Une recherche incite à mieux détecter la violence intrafamiliale en psychiatrie

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A Genève, dans les services ambulatoires d’accueil de crise psychique (crise suicidaire, dépression, décompensation…), les professionnels observent couramment que les patients subissent de la violence intrafamiliale (1). Ce contexte, qui majore les symptômes et peut impacter les rechutes, reste pourtant peu documenté. Une étude en cours confirme la haute prévalence de ces violences dans cette population, en particulier chez les jeunes. Des données qui incitent à améliorer la détection et élaborer des stratégies de prise en charge.

La violence domestique (VD) (ou intrafamiliale, 1) est un phénomène fréquent avec un lourd impact sur la santé des victimes. On identifie la violence entre partenaires intimes (VPI) et la violence familiale (VF) (entre parents et enfants, dans la fratrie… ). Alors que la prévalence de la première a été largement étudiée chez les patients psychiatriques, les données concernant la prévalence de la VF dans cette population sont lacunaires. L’objectif de cette étude est de déterminer la prévalence actuelle (< 12 mois) des deux formes de violence au sein d’une population adulte consultant un centre psychiatrique ambulatoire de crise, ainsi que décrire le profil psychiatrique et socio-démographique des victimes.

Méthode
Cette étude est proposée à tous les patients intégrant un suivi psychiatrique de crise, ayant leur capacité de discernement et ayant signé le formulaire de consentement. Après avoir recueilli leurs données sociodémographiques et psychiatriques (y compris un diagnostic psychiatrique clinique), un dépistage de la VD est réalisé en utilisant la Hurt, Insult, Threaten, Scream Tool (HITS), une fois par rapport à la relation avec leur partenaire ou ex-partenaire (P-HITS), et une deuxième fois concernant celle avec les membres de la famille (F-HITS). Deux questions supplémentaires sont proposées afin de déterminer la présence ou moins d’un suivi spécifique (juridique ou médical), et si les participants ont déjà évoqué cette problématique à d’autres soignants.

Résultats
La population était constituée de 107 participants, majoritairement de sexe féminin (65%), parents d’enfants (54%), vivant seuls (35.5%), célibataires (49.5%), ayant une nationalité suisse ou un permis de séjour stable.

Sur le plan psychiatrique, les diagnostics plus fréquents étaient la dépression (69.8%), les troubles de la personnalité (22.6%), les troubles anxieux (15.1%), l’état de stress post-traumatique (14.2%).

25 participants (soit 23.3%) étaient victimes de violences domestiques actuelles, dont 14 (13%) de violences familiales (VF) et 13 (12%) de violence avec le partenaire intime (VPI). Plus précisément, on observe que la VF concerne 27% des 18-24 ans. À différence des victimes de VPI, ces victimes n’avaient pas un soutien spécifique (légal, social) pour cette problématique, ce qui questionne la prise en charge de ces jeunes, souvent financièrement dépendants de leur famille.

Les formes plus fréquentes de violence étaient verbales et psychologiques.

Conclusion
Les données préliminaires confirment une haute prévalence de VD chez les personnes ayant un suivi psychiatrique. Les deux formes (VPI et VF) semblent présenter une fréquence comparable dans cette population, mais parmi les jeunes adultes, la VF semble plus fréquente que la VPI. Dans ce contexte, la VF représente un phénomène qui devrait être mieux étudié afin d’en améliorer la détection et élaborer des stratégies ciblées de prise en charge.

1– On parle de violence domestique (ou intrafamiliale) dès lors qu’une personne exerce ou menace d’exercer une violence physique, psychique ou sexuelle au sein d’une relation familiale (violence familiale, VF), conjugale ou maritale (violence entre partenaires intimes) en cours ou dissoute (Schwander 2003). Cette définition fait notamment apparaître que cette violence survient aussi dans les couples ne vivant pas ensemble ou séparés.

Violence domestique en psychiatrie : une étude de prévalence. Données préliminaires. Picchi A., Kuenzi N., Moy G., Meroni G., Curletto G., Bartolomei J. Hôpitaux Universitaires de Genève, Chêne-Bourg (Suisse). A consulter sur le site de L’Encéphale. Contact : Alberto.Picchi@hcuge.ch