Santé physique

Le réchauffement climatique entraîne une nouvelle menace en Europe : le virus du Nil occidental

Nouvelle menace en Europe : le virus du Nil occidental (LP-14/02/24)

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InfoPar Johanne Montay

Le virus du Nil occidental, un nom à consonance exotique pour un agent pathogène qui ne l’est plus. Ce virus, de la famille des arbovirus, représente désormais une menace pour la santé publique dans des pays européens épargnés jusqu’ici.

Le virus du Nil occidental porte ce nom car il a été isolé pour la première fois chez une femme du district du Nil occidental en Ouganda en 1937. Il a ensuite été identifié chez des oiseaux dans la région du delta du Nil en 1953. Plus tard, en 1999, les Etats-Unis ont connu leur premier cas importé à New-York, suivi d’une propagation et d’une épidémie importante sur la Côte Ouest.

Ce virus se transmet entre espèces d’oiseaux et de moustiques (communs, du genre Culex). Le moustique peut ensuite le transmettre à l’humain et provoquer ainsi la fièvre du Nil occidental. La plupart des infections sont asymptomatiques, mais 20% à 25% des personnes infectées développent fièvre et maux de tête, et moins de 1%, des complications neurologiques sévères pouvant entraîner le décès.

En France, fin juillet 2023, en Gironde, l’Agence Régionale de Santé a confirmé l’existence du premier cas humain autochtone d’infection par ce virus à Bordeaux, alors que jusque-là, les seuls cas détectés chez nos voisins français se situaient sur le pourtour méditerranéen.

On se doutait que le réchauffement climatique jouait potentiellement un rôle dans l’émergence du virus sur notre continent, mais cette fois, une étude publiée dans la revue Nature Communications en établit la preuve. Avec leurs collaborateurs, Diana Erazo et Simon Dellicour, chercheurs du Laboratoire d’Epidémiologie Spatiale de l’Université libre de Bruxelles ont pu démontrer cette contribution du changement climatique à l’expansion du virus en Europe.

© Bertrand Massart

Avec l’aide de climatologues

Comment l’équipe de recherche a-t-elle pu démontrer ce rôle spécifique du changement climatique dans l'expansion géographique du virus ? En entraînant d’abord un modèle dit "de niche écologique" qui établit les relations mathématiques entre les conditions environnementales locales et le risque de circulation locale du virus au même endroit.

Simon Dellicour, superviseur de l’étude et directeur du Laboratoire d’Epidémiologie Spatiale de l’ULB, précise la méthode utilisée ensuite : "Une fois qu’on a entraîné ce modèle, au temps présent, sur les données réelles, on s’est baladés dans le passé, à la fois selon le scénario observé - c’est-à-dire les vraies conditions environnementales qui ont évolué au siècle passé —, et à la fois aussi selon un scénario qui nous a été fourni par des climatologues, où le changement climatique a été retiré et où les conditions d’émission de CO2 sont restées au niveau du début du siècle passé. Cela permet de comparer comment évolue le risque de circulation locale du virus du Nil occidental en Europe dans un scénario où il n’y a pas de changement climatique et dans le scénario où il y a bien eu le changement climatique, c’est-à-dire le scénario réel."

Ce travail interdisciplinaire a donc pu isoler le changement climatique comme facteur-clé de la dispersion de ce virus vers nos contrées et par là même, une nouvelle menace de santé publique pour l’Europe.

Un nouveau problème de santé publique

En Belgique, jusqu’à présent, nous n’avons connu que quelques cas "importés", de personnes infectées à l’étranger. Mais il faudra se préparer pour le futur.

"C’est clairement un nouveau virus qui circule dans certains pays européens. C’est donc un nouveau problème de santé publique", conclut Simon Dellicour. "C’est un virus dont il faut analyser la progression, car c’est une nouvelle donnée de santé publique avec laquelle il va falloir vivre en Europe, alors que cette maladie n’était pas présente chez nous il y a de cela quelques années."

Cette étude interdisciplinaire illustre aussi le fait que la santé ne peut plus être envisagée que de façon intégrée, globale, en y incorporant les facteurs climatiques et environnementaux et tant la santé des personnes, que celle des animaux et de l’environnement, selon le concept anglophone de "One Health".

© 2021 Getty Images

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