Remaniement : Nicole Belloubet, un choix risqué pour l’Éducation nationale

L’ex-garde des Sceaux a été nommée à l’Éducation nationale et succède à Amélie Oudéa-Castéra, qui s’était engluée dans une série de polémiques. Bis repetita ?

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L'histoire est parfois facétieuse… Nicole Belloubet, après avoir succédé à François Bayrou en 2017 à la Justice, doit son retour au sein du gouvernement à ce même François Bayrou. Alors que ce dernier était pressenti, ces derniers jours, pour être nommé à l'Éducation nationale, le président du MoDem a finalement annoncé à l'AFP, mercredi soir, qu'il n'entrerait pas au gouvernement, faute d'un « accord profond sur la politique à suivre ».

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En réalité, comme Le Point l'a raconté, Bayrou voulait prendre la tête d'un nouveau ministère à la hauteur de son expérience, une sorte de portefeuille XXL directement rattaché au chef de l'État, qui lui aurait permis de combler « la rupture entre le pouvoir et la province ». Alors qu'il ne se prive pas de railler un gouvernement qui ne comporte « aucun ministre important venant du sud de la Loire », il aurait notamment eu la charge de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Mais le Premier ministre, Gabriel Attal, n'aurait pas voulu accorder cette faveur au haut-commissaire au Plan.

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Nicole Belloubet, 68 ans, venue des rangs du PS – elle a notamment été première adjointe du maire de Toulouse, Pierre Cohen –, a donc été nommée ministre de l'Éducation nationale à la faveur d'un concours de circonstances : la nécessité de remplacer Amélie Oudéa-Castéra, engluée dans une série de polémiques, et l'opportunité créée par le coup de tonnerre de François Bayrou, qui a laissé la place vacante. L'option était toutefois envisagée par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avant la sortie du patron du MoDem, qui a surpris, sinon agacé, jusque dans les rangs du parti centriste. Selon nos informations, le Premier ministre avait en effet reçu Nicole Belloubet dès mardi, à Matignon.

Jets de robes

Le profil de l'ex-membre du Conseil constitutionnel, agrégée de droit public, contraste avec celui de ses deux prédécesseurs à l'Éducation, Attal et Oudéa-Castéra. « Elle est précise, professionnelle, travailleuse mais politiquement elle a beaucoup de mal à s'imposer, alerte une figure de la majorité. Quand elle était garde des Sceaux, elle n'a jamais eu la main sur ses dossiers. » Pendant trois ans, de 2017 à 2020, elle est souvent apparue en retrait par rapport au ministère de l'Intérieur, parfois en bisbille avec Édouard Philippe, Premier ministre de l'époque, et s'est retrouvée sérieusement bousculée.

Elle a ainsi été confrontée à une grève historique des barreaux, qui protestaient contre la réforme des retraites et l'entrée des avocats dans le régime universel. À Caen, le 8 janvier, des avocats avaient même jeté leur robe au sol devant la ministre, en signe de protestation.

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Avant la réforme des retraites, la réforme de la justice avait également mobilisé, en 2018, les avocats. Une banderole « Justice morte, démolition en cours » avait été accrochée aux grilles du tribunal de grande instance de Nice. « Elle n'incarne pas et, quand on parle d'elle, c'est qu'elle a sorti une connerie », griffe un député Renaissance. L'Élysée n'a sans doute pas oublié sa bourde sur l'affaire Traoré.

Elle n’incarne pas et, quand on parle d’elle, c’est qu’elle a sorti une connerieUn député Renaissance

En juin 2020, en réponse aux manifestations contre le racisme et les violences policières, le Château l'avait pressée d'accélérer ses propositions. Elle avait alors proposé aux proches d'Adama Traoré, décédé en 2016 après une interpellation, de les recevoir place Vendôme. L'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, lui avait opposé une fin de non-recevoir et avait demandé à Emmanuel Macron de faire « respecter la séparation des pouvoirs » : « La loi interdit à la garde des Sceaux d'intervenir dans les affaires individuelles », avait-il rappelé.

Polémique sur l'affaire Mila

L'ex-ministre de la Justice avait aussi déclenché une vive polémique à propos de l'affaire Mila, cette adolescente menacée de mort pour avoir critiqué l'islam. Le 29 janvier 2020, elle déclare : « L'insulte à la religion, c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave, mais ça n'a pas à voir avec la menace (de mort). » Face au tollé, elle rétropédale, une semaine plus tard, dans une tribune au Monde. « J'ai eu une expression qui était non seulement maladroite – ce qui est regrettable –, mais surtout inexacte », a-t-elle alors écrit. Elle a aussi précisé que « dans notre pays, chacun est libre de blasphémer », ajoutant : « C'est l'évidence même. La France n'est pas une terre de fatwas. »

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De quoi inquiéter Gabriel Attal, dans ce contexte explosif marqué par la grève des enseignants ? « Elle n'est pas à l'abri de foutre en l'air tout ce qu'Attal avait commencé à mettre en place, avec une communication hyperchiadée. Elle est capable de nous sortir une énorme bourde, qui pourrait même éclipser celles d'AOC [Amélie Oudéa-Castéra] et il faudra encore trouver quelqu'un d'autre », se désespère un élu Horizons. D'autres se rassurent en rappelant qu'elle a été rectrice des académies de Limoges et de Toulouse, entre 1997 et 2005, et connaît donc assez bien le monde enseignant.

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Commentaires (134)

  • roncec

    N'oublions pas que ce n'est pas uniquement le ou la Ministre qui FAIT l'Education Nationale, mais ce sont aussi ses enseignants, et surtout ses syndicats d'enseignants... Et là, comme citadelle conservatrice, on est dans le dur.

  • Watys

    Avec belloubet ministre, l'Education Nationale va encore perdre des places au classement Pisa du niveau des élèves ET nous coûter toujours plus cher.
    Le gouvernement Macron-Attal vient de réussir un coup fatal...

  • DominiqueD2B

    Chaque fois, qu’on nomme une personnalité politique, il est nécessaire de se poser deux questions : a t’elle le niveau pour sa fonction et porte t’elle dans ses gènes la bonne politique. Madame Oudea-Castera portait les idées dont avait besoin l’éducation nationale, mais n’avait pas le niveau. Madame Belloubet, c’est le contraire. Franchement, cela ne me rassure pas.