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Bis repetita

Accusé de «violences psychologiques» par son ex-compagne, Julien Bayou suspendu par Les Ecologistes

Le député écologiste de Paris avait annoncé plus tôt ce jeudi 7 mars qu’il prenait du recul pour se défendre après la plainte déposée à son encontre par Anaïs Leleux, une de ses anciennes compagnes, pour «harcèlement moral» et «abus frauduleux de l’état de faiblesse».
par Charlotte Belaïch
publié le 7 mars 2024 à 11h50
(mis à jour le 7 mars 2024 à 18h47)

Julien Bayou savait que la menace planait. L’annonce est finalement tombée en fin de journée : le député écolo, visé par une plainte de son ex-compagne Anaïs Leleux pour «harcèlement» et «abus de faiblesse», a été suspendu des Ecologistes à titre conservatoire. «Nous avons appris mercredi soir par voie de presse l’existence de la plainte de Anaïs Leleux, ex-compagne de Julien Bayou, pour harcèlement moral et abus de faiblesse contre Julien Bayou et contre X pour abstention d’assistance à personne en danger, écrit le parti. Les faits dont elle témoigne sont extrêmement graves et nous les prenons très au sérieux [...] En conséquence, le Bureau exécutif, réuni en urgence, a voté à l’unanimité la suspension à titre conservatoire de Julien Bayou et la saisine du Conseil politique régional, seule instance pouvant prendre une décision de suspension ou d’exclusion selon nos statuts actuels.» Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes, a appelé le député pour le lui annoncer en fin de journée. «On ne voulait pas que sa mise en retrait nous empêche de prendre une décision politique», explique un proche de la direction.

Dans la matinée, Julien Bayou avait pris les devants en annonçant sa mise en retrait. Un an et demi après le début de «l’affaire Bayou», l’ancien militant du collectif Jeudi noir, accusé par son ex-compagne de «violences psychologiques», a pris «acte» de la plainte qui va, selon lui, lui permettre de «prouver [son] innocence». L’élu avait alors annoncé qu’il ne s’exprimerait plus au nom de son parti et de son groupe parlementaire, pour leur permettre «de travailler sereinement pendant l’enquête à venir» et assurer sa défense. «S’il ne l’avait pas fait, le parti l’aurait fait, affirmait alors un écolo. Il y a une plainte, ça change la donne. Le parti était sous pression».

Ce mercredi, le député écolo Aurélien Taché a quitté la boucle du «conseil politique» des écologistes en dénonçant, entre autres, la gestion de l’affaire Bayou. Dans un message adressé à la secrétaire nationale Marine Tondelier, consulté par Libé, il écrit : «Tu es quand même souvent off au bon moment... surtout pour quelqu’un avec ta capacité de travail, que tout le monde connaît et reconnaît.» Après avoir fait état de son désaccord sur le traitement de la question palestinienne, il affirme : «Ensuite arrivent les accusations contre Julien, dont personne, même pas toi, ne cite le nom et on repart sur les cellules, les huis clos, les conciliabules... Ce n’est correct ni pour Anaïs qui a le courage de s’exprimer, ni pour Julien qui doit pouvoir répondre.»

En septembre 2022, celui qui était alors à la tête du parti avait déjà choisi de quitter son poste ainsi que la présidence du groupe écologiste à l’Assemblée nationale pour «pouvoir se défendre en toute liberté contre des accusations dont il ignore tout et les ragots qui gangrènent notre vie démocratique», avait déclaré devant la presse son avocate, Marie Dosé. Quelques mois plus tôt, son ex-compagne avait écrit à la cellule d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles d’EE-LV, accusant Julien Bayou de «briser des femmes». Dans ce mail envoyé le 30 juin et également adressé à des cadres écolos mais aussi à des membres de la famille du député, elle dénonçait «un manipulateur, lâche et dénué d’empathie» et affirmait vouloir mettre fin à ses jours pour «protéger les autres», «éloigner Bayou des lieux de pouvoir et de militance où il peut prédater».

La cellule s’était alors autosaisie pour enquêter mais l’affaire était restée sous les radars médiatiques jusqu’à ce que le collectif féministe Nous toutes interpelle EE-LV sur Twitter le 19 septembre : «Bonjour EE-LV, la cellule VSS a été saisie en juillet après des accusations de violences commises par Julien Bayou sur son ex-compagne. Comment s’assurer que les militantes soient en sécurité ? Aucune mesure ne semble avoir été prise, pourquoi ?» Le lendemain, sur le plateau de C à vous, la députée écolo Sandrine Rousseau affirmait avoir rencontré Anaïs Leleux et évoquait «des comportements de nature à briser la santé morale des femmes», déclenchant une tempête médiatique.

Chez les écolos, «personne ne sait quoi faire»

Quatre mois plus tard, la cellule d’EE-LV clôturait finalement l’enquête faute d’avoir pu «mener à bien son enquête». La direction du parti avait alors expliqué que «l’audition initiale [de son ex-compagne], point de départ de l’investigation, n’avait pas pu avoir lieu» et que «personne d’autre n’avait saisi la cellule au sujet de Julien Bayou». «Comme il n’y a pas eu d’enquête, on ne peut pas dire qu’il est innocenté mais aucun témoignage n’a permis de dire qu’il est coupable de quoi que ce soit», expliquait un proche de la direction.

Celui qui a toujours nié les faits qui lui sont reprochés et se décrivait alors comme un «grand brûlé» est longtemps resté discret : plus de rendez-vous avec la presse, plus d’interventions dans les rassemblements de la gauche, de simples présences en commission parlementaire… Mais, peu à peu, il est revenu dans le débat ces derniers mois, s’investissant notamment dans les discussions sur l’hypothèse d’une candidature commune à gauche pour la présidentielle de 2027. «Il fallait que Julien se trouve un truc», expliquait un proche alors que Libération racontait que le député avait organisé des dîners chez lui avec des personnalités de gauche qui tentaient de trouver la voie pour parvenir à l’union.

L’annonce du dépôt de plainte d’Anaïs Leleux l’a finalement contraint à se remettre en retrait. Celle-ci s’est exprimée pour la première fois à visage découvert dans un entretien au site Les Jours dans lequel elle annonce également une plainte contre X pour «abstention d’assistance à personne en danger». «J’ai attendu pour parler publiquement parce que j’étais tiraillée entre Julien Bayou et la cause de ma vie, le féminisme. J’avais fini par avoir peur d’un homme que je croyais connaître et qu’en fait, je ne connaissais pas. Quand on est sous emprise, et je l’étais encore jusqu’à il y a peu, c’est difficile de parler», affirme-t-elle.

«Personne ne sait quoi faire de ces situations… déplore un écolo. Si une plainte entraîne automatiquement une exclusion, c’est la fin de l’état de droit, c’est n’importe quoi, mais en ce moment, c’est comme ça et nous avons nous-mêmes contribué à créer cela.»

Mise à jour 18h46 avec l’annonce de la suspension de Julien Bayou par la direction des Ecologistes.


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