Il était une fois dans l'Ouest, les cow-boys noirs : épisode • 2/4 du podcast Histoire africaine-américaine, un passé marginalisé

Des cow-boys lors d'une foire à Bonham au Texas, États-Unis, vers 1913 ©Getty - Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images
Des cow-boys lors d'une foire à Bonham au Texas, États-Unis, vers 1913 ©Getty - Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images
Des cow-boys lors d'une foire à Bonham au Texas, États-Unis, vers 1913 ©Getty - Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images
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Ils ont représenté plus d’un cow-boy sur cinq : les Afro-descendants ont joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Ouest étasunien, comme nous le révèle le témoignage de l’un d’entre eux, Nat Love, dans un récit autobiographique. Que nous apprend l’histoire de ces cow-boys noirs ?

Avec
  • Soazig Villerbu Professeure d'histoire contemporaine à l'université de Limoges
  • Thierry Beauchamp Traducteur de l'anglais et amateur de littératures oubliées

À la simple évocation des cow-boys, une panoplie nous vient en tête, avec un cheval, un colt et un fusil, un stetson et un bandana, et le soleil couchant du Far West. Nous le savons déjà, les cow-boys noirs ont longtemps été invisibilités, vaincus dans le duel mémoriel qui construit l’identité des États-Unis. Ici, il est nécessaire de déplacer la frontière, celle du mythe de la frontière et celle de la place des Africains-Américains dans l’histoire des garçons vachers. Il était une fois dans l’Ouest, les cow-boys noirs !

Les cow-boys, du Texas au Kansas

Des années 1860 jusqu’à la fin des années 1880, les ranchs du Texas profitent de l’explosion du marché de la viande aux États-Unis. Il incombe à des vachers, ou cow-boys, de convoyer des troupeaux de milliers de bêtes à travers le Kansas et les Territoires Indiens (futur Oklahoma), pour rejoindre les villes reliées au réseau ferroviaire, comme Abilene ou Dodge City : le bétail est ensuite acheminé jusqu'aux abattoirs de Chicago. Loin d’une vie d’aventures, le métier de cow-boy est celui d’un salarié agricole, aux conditions souvent difficiles, comme le résume Thierry Beauchamp : "C'est un milieu très masculin et jeune. On ne fait pas de vieux os à passer sa vie sur un cheval, à dormir à la belle étoile la plupart du temps, ce sont des conditions de vie extrêmement difficiles, et c'est très dangereux."

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Les Afro-descendants dans l'Ouest américain

Nombreux sont les Africains-Américains qui choisissent de tenter leur chance dans les ranchs du Texas en devenant cow-boys. L’abolition de l’esclavage à la fin de la guerre de Sécession en 1865 leur confère liberté de mouvement et liberté d’entreprendre. Ils sont des milliers à fuir les discriminations des États du Sud pour tenter leur chance à l’Ouest, dans des États moins ségrégationnistes. L'historienne Soazig Villerbu insiste : "Ils ont une place centrale, contrairement à ce que la légende continue d'entretenir de manière assez abondante. Il y a une histoire afro-descendante de l'Ouest qui est fondamentale". L’un d’entre eux, Nat Love, livre dans son autobiographie un tableau vivant, et parfois exagéré, de la vie des cow-boys dans la plaine : pour un Africain-Américain, cette microsociété pouvait constituer un espace de liberté.

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La construction du mythe du cow-boy

Au même moment, à l’Est, des romans populaires à fort tirage inventent, pour répondre à la demande d’un lectorat qui s’élargit, des figures de "héros de la Frontière", des cow-boys ou des trappeurs, toujours campés par des blancs. De la même manière, les spectacles de rodéos mettent l’Ouest américain en scène, notamment dans le premier et le plus célèbre d’entre eux dirigé par Buffalo Bill. Ces spectacles placent les cow-boys, mais aussi les natifs américains, au centre d’une culture du cheval qui exclut les Afro-descendants, relégués au second plan et ramenés à leur seul passé d’esclaves.
Selon Soazig Villerbu, "à cette époque, la fin du monde cow-boy est un regret, mais c'est en même temps un récit sur lequel les États-Unis se construisent." Ce cow-boy de la fiction, qui dès les années 1870 est érigé en mythe américain, est dès lors un cow-boy blanc.

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7 min

Pour en savoir plus

Thierry Beauchamp est traducteur de l’anglais. Il s'intéresse à la littérature et au folklore africain-américain.
Il a notamment traduit :

  • Nat Love, Cow-boy noir : une autobiographie, Anacharsis, 2023
  • Le Rire enchaîné : petite anthologie de l’humour des esclaves noirs américains, Anacharsis, 2016

Soazig Villerbu est professeure d’histoire contemporaine à l’université de Limoges. Ses thèmes de recherche portent sur l’histoire de l’Ouest américain.
Elle a notamment publié :

  • Nouvelle histoire de l’Ouest : Canada, États-Unis, Mexique, Passés Composés, 2023
  • La France et les Amériques entre révolutions et Nations : 1776-1871, (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2021
  • Les Missions du Minnesota. Catholicisme et colonisation dans l’Ouest américain, 1830-1860, Presses universitaires de Rennes, 2014
  • La Conquête de l’Ouest. Le récit français de la nation américaine au XIXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2007

Références sonores

  • Extrait du film The Harder They Fall de Jeymes Samuel, 2022
  • Archive sur des éleveurs de Texas Longhorn, France 3, Nîmes, 2013
  • Lecture par Henri Leblanc d’extraits de Cow-boy noir : une autobiographie de Nat Love, publié en 1907, traduit par Thierry Beauchamp
  • Extrait du film Django Unchained de Quentin Tarantino, 2012
  • Musique The Braying Mule d’Ennio Morricone
  • Chanson Black Cowboys par Bruce Springsteen, 2005
  • Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020

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