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"Même assise, je me fatigue vite..." : après quatre ans de Covid long, la souffrance sans fin de Céline

Atteinte de Covid long, Céline Castera avait témoigné en février 2023, dans ces colonnes, sur son quotidien « bouleversé » et sa vie « au ralenti ». Un an plus tard, nous avons pris de ses nouvelles. La quadragénaire dit « en être toujours au même stade, voire pire ».


Par Stéphane Barnoin

Publié le 19 février 2024 à 09h26

Pourquoi ? Jusqu’où ? Pour combien de temps encore ? Ces questions, Céline Castera se les pose chaque jour depuis bientôt quatre ans. Sans pouvoir y apporter de réponse. « Toutes ces incertitudes qui persistent, le fait de ne pas savoir ce qui m’attend demain, après-demain, c’est dur », souffle-t-elle depuis son domicile du Haut-Rhin.

L’année écoulée n’a pas permis d’amélioration réelle et pérenne de son état de santé. Pire : elle a été réinfectée par le Covid en avril 2023. « Malgré toutes les précautions qu’on prend à la maison, le risque zéro n’existe pas, surtout quand vous avez quatre enfants qui vont à l’école… »

Cette troisième confrontation avec le Sars-CoV-2 – la première, en mars 2020, a laissé une trace indélébile – l’a « clouée au lit pendant deux mois ». Et provoqué « une nouvelle rupture » sur le si long chemin vers un hypothétique rétablissement.

Crises et « malaises post-effort »

Céline Castera avait déjà dû apprendre à économiser ses forces. Plus question pour l’hyperactive Alsacienne, qui pouvait enchaîner « entre 15 et 20 heures hebdomadaires de sport » jusqu’en 2020, de se lancer dans un footing ou une séance de fitness, « comme avant ».

Depuis sa rechute, au printemps dernier, elle a été contrainte de baisser encore le curseur. « Le simple fait de passer l’aspirateur ou de préparer à manger, ça m’épuise. Idem pour la moindre sortie à l’extérieur de la maison. Je le fais pour garder un minimum de vie sociale, mais je sais très bien que derrière, je vais aller beaucoup moins bien, que les symptômes que je subis déjà au quotidien vont s’exacerber et se démultiplier. »

Troubles digestifs, insomnies, violents maux de tête, fatigue extrême, fourmillements dans les mains et les jambes deviennent alors plus prégnants encore. Ces épisodes ont un nom : « malaises post-effort », ou « épuisement neuro-immunitaire post-effort ». « C’est radical. Quand ça me prend, je n’arrive même plus à me lever. »

L’infectiologue qui la suit au CHU de Nancy la pousse à s’adapter jour après jour à ses nouvelles « limites énergétiques », selon la technique du “pacing” (de “pace”, qui signifie rythme en anglais, NDLR). Objectif : anticiper les crises les plus aiguës et limiter autant que possible les douleurs chroniques.

Malgré tout, la quadragénaire n’a pas renoncé au principe d’« une activité plaisir par semaine ». « J’essaie vraiment de m’y tenir pour prendre du positif. Aller au cinéma en famille par exemple, c’est bon pour le moral. » Quand la respiration prend la forme d’une « petite balade », Céline Castera n’a plus le choix : elle doit s’installer dans un fauteuil roulant.

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« Marcher sur des distances un peu plus longues, ce n’est plus possible. Même assise, je me fatigue vite avec la luminosité, le bruit, les stimuli autour… »

Chez elle, « les mauvais jours », un autre fauteuil lui permet de « rester un peu plus longtemps à table » avec mari et enfants, malgré les douleurs qui lui traversent le corps. « Le dossier s’allonge, ça me soulage et ça me permet de profiter d’eux pendant les repas. » Précieux moments d’accalmie.

« Certains ne sont toujours pas crus »

La famille. Quatre ans après être entrée dans ce tunnel dont elle ne voit toujours pas le bout, Céline Castera sait ce qu’elle lui doit. L’ex-infirmière libérale – un métier auquel elle a dû renoncer également – parle à plusieurs reprises de « la chance » qu’elle a « d’être aussi bien entourée, épaulée », notamment par un époux « surprotecteur », « toujours inquiet » pour elle, à la fois « graine d’empathie » et « garde-fou ».

« Il m’engueule dès que j’en fais un peu trop. En fait, il a plus peur que moi ! » Une « chance », redit-elle encore, alors que « d’autres personnes atteintes de Covid long ne sont toujours pas crues. Les médecins leur disent qu’elles sont juste dépressives ; même leurs proches doutent de la réalité de ce qu’elles vivent. »

Ces cas de « déni », qui débouchent parfois sur « des situations dramatiques d’isolement et d’abandon », lui remontent via l’association AprèsJ20, dont elle est la porte-parole, et le groupe Facebook « de soutien et d’information » des malades, qu’elle administre depuis 2020. Donner et recevoir.

« Sans cette communauté,
sans l’aide et le réconfort
que l’on s’apporte mutuellement,
je ne serais peut-être plus là. »

Résilience

Côté traitement, rien de révolutionnaire : les seuls médicaments qui lui sont prescrits visent à réduire les symptômes qui pourrissent son quotidien. « J’espère qu’un jour on pourra identifier l’origine de mon Covid long, poser un vrai diagnostic et s’attaquer à la cause. Ce n’est pas encore le cas. La recherche avance, mais c’est trop lent. »

Ni résignée, ni fataliste, la battante dit être entrée aujourd’hui dans un processus de « résilience ». « À force, j’ai arrêté de me dire que ça ira mieux demain. J’ai compris qu’il y a des choses qu’il faut savoir accepter et d’autres contre lesquelles on peut lutter. » Céline Castera trace sa nouvelle route. Plus souvent couchée et assise, certes, mais toujours debout. 

Stéphane Barnoin

(*) Maison départementale des personnes handicapées.

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