Guerre en Ukraine

Il manquerait 500.000 hommes sur le front : l’Ukraine a mis en place des équipes de "recruteurs" mais les réfractaires s’organisent

Ukraine : le défi de la mobilisation militaire

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Temps de lecture
InfoPar Quentin Warlop

Le rendez-vous est pris à l’abri des regards. Il préfère qu’on l’appelle Maxim. Il a 27 ans. Nous n’en saurons pas plus. Il se fait discret car il refuse d’aller au front. Pourtant, il y a quelques semaines, il s’y est vu l’espace de quelques heures. "J’étais dans une autre province du pays, plus au nord. Dix personnes m’ont encerclé. Ils m’ont demandé mes papiers. Je leur ai dit que j’avais un problème de santé. Ils m’ont dit : 'Soit tu montes seul. Soit on te fait monter de force'", raconte le jeune homme encore sous le choc.

Il est emmené. Accusé d’avoir renoncé à se battre, il est finalement libéré mais reste inculpé. Dans quelques mois, Maxim devra prouver son problème de santé au tribunal pour éviter la mobilisation. "Les recruteurs peuvent être partout. Ils changent de position tout le temps. J’essaie d’être prudent. Mais il y a toujours un risque."

Maxim s’est fait recruter de force, il y a quelques semaines
Maxim s’est fait recruter de force, il y a quelques semaines © RTBF

Eviter les transports en commun

Après deux ans de guerre, les files d’attente qui s’étaient créées devant les centres de recrutement après l’invasion russe de 2022 ont disparu. Recruter est une tâche ardue. Tous les hommes de plus de 27 ans sont potentiellement mobilisables au sein de l’armée ukrainienne. Des exceptions existent. Parmi elles, les hommes qui ont trois enfants ou plus.

Recruter de force, c’est la mission d’hommes en habits militaires qu’il vaut mieux éviter pour ne pas se retrouver au front. Prudent, Vladymyr, 31 ans, n’est jamais très loin de sa mobylette. "Je préfère prendre ma moto, quel que soit le temps plutôt que de prendre les transports publics. Si je les prends, c’est le risque pour moi de me retrouver face à des recruteurs", avoue-t-il.

Sur ce marché d’Odessa, dans le sud du pays, il se sait pourtant en partie protégé. "Le marché reste sous le contrôle de certains fonctionnaires. En clair, ils paient un pot-de-vin pour que les recruteurs ne passent pas ici", explique celui qui est souvent dans le quartier.

Telegram et les comptes bancaires

Roman, la trentaine dit ne pas craindre les recruteurs dans la ville d’Odessa.
Roman, la trentaine dit ne pas craindre les recruteurs dans la ville d’Odessa. © RTBF

Beaucoup de jeunes mobilisables font tout pour éviter de croiser les recruteurs alors ils utilisent notamment Telegram. Et ils s’échangent les positions des recruteurs en temps réel. Ce jour-là, c’est devant la gare d’Odessa que l’alerte est donnée. À la sortie des transports en commun. En quelques minutes, l’endroit se vide. Car parler, c’est s’exposer et attirer l’attention des recruteurs. Guitare en bandoulière, près de l’escalier du Potemkine, cet escalier composé de 192 marches et de neuf paliers intermédiaires, Roman, la trentaine, ne se cache pas et joue de la musique… Et joue aussi avec le feu. "Oui, j’ai peur d’être mobilisé. Bien sûr. Mais c’est le destin d’être interpellé et enrôlé. Même si je ne suis pas candidat et que je refuse d’aller au front", témoigne-t-il.

Pour ceux qui refusent, le Parlement ukrainien prévoir une nouvelle loi pour bloquer les comptes bancaires de ceux qui refusent d’aller au front. "Nos droits fondamentaux seront réduits si la loi passe. Dans ce cas, c’est clair, on va tous devenir de la chair à canon", s’insurge celui qui commence à jouer la nuit tombée.

Deux ans après l’invasion russe, l’Ukraine fait face au défi de la mobilisation. Il manquerait aujourd’hui près de 500.000 hommes sur le front.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous