La Victoire de Samothrace

La Victoire de Samothrace exposée au Louvre ©Getty - Photographie de Serge de Sazo
La Victoire de Samothrace exposée au Louvre ©Getty - Photographie de Serge de Sazo
La Victoire de Samothrace exposée au Louvre ©Getty - Photographie de Serge de Sazo
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Admirable sculpture d’une déesse qui retient au sommet du grand escalier au musée du Louvre des hordes de visiteurs, la Victoire de Samothrace est aussi connue que mystérieuse…

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Sculpture grecque de l’ère hellénistique, réalisée vers 200 av JC en marbre, haute de 5 m 60, la célèbre Victoire de Samothrace est aujourd’hui conservée au Louvre.

La Victoire de Samothrace exposée au Louvre
La Victoire de Samothrace exposée au Louvre
- Photographie de Serge de Sazo

Le récit d'une découverte morcelée

En mars 1863, c’est Charles Champoiseau, vice-consul de France intérimaire à Andrinople (actuellement Edirne, en Turquie) et archéologue amateur, qui entreprend d’en fouiller les ruines avec l’ambition de trouver de beaux objets pour le musée Impérial à Paris. Le 15 avril 1863, les ouvriers travaillant à l’extrémité de la terrasse qui domine le sanctuaire à l’ouest, mettent au jour différentes parties d’une grande statue féminine. Les recherches continuent pour retrouver la tête et les bras, mais en vain. En revanche, de nombreux petits fragments de draperie et de plumage sont soigneusement recueillis, et permettent à Champoiseau de suggérer à juste titre qu’il s’agit d’une représentation de Victoire. Il envoie en France la statue et les fragments, qui arrivent un an plus tard au Louvre, le 11 mai 1864.

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En 1875, lors d’une campagne menée par des Autrichiens, l’architecte Alois Hozer s’intéresse au renfoncement où avait été trouvée la victoire et entreprend le relevé des différents blocs laissés par Champoiseau. Il réalise qu’il s’agit de l’avant d’un navire de guerre, fait alors le rapprochement avec des monnaies d’époques qui représentent une Victoire posée sur l’avant d’un navire et acquiert dès lors la certitude que ces blocs constituent la base de la statue. Champoiseau, mis au courant de ses recherches met alors tout en œuvre pour que ces blocs rejoignent la statue à Paris. Il y parvient en 1879.

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Force et légèreté

Silhouette familière, debout, dressée sur l’avant d’un navire, légèrement tournée sur la droite, le tissu diaphane dont elle est drapée est gonflé par le vent turbulent et plaqué sur son corps, révélant une certaine sensualité. "La vitalité de la déesse en plein essor et la puissance des énergies naturelles qui l’enveloppent associent en une seule figure le souffle divin et la force de la nature" selon Jean de Loisy.

Par cette légèreté apparente, l’artiste réalise son ultime tour de force : il utilise les trois tonnes de cette Victoire, qu’il fait su faire paraître si légère, pour prévenir le navire de sa désintégration. C’est en effet le poids qui retient le marbre qui compose la coque du bateau. Derrière ce prodige technique, c’est-à-dire le maintien de la structure du navire de pierre par l’effet de la pesanteur de la divinité qu’il porte, se glisse aussi la signification profonde de l’œuvre. La déesse empêche la dislocation du navire : la construction de l’homme est retenue par le miracle de l’intervention divine. Symbole, d’après Jean de Loisy, de la "fragilité de notre civilisation au moment de la disparition des Dieux que nous nous étions choisis."

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Histoires d’eaux

"Une statue de la déesse de la Victoire, saisie au moment où elle pose le pied sur un navire, dans une dernière enjambée, est probablement liée à une victoire navale.", estime l'historien de l'art Ludovic Laugier. Sculptée à une époque où la mer était au centre de tous les enjeux territoriaux et politiques, cette statue avait une double fonction de démonstration ; en même temps qu'elle célébrait la supériorité guerrière d'une armée, elle faisait preuve des connaissances techniques et artistiques de son peuple.  Or, laissée sans signature ou inscription, et à défaut de témoignage, il est aujourd'hui encore impossible d'attribuer avec certitude ce chef-d'œuvre.

"C’est très impressionnant de constater cette volonté de subjuguer le spectateur. Il y a de la mise en scène, et même de l’illusionnisme. La Victoire de Samothrace était faite pour être vue de trois quarts. Quand on le regarde bien, on se rend compte qu’il est parfaitement achevé là où il était visible, sur les autres trois quarts, il est simplement ébauché.", décrit Ludovic Laugier.

Outre le tour de force artistique et technique qu’elle constitue, cette statue est également particulière par son aspect fragmentaire. L’absence de bras et de tête la rend étrangement contemporaine, selon l'artiste Rainier Lericolais ; "Ça aurait été une catastrophe de retrouver la tête. Le fragment est un plus."

À écouter : La Méditerranée
Le Temps de la géographie - Multidiffusion
10 min

Bibliographie de l'émission :

  • La Victoire de Samothrace, par M. Ant.Héron de Villefosse, Revue de famille, 15 décembre 1892)
  • La Victoire de Samothrace, Champoiseau, 1880
  • Catalogue de la sculpture grecque du Louvre, Freners, 1869
  • Paris Soir, Dimanche 22 janvier 1933
  • Gilbert Charles Picard, Courrier de l’Art Antique, 1934

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