La maire de la capitale de la Sierra Leone plante des arbres

Yvonne Aki-Sawyerr s'est fait un nom en tant que maire plantant des arbres dans une ville d'Afrique de l'Ouest au bord de l'urgence climatique.

Âgée de 56 ans, elle est également la première femme directement élue maire de Freetown - et la première personne à être réélue depuis que les habitants de la capitale de la Sierra Leone votent pour ce poste, il y a deux décennies.

BBC Africa Eye a eu un accès unique à elle et à sa famille au cours de l'année qui a précédé les élections de l'année dernière - un aperçu des hauts et des bas de la politique sierra-léonaise et aussi du coût personnel de la vie sous les feux de la rampe politique.

Mais après plusieurs décennies de travail dans la finance à Londres, ce qui l'a le plus choquée dans son retour au pays, c'est l'obsession de ses capacités en tant que femme.

"Il n'y a pas eu un seul entretien où l'on ne m'a pas demandé : "Pensez-vous que vous pouvez faire ce travail en tant que femme ?

J'avais l'habitude de dire : "Pourquoi me demandez-vous cela ? Je suis avant tout une professionnelle... Il se trouve que je suis une femme.

"On me dit des choses comme : 'Oh, elle est si têtue ! 'Oh, elle est tellement têtue. Elle est difficile. Si [ces comportements] étaient le fait d'un homme, [ils] seraient encouragés et célébrés : 'Oh, il est fort. Il sait ce qu'il pense".

Elle attribue une grande partie de sa réussite à son père.

"Je me suis rendue compte que j'avais pris beaucoup de choses pour acquis dans mon éducation. Je suis l'une des quatre filles et les gens disaient à [mon père] : 'Hé, désolé, vous savez, pas de garçons'.

Il me répondait : "Il n'y a rien que mes filles puissent faire : 'Il n'y a rien que mes filles ne puissent faire et qu'un garçon ne puisse faire'.

"Nous avons donc grandi en étant pleines de confiance et en ne pensant jamais que notre sexe était un obstacle".

Mme Aki-Sawyerr est née à Freetown. Après avoir obtenu un diplôme d'économie au Fourah Bay College de la ville en 1988, elle s'est installée au Royaume-Uni.

Peu de temps après, la Sierra Leone a été secouée par une guerre civile de 11 ans, caractérisée par des atrocités généralisées contre les civils, dont des milliers ont eu les bras ou les jambes coupés à la machette.

Elle fait partie des sept Sierra-Léonais vivant au Royaume-Uni qui ont créé une association caritative pour aider les enfants, en particulier les orphelins, touchés par le conflit.

Lorsque l'épidémie d'Ebola a atteint la Sierra Leone en 2014, Mme Aki-Sawyerr a décidé d'y retourner pour un séjour de trois mois en tant que bénévole - ce qui lui a valu d'être nommée OBE par la défunte reine Élisabeth II. Dix ans plus tard, elle est toujours là.

"Le voyage jusqu'à ce siège. Le parcours qui a mené notre famille là où elle se trouve n'a pas été facile", admet-elle.

Le moment qui a galvanisé son entrée en politique s'est produit en août 2017, lorsque la Sierra Leone a subi la pire catastrophe naturelle de son histoire.

Une colossale coulée de boue, provoquée par des jours de pluies torrentielles, a englouti les rues à la périphérie de Freetown, tuant 1 141 personnes.

Mme Aki-Sawyerr a décidé de faire de l'environnement son cheval de bataille après son élection en 2018. Comme de nombreuses villes de la côte ouest-africaine, Freetown est vulnérable aux inondations, à l'érosion côtière et aux chaleurs extrêmes.

Alors que les autorités s'attaquent à la pandémie de coronavirus, elle lance la campagne #FreetownTheTreeTown en janvier 2020.

Financés par des jetons vendus sur les marchés privés et du carbone, les habitants de la ville sont payés pour planter et surveiller des arbres et des mangroves.

L'objectif était de planter un million d'arbres en deux ans. Bien que l'objectif n'ait pas été atteint, plus de 600 000 plants ont été mis en terre.

Le projet a été finaliste du prix Earthshot de l'année dernière, soutenu par le Prince William pour aider ceux qui travaillent à trouver des solutions innovantes aux problèmes environnementaux.

L'objectif est désormais d'atteindre le million de plants d'ici à cette année, en ajoutant que "le taux de survie des arbres est excellent, puisqu'il dépasse les 80 %".

Mme Aki-Sawyerr a reçu de nombreux éloges internationaux pour son travail sur le climat. En 2021, elle a été inscrite sur la liste TIME100 Next du magazine Time, qui regroupe les "leaders émergents qui façonnent l'avenir", pour ses efforts visant à nettoyer les rues de Freetown, à réparer ses systèmes de drainage et à planter des arbres.

Elle fait partie de plusieurs conseils d'administration et groupes de commande et s'est exprimée lors de la COP28 à Dubaï, la conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tiendra en 2023.

Le succès de la lutte contre le changement climatique n'est pas facile à mesurer et ses détracteurs, plus proches de son pays, estiment qu'elle n'en a pas fait assez.

"Elle a dit qu'elle nettoierait Freetown. Freetown est toujours sale. Il y a beaucoup de choses qu'elle a dit qu'elle ferait et qu'elle n'a pas faites", a déclaré Mohamed Gento Kamara, qui s'est présenté contre elle aux élections municipales de 2023 pour le Sierra Leone People's Party (SLPP), le parti de l'actuel président.

Mme Aki-Sawyerr se défend en disant qu'elle a passé "cinq ans les mains liées dans le dos" car elle fait partie du parti d'opposition, le All People's Congress (APC).

"Lors de mon premier mandat de maire, j'ai essayé de travailler avec le gouvernement, mais il m'a rejetée.

Le président Julius Maada Bio a également mis le climat à l'ordre du jour. Il s'est exprimé lors de la COP26 à Glasgow, ainsi qu'au sommet africain sur le climat qui s'est tenu l'année dernière à Nairobi. Il a également lancé l'Initiative présidentielle sur le changement climatique, les énergies renouvelables et la sécurité alimentaire un mois après sa réélection.

La rivalité entre les partis a également des dessous plus sombres, comme le montre le documentaire de la BBC, lorsque Mme Aki-Sawyerr, sa fille et son équipe de campagne ont été filmées blotties sur le sol du siège de l'APC le jour de l'élection, alors que des coups de feu et des gaz lacrymogènes étaient tirés sur le bâtiment. Une femme est décédée lors de ces violences.

Interrogée sur le fait qu'elle se concentre désormais davantage sur la politique que sur les personnes, elle a répondu : "Je rejette cette idée.

"Mais... il faut avoir de la sagesse. Il faut être capable de travailler dans un contexte différent et dynamique tout en conservant sa vie".

Bien qu'elle ait remporté un nouveau mandat à Freetown en juin dernier, elle n'a prêté serment qu'en octobre, car l'APC, alléguant des fraudes lors des élections nationales, refusait de s'engager dans toute activité officielle. L'impasse n'a été surmontée qu'avec l'aide des négociateurs régionaux et de l'Union africaine.

Le climat figure toujours à l'ordre du jour du dernier mandat de Mme Aki-Sawyerr. Mais elle admet avoir "totalement sous-estimé" la mesure dans laquelle le fait d'avoir une femme maire a été une source d'inspiration pour tant de femmes et de jeunes filles.

"Ce n'était pas vraiment dans mes calculs, ni même dans mon processus de réflexion lorsque je me suis présentée pour ce poste, mais cela a été une partie tellement importante de ce que j'ai été et de l'impact que j'ai eu que cela m'a vraiment émue.

En Sierra Leone, les femmes n'ont jamais été aussi nombreuses à se lancer dans la politique, ce que beaucoup attribuent à la loi sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes adoptée en 2022 par le président Maada Bio, qui fixe un quota de 30 % de femmes au sein du parlement, du cabinet et d'autres institutions.

Le Parlement a atteint cet objectif, ce qui signifie que la Sierra Leone compte désormais deux fois plus de femmes députées qu'auparavant et qu'elle se situe bien au-dessus de la moyenne de l'Afrique de l'Ouest.

Les quotas sont utiles, estime Mme Aki-Sawyerr, mais ils ne sont pas suffisants. Elle craint qu'ils "ne soient que de la poudre aux yeux" et que "l'émancipation des femmes ne vienne du cœur".

Le fait d'être maire de Freetown lui a fait prendre conscience que beaucoup d'autres femmes n'ont pas grandi avec la confiance dont elle jouissait lorsqu'elle était petite fille.

"Me voir... aide beaucoup de femmes à réaliser qu'il n'y a rien qu'elles ne puissent faire".

Vous pouvez regarder l'intégralité du documentaire de BBC Africa Eye, Mayor on the Front Line, sur la chaîne YouTube de BBC Africa.