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En Pologne, la télévision publique présente des excuses aux personnes LGBT+

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Un nouveau présentateur de la chaîne TVP Info a demandé pardon en direct et au nom de sa chaîne, qui a relayé pendant des années la campagne de haine du PiS. Depuis son entrée en fonction, le nouveau gouvernement s’emploie à détricoter des mesures ultraconservatrices de ses prédécesseurs.
par Nelly Didelot
publié le 13 février 2024 à 19h11

Dimanche 11 février, 21h30. Sur la chaîne polonaise TVP Info, le jingle vient de retentir, la dernière interview de la soirée va débuter. Le journaliste Wojciech Szelag présente ses invités : Bart Staszewski et Maja Heban, deux jeunes militants LGBT +. Pour la télévision publique polonaise, c’est déjà un événement. Depuis huit ans, aucun représentant de la communauté LGBT n’avait été interviewé en direct.

Avant de poser sa première question, Wojciech Szelag se tourne vers la caméra. «Pendant de nombreuses années en Pologne, des mots honteux ont été accolés à des individus, simplement parce qu’ils ont choisi de déterminer par eux-mêmes qui ils sont et qui ils aiment, dit-il, la voix légèrement tremblante. LGBT+ ne désigne pas une idéologie, mais des personnes. Avec des noms, des visages, des familles, des amis. Tous ces gens devraient entendre le mot “pardon”. Je m’excuse.»

Transformation des médias

Il y a encore quelques mois, une telle déclaration à l’antenne aurait été inimaginable. Pendant les huit années de pouvoir du parti Droit et Justice (PiS), la communauté LGBT a été constamment vilipendée par le gouvernement. L’ancien ministre de l’Education Przemyslaw Czarnek estimait que «ces gens ne sont pas égaux aux gens normaux». En 2019, le chef du parti, Jaroslaw Kaczynski, qualifiait «l’idéologie LGBT» de «menace pour l’identité polonaise, pour notre nation, pour son existence, et donc pour l’Etat polonais».

Comme les autres chaînes publiques transformées en courroie de propagande, TVP Info relayait fidèlement ces attaques auprès de ses téléspectateurs, très majoritairement âgés de plus de 65 ans. «Pendant des années, dans ce même studio, les personnes LGBT ont été dépeintes comme une menace pour la nation polonaise. Les excuses sont une part importante de la réconciliation», a réagi, très ému, Bart Staszewski, l’un des deux invités.

Ce changement radical de ton a été permis grâce à la reprise en main des médias publics par le nouveau gouvernement, composé par la coalition des libéraux, des conservateurs modérés et de la gauche, et mené par Donald Tusk. Quelques jours à peine après son entrée en fonction en décembre, il a remplacé, par la manière forte, les directeurs de TVP, de l’agence de presse PAP et de la radio nationale. La méthode a été critiquée mais la décision commence à porter ses fruits. Wojciech Szelag, le présentateur qui a présenté ses excuses à la communauté LGBT, a été embauché le mois dernier.

Espoir pour l’avortement

En parallèle, le nouveau gouvernement d’orientation plutôt libérale s’emploie à détricoter certaines mesures ultraconservatrices du PiS. Le libre accès à la pilule du lendemain a été voté en janvier. Depuis 2017, il fallait une ordonnance pour obtenir ce contraceptif d’urgence. Une autre proposition de loi, nettement plus ambitieuse, doit être discutée prochainement au Parlement pour autoriser «l’avortement légal et sécurisé jusqu’à la douzième semaine de la grossesse». A ce jour, il est uniquement possible d’avoir recours à l’IVG en cas de viol ou si la vie de la mère est mise en danger. Un projet de loi en préparation prévoit aussi l’ouverture des unions civiles aux personnes de même sexe.

Ces réformes d’ampleur risquent de se heurter aux institutions toujours tenues par le PiS : le président de la République, Andrzej Duda, pourrait y mettre son veto, et le Tribunal constitutionnel, rempli de juges nommés illégalement par le PiS, les juger non conformes à la Constitution. Mais le gouvernement de Donald Tusk peut s’appuyer sur le soutien populaire. Selon deux sondages récents, un peu plus d’un Polonais sur deux soutient la légalisation de l’avortement sans condition, jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Une enquête d’opinion menée dans plusieurs pays par l’agence Portland Communications montre aussi qu’une majorité de la population estime que la Pologne va dans la bonne direction, une rareté à l’échelle de l’Union européenne.

Ces chiffres encourageants soulignent aussi que Donald Tusk a su suivre l’évolution de la société polonaise depuis son premier mandat (2007 à 2014), marqué par une politique plus conservatrice.

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