La dépénalisation de l’homosexualité, l’autre grand combat de Robert Badinter

Robert Badinter, à l’Assemblée le 21 juillet 1982.

Robert Badinter, à l’Assemblée le 21 juillet 1982. JOEL ROBINE / AFP

Récit  Le 27 juillet 1982, sous l’impulsion du garde des Sceaux et de Gisèle Halimi, l’Assemblée nationale votait la dépénalisation de l’homosexualité, ouvrant la voie à l’adoption, jusqu’à récemment, de textes en faveur des droits des gays et des lesbiennes.

Avec l’abolition de la peine de mort, ce fut l’autre grand combat de Robert Badinter : la dépénalisation de l’homosexualité, votée le 27 juillet 1982, et le 4 août 1982, la loi Forni portée par la rapporteure de la commission des lois, Gisèle Halimi, et le garde des Sceaux abrogeait définitivement le « délit d’homosexualité ». Promesse de campagne de François Mitterrand, ce vote mettait ainsi fin à quarante ans de stigmatisation des gays et des lesbiennes, dont 15 000 d’entre eux avaient défilé dans Paris en juin 1982 pour réclamer l’abolition du délit d’homosexualité.

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Ce délit datait d’une disposition du Code pénal (l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal), née sous le régime de Vichy. Il pénalisait certaines relations homosexuelles et condamnait « les actes contre-nature » et les relations entre hommes de moins de 21 ans. Il aggravait de fait les peines en cas « d’attentat aux mœurs sur mineurs », lorsqu’il était commis par une personne de même sexe.

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Les mots prononcés à l’Assemblée nationale le 20 décembre 1981 par Robert Badinter sont restés dans toutes les mémoires : « L’Assemblée sait d’ailleurs quel type de société dans l’Histoire et aujourd’hui encore, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Il n’est que temps d’ailleurs, à cet égard, de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels comme à tous ses autres citoyens, dans tant de domaines. » Malgré l’opposition de la droite, la loi Forni est adoptée par 327 voix contre 155.

Cet engagement fut en ligne directe avec les valeurs de liberté défendues l’avocat. Dès 1976, à l’occasion de la sortie de son livre « Libertés, libertés », Robert Badinter s’était longuement exprimé sur la notion de liberté individuelle, et sexuelle, sujet sur lequel François Mitterrand lui avait déjà demandé de réfléchir, cinq ans, donc, avant l’accession du candidat socialiste à l’Elysée.

Cette évolution a ouvert la voie à l’adoption d’autres textes majeurs pour les droits des homosexuels : à partir de 1985, toute discrimination fondée sur les mœurs – euphémisme utilisé pour faire référence à l’homosexualité – est susceptible de sanctions pénales ; un an après, le législateur prévoit la même chose en droit du travail ; en 1999 est adopté le Pacs  ; puis, en 2013, le mariage pour tous ; enfin, plus récemment, une proposition de loi socialiste portant réparation des personnes  condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 est adoptée par le Sénat. Dans ce texte, l’Etat français reconnaît sa responsabilité du fait de l’application de dispositions pénales à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ; et reconnaît aussi que ces dispositions ont été sources de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement.

Entre 1942 et 1982, plus de 10 000 personnes ont été condamnées pour des actes homosexuels, estime Régis Schlagdenhauffen, maître de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS). 90 % de ces personnes ont écopé de peines de prison ferme. Des recherches récentes estiment même le nombre de condamnations supérieur à 50 000.

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L’association SOS homophobie a rendu un « profond hommage » à Robert Badinter : « Nous saluons son action résolue et constante en faveur de la reconnaissance, de l’égalité et de la dignité des personnes LGBTI. »

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