter des richesses en hydrocarbures du pays pour enrichir son clan, ce qu’il conteste. Une «production de pétrole déclinante» et une «économie actuellement stable vouée à se détériorer» : c’est aussi ce qui a poussé le chef d’Etat à avancer le scrutin, sans compter ses relations de plus en plus tendues avec les puissances occidentales, selon Najmin Kamilsoy.

Avant sa réélection, le président azerbaïdjanais avait déjà donné des indications sur ses intentions pour ce cinquième mandat. De nombreux observateurs s’interrogent sur ses ambitions militaires, alors que des négociations chaotiques sont en cours pour un accord de paix avec l’Arménie. En janvier, Ilham Aliev avait assuré ne pas souhaiter un nouveau conflit avec son voisin, affirmant tout de même que l’Azerbaïdjan devait rester «très vigilant» face aux menaces.

Mis à jour : jeudi 8 février à 10h01, avec les chiffres des suffrages recueillis par Ilham Aliev et de la participation au scrutin.

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