Recherche scientifique et sexisme : "Même les filles compétentes ne s'imaginent pas dans ces métiers"

Aude Bernheim / Alexandra Palt ©AFP - JULIEN DE ROSA / AFP
Aude Bernheim / Alexandra Palt ©AFP - JULIEN DE ROSA / AFP
vidéo
Aude Bernheim / Alexandra Palt ©AFP - JULIEN DE ROSA / AFP
Publicité

Aude Bernheim, chercheuse en microbiologie et génétique, responsable d’un groupe de recherche “Diversité moléculaire des microbes” à l’Institut Pasteur et Alexandra Palt, directrice générale de la Fondation L’Oréal sont les invitées du grand entretien de la matinale.

Avec
  • Aude Bernheim Ingenieure des Ponts Eaux et Forêts, doctorante à l'Institut Pasteur
  • Alexandra Palt Directrice général fondation L'OREAL

La place des femmes dans la recherche est encore assez largement minoritaire dans le monde. "Il y a 33% de femmes chercheurs", rappelle Alexandra Palt. "L'information la plus inquiétante, c'est que plus on monte dans l'échelle hiérarchique, moins il y a de femmes. Le chiffre progresse sur la part des femmes dans la recherche : c'était 27% dans les années 90 ; aujourd'hui, on est à 33%. Mais en Europe, 18% de femmes sont à des postes de responsabilités dans la recherche."

En France, à l'entrée en CP, les filles sont aussi fortes que les garçons en math. Et pourtant, à l'université, elles ne sont plus que 22% à avoir choisi une filière mathématiques ! "Il faut comprendre qu'il y a beaucoup de stéréotypes sur ce que sont les sciences et ce que ça veut dire de faire des sciences", décrypte Aude Bernheim. "Il y a ce qu'on appelle la menace du stéréotype, ou même l'autocensure, qui va arriver. Quand on regarde les étudiantes qui ont plus de 14/20 dans des moyennes scientifiques, il n'y en a que 48% qui vont penser qu'elles seraient assez bonnes pour des carrières scientifiques contre 48%. C'est 78% pour les hommes. Dès l'école, il y a des différences : même si les filles sont totalement compétentes, elles ne s'imaginent pas dans ces métiers."

Publicité
Zoom zoom zen
53 min

Autocensure et manque de volonté politique

"Moi, personnellement, à 20 ans, je ne pensais pas du tout être capable de faire de la recherche", explique celle qui est devenue chercheuse à l'Institut Pasteur. "Vraiment, je me disais que je ne serais jamais assez bonne pour ça. Je pense que c'est, de façon générale, un ressenti, mais aussi un manque de rôle modèle. On grandit, on ne voit que des hommes chercheurs et aussi un seul modèle.Est-ce que vous connaissez d'autres femmes scientifiques à part Marie Curie ? Or tout le monde ne peut pas s'identifier à Marie Curie, on n'est pas toutes des Marie Curie en puissance."

"Il est important de dire que oui, c'est une question de stéréotypes et d'autocensure, mais ne faisons pas en plus porter l'intégralité de la responsabilité aux femmes", rappelle Alexandra Palt. "Oui, on s'autocensure, mais il y a quand même aussi un environnement, une volonté politique, privée et publique qui n'est pas suffisante. Par exemple, l'année dernière, on a fait une étude : une femme sur deux a rencontré du harcèlement sexuel dans le milieu de la recherche. Ce ne sont pas des chiffres qui donnent hyper envie aux femmes. Bien sûr, il faut sensibiliser autant que possible, mais il y a aussi un mouvement de la société, une volonté politique nécessaire pour donner aux meilleurs talents la possibilité de nous faire profiter de leurs talents, parce que c'est quand même ça l'enjeu aussi."

L'équipe

pixel