A Madagascar, une loi sur la castration de violeurs d'enfants suscite un tollé

Image de la Haute Cour Constitutionnelle à Antananarivo, Madagascar ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde

La recrudescence de cas de viol envers les mineurs a augmenté de façon alarmante à Madagascar ces dernières années. Le gouvernement malgache prend donc des mesures pour durcir les sanctions en introduisant une nouvelle loi qui mentionne la castration des violeurs d'enfants. Mais cette loi qui fait couler beaucoup d'encre sera-t-elle efficace pour enrayer le viol dans la grande île de Madagascar?

Depuis 2014 environ, les cas de viols d'enfants connaissent une augmentation inquiétante. Selon les statistiques et les propos de Landy Mbolatiana Randriamanantenasoa, ministre de la Justice malgache, 600 cas de viols sur des mineurs ont été enregistrés en 2023, et 144 cas sont recensés depuis le début de l'année 2024.

Environ quatre plaintes par jour sont déposées au niveau des tribunaux. Pour endiguer ce phénomène social communément appelé “culture du viol”, le gouvernement a proposé le 24 janvier 2024, une nouvelle loi portant sur le durcissement des sanctions contre les auteurs de viol en introduisant des peines de castration chimique ou chirurgicale, en fonction de l’âge de la victime. 

Le 2 février 2024, le projet de loi est adopté par les deux chambres parlementaires malgaches, l’Assemblée Nationale et le Sénat. Suite au contrôle de constitutionnalité, le 23 février 2024, la loi est ratifiée par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), en attendant la promulgation officielle par un décret du président Andry Rajoelina

Gaelle Borgia, journaliste correspondante de Tv5monde à Madagascar donne plus explications sur la nouvelle loi dans cette vidéo :

Lire: Le #MeToo malgache donne matière au roman saisissant de l'écrivaine Hary Rabary

Des réactions contre la nouvelle législation

La nouvelle loi suscite une vague de critiques de la part des organisations internationales de défense des droits humains présentes dans le pays, ainsi que de la part citoyens malgaches. Amnesty International, une ONG internationale présente sur l'île, lance un appel aux autorités malgaches afin de revoir sur le texte. Nciko wa Nciko, conseiller malgache de l'organisation cité par le média français Le Figaro indique que :

La nouvelle loi est un traitement inhumain et dégradant incompatible avec les lois constitutionnelles du pays. La loi devrait plutôt se concentrer sur la protection des victimes. La castration cause un préjudice grave et irréversible. Et on peut avoir des cas où un individu est reconnu coupable et la justice revient sur le verdict et l’innocente.

Toujours en réaction à cette nouvelle, Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe d'Amnesty International, explique dans un communiqué :

Procéder à la castration chimique ou chirurgicale […] constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant, à titre de châtiment contre les personnes reconnues coupables de viols sur mineurs n’est pas compatible avec les dispositions constitutionnelles malgaches contre la torture et les mauvais traitements, pas plus qu’avec les normes régionales et internationales relatives aux droits humains.

Lors d'une conférence de presse tenue le 26 février 2024, Isabelle Delattre, ambassadrice et cheffe de la délégation de l’Union européenne à Madagascar indique aussi que :

Le gouvernement malgache ne respecte ni ses engagements internationaux, ni sa propre Constitution. L'article 8 de la loi suprême transpose l'adhésion du pays à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée en 2005. Je ne crois pas que la castration chimique ou la castration tout court soit une solution dissuasive pour les violeurs

Sur Facebook, Rakry Mescheris, un internaute malgache s'exprime sur le caractère infondé des sanctions sur la castration :

Veuillez faire une recherche sur Google.
La castration chimique n'est pas adaptée car la personne doit manger des pilules tous les jours, donc si elle ne mange pas, l'effet disparaîtra.
Révisez le texte pour ne pas être ridicule.
Si vous ne souhaitez pas consulter Google, demandez l'avis des médecins et discutez en plus profondément sur la loi. Infondé, impossible.

En commentaire sous la publication de Rakry Mescheris, Freddy Rakoto, un autre utilisateur de Facebook interroge :

Ce que je ne comprends pas avec cette loi : C'est que le violeur sera condamné à la prison à vie, et il sera également castré. Le coût de la castration est très cher. Quelle est la nécessité de la castration alors que la personne sera en prison à vie… ?

Un soutien partiel à cette loi controversée lié à une recrudescence récente

Malgré les nombreuses critiques, d'autres citoyens malgaches approuvent la nouvelle loi. Sous la publication de BBC News Afrique, Rindra Rasolohery, utilisateur de Facebook exprime son accord avec l'application de ladite loi :

Qui prime: le droit des malfaiteurs ou celui des enfants victimes ? Ils détruisent la vie des petits et on leur protège encore. Moi je suis tout à fait d'accord avec l'application de cette loi. Que les coupables subissent sans pitié les conséquences de leurs actes !

Dans les commentaires sous la publication du Figaro sur Facebook concernant la loi sur la castration, la majorité des commentaires louent la décision. Parmi eux Lydie Guillerot qui écrit:

Bravo pour cette loi ! Elle devrait être internationale !

Solari Josyane, ex-conseiller municipal d'Aix-en-provence écrit sur X (ex-Twitter) que la décision lui plaît:

Me plaît bien, le Président Malgache : castration des violeurs d’enfant !

Plusieurs cas de viols sont commentés en ligne, et certains sont même divulgués sur la toile et deviennent viraux. Kenny Andréa, un utilisateur de Facebook partage une nouvelle concernant le viol d'une fille de 12 ans handicapée et qui y perd la vie :

🥺Une fillette de 12 ans a été violée ce dimanche à Ambalapaka, commune Beandrarezona, district de Bealanana. 🥹En plus d'avoir été agressé sexuellement, cet enfant atteint d'un handicap physique a également été tué 😢 entraînant une la dégradation de sa santé. 😭 De ce fait, elle est décédé. Le jeune homme qui a commis le crime est recherché.
(Radio Mangarahara)

Hevitra Mahasoa, une page d'actualité sur Facebook relaie une information sur un viol qui a lieu à Sabotsy Namehana, commune rurale d'Antananarivo:

‼😬Un homme de 24 ans a été envoyé au prison de Tsiafay à cause d'un viol sur une jeune fille de 14 ans #Sabotsy_Namehana. Selon l'enquête, ce garçon possède un Cyber ​​Café dans le quartier et la jeune fille est une de ses clientes. Il tombait amoureux de la jeune fille depuis longtemps, mais lorsqu'elle ne l'accepta pas, il céda à son désir. L'affaire a été présentée au procureur de la République mardi et il est désormais en prison.

Mahasoa sy mahaliana, une page Facebook qui partage des actualités à Madagascar a partagé l'information sur un viol d'une petite fille de six ans:

Affaire de viol.
⚠️‼️Une fillette de 6 ans de Tanambao 5, Toamasina a été violée par un homme de 35 ans qui serait son voisin.
De plus amples informations sont attendues à cet égard.
©️ Mickaelys Kamy N

Dans le monde, la castration chimique pour les crimes sexuels est pratiquée dans certains pays occidentaux, mais son application suscite des controverses dans les pays qui la pratique encore. Sur le continent, une loi autorisant la castration chirurgicale est adoptée en 2020 dans l’État de Kaduna au Nigeria .

À Madagascar, la plupart des cas de viols ne sont pas suffisamment dénoncés car les familles des victimes ne font pas confiance au système judiciaire et ont peur de représailles et de la stigmatisation. Les affaires se règlent souvent par des compensations matérielles au niveau des victimes. Selon la législation actuelle, les auteurs de viols sur mineurs de moins de 15 ans encourent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la perpétuité, toutefois cette peine est toutefois rarement infligée.

Lire notre dossier spécial : 

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