Handicap invisible : une double peine ?

"Le handicap, ce n'est pas forcément être en fauteuil roulant." Si environ 80% des handicaps sont invisibles, ils sont encore largement méconnus et incompris.

Homme fatigué © Unsplash
Homme fatigué © Unsplash

En Belgique, 9% de la population adulte se trouve en situation de handicap, soit environ 660 000 personnes. Parmi elles, environ 80% auraient un handicap invisible. Une écrasante majorité, mais dont la réalité est pourtant encore largement méconnue. Il y a deux ans, Alice Dèves et Anaëlle Marzelière lancent le média Petite Mu pour sensibiliser à cette question. Par la BD, des capsules vidéos, des posts sur les réseaux sociaux, elles croisent témoignages et informations pour éduquer sur les trop nombreux a priori qui pèsent sur le handicap.

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Le handicap et ses nombreuses facettes

"Petite Mu est né il y a deux ans", raconte Anaëlle, "Alice a été diagnostiquée en 2021 d'une sclérose en plaques, une maladie autoimmune. En voulant se renseigner, elle ne se reconnaissait pas du tout dans les différentes ressources en ligne. Les informations étaient soit scientifiques soit s'adressaient seulement aux personnes âgées." A deux, elles décident alors de créer un média qui parle de tous, à tous : "On voulait montrer que bien qu'on en parle très peu, les handicaps invisibles sont très présents, rappeler qu'être handicapé ce n'est pas forcément être en fauteuil roulant."

L'handicap invisible se définit par son sens littéral : il ne se voit pas. Une frontière ténue, estime Anaëlle : "La sclérose en plaques est invisible, mais lors d'une poussée de symptômes, il est possible que la personne se déplace avec une canne par exemple et donc qu'on le voit, mais nombreuses maladies ne sont pas visibles au premier abord, ou du tout." Une personne sourde ne portera pas forcément un appareil qui permet de l'identifier, une personne amputée peut avoir sa prothèse dissimulée par son pantalon, une personne dépressive masquer sa tristesse ou sa fatigue... Le handicap invisible recouvre autant les maladies chroniques et auto immunes comme l'endométriose ou le diabète, que les maladies inflammatoires, les troubles psychologiques et psychiatriques, les troubles post traumatiques, les troubles visuels et auditifs et les troubles du neurodéveloppement, comme l'autisme et les troubles dys.

Autant dire que cela concerne de nombreuses personnes : "Depuis le covid, les états dépressifs et anxieux ont explosé, en parallèle, les cancers touchent énormément de personnes, et ce ne sont que deux exemples. Nous sommes tous concernés de près ou de loin par le handicap."

Handicap invisible et discriminations 

Au delà des symptômes qui peuvent être particulièrement difficiles à vivre au quotidien, les personnes atteintes d'un handicap invisible souffrent également de la méconnaissance générale de la population. Dans un système faisant des personnes valides la norme sociale, cette ignorance entraine son lot de discriminations qui impactent négativement le quotidien des personnes concernées : "Il y a une croyance populaire que la douleur est censée se voir", explique Anaëlle, "dans les témoignages récoltés, on a de nombreuses personnes qui nous ont confié des histoires particulièrement violentes lorsqu'elles voulaient simplement exercer leurs droits."

Se garer sur une places handicapée ou s'asseoir sur une place prioritaire serait parfois très mal accueilli lorsqu'on a pas "l'air malade" explique la co-fondatrice de Petite Mu : "Certains se font insulter, on les accuse de mentir, quand la personne est jeune c'est encore pire. Il y a une remise en question du handicap. Une femme atteinte d'un cancer nous a raconté que lorsqu'elle était affaiblie par la chimiothérapie, elle s'est faite agressée verbalement en voulant passer en caisse prioritaire. Elle a du enlever son foulard et inviter la personne à "prendre son cancer". Evidemment ça a créé un gros malaise dans la foule, mais ça ne devrait jamais arriver. D'autant plus que certaines personnes n'ont même pas la possibilité de "prouver" leur maladie."

Seulement, les discriminations ne naissent pas toujours d'une hostilité, parfois l'enfer est pavé de bonnes intentions : "Parfois, on se veut bienveillant, alors qu'en fait on est maladroit : la pitié et l'infantilisation c'est aussi du validisme. Prendre les décisions à la place de l'autre en pensant bien faire parce qu'on ne l'estime pas capable, ou qu'on ne veut pas le fatiguer, ce n'est pas la bonne chose à faire." 

Vers une meilleure compréhension du handicap 

Face à la crainte de devoir exposer son état de santé sous la contrainte, la peur de ne pas être reconnu ou celle d'être stigmatisé, certains font le choix de ne pas dire, quitte à empirer leurs symptômes : "Il y en pleins qui n'utilisent pas leur carte pour éviter de se confronter à des interactions désagréables. Au travail, le fait d'être reconnu comme handicapé permet d'avoir accès à des aménagements. Seulement, certaines personnes préfèrent ne pas les demander, de peur de s'exposer à des discriminations, mais du coup n'en profitent pas et cela affecte leur quotidien." 

Dans le cadre de leur travail, les deux fondatrices de Petite Mu se déplacent aussi en entreprise pour sensibiliser à la question du handicap invisible et conseiller sur les bons gestes à adopter. Pour elles, il reste un long chemin à faire tant la question a longtemps été négligée, l'école aurait notamment un rôle à jouer pour éduquer, mais les symboliques elles aussi doivent changer : "Il y a des associations qui travaillent pour un changement du pictogramme de personnes en situation de handicap, pour enfin arrêter de limiter le handicap au fauteuil."

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