Grand Est: Harcelée, traitée de «merde», menacée, une policière a vécu un enfer

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Grand EstHarcelée, traitée de «merde», menacée, une policière a vécu un enfer

PONT-À-MOUSSON - Une policière raconte dans un livre le harcèlement qu'elle a subi de la part d'un supérieur dans un commissariat de Meurthe-et-Moselle.

AFP/Illustration

Aurélie Magron, qui a toujours rêvé de l'uniforme bleu, raconte cette partie difficile de son parcours sous la plume d'un ancien journaliste, Pierre Roeder. Son ouvrage, «Larmes de service» (éditions Paroles de Lorrains), est sorti en février.

«Même si je suis au cœur de l'histoire, ce que je veux vraiment, c'est que cela soit utile» et faire connaître «l'envers du décor», explique-t-elle à l'AFP.

Ambiance froide dans le commissariat de Pont-à-Mousson

«En étant dans la police, on est amené à conseiller au mieux les gens dans leurs tracas du quotidien, mais nous, on est les moins bien conseillés», relève-t-elle. Harcelée, traitée de «merde», menacée d'être mise à pied, la jeune femme, âgée d'une trentaine d'années au moment des faits, a vécu un calvaire.

La jeune policière s'était installée en Lorraine après quatre ans en banlieue parisienne, où commencent tous les policiers en début de carrière. Elle a vécu à Gonesse les émeutes de 2005, mais avait été marquée par la «solidarité» entre collègues.

L'ambiance est différente, plus froide, dans le commissariat de Pont-à-Mousson, entre Nancy et Metz, où elle débarque début 2008. Sans s'en vanter, Mme Magron arrive pourtant avec de chaudes recommandations de ses supérieurs franciliens. Elle vient d'être décorée pour acte de bravoure.

L'affaire est «étouffée»

Consciencieuse, la jeune femme bouleverse la routine du bâtiment qui n'a pas vu de nouvelles recrues depuis des lustres. D'un joyeux tempérament, elle est pourtant mise à l'écart et rejetée.

En octobre 2010, elle procède à un contrôle qui aboutit au placement en garde à vue de deux suspects dans une affaire de stupéfiants. Lorsqu'on constate qu'il manque un document judiciaire indispensable, son supérieur lui demande de contourner la procédure. «J'ai dit non, et ça a été le début de la fin», souffle-t-elle. Si elle n'obtempère pas, demain elle ne sera «plus dans la police», menace son supérieur. En rentrant chez elle, sonnée, elle appelle le parquet, signale les faits. Mais l'affaire est «étouffée».

«C'est lui le déclic»

Elle est ensuite rayée des listes du service, «coupée de tout», mutée en poste de nuit. Un soir, alors qu'elle doit prendre son poste, Mme Magron enfile son uniforme, se fige. Prend son arme de service. Pose l'arme sur sa tempe.

C'est un collègue de jour, qu'elle a l'habitude de croiser avant de prendre son poste, qui s'inquiète de ne pas la voir arriver et décide d'aller au vestiaire. Il lui sauve la vie. «C'est lui le déclic. Je suis un peu hagarde, il m'a secouée, mis une gifle, gentille ou marquée, je ne sais plus», se remémore-t-elle. Il décide de garder le secret, sinon, dans la police, «c'est la fin de tout. On te désarme, on te dit que tu es devenu cinglé.»

Suivi psychologique durant trois ans

Il lui dit d'assurer son service, reste avec elle, l'incite à se battre, à déposer une plainte pour harcèlement. Aurélie Magron sera, après un long combat, la première policière à obtenir la condamnation d'un supérieur hiérarchique pour harcèlement, faisant jurisprudence. Le commandant a été condamné en 2015 à trois mois d'emprisonnement avec sursis, une sanction confirmée en appel.

Mme Magron a reçu un suivi psychologique pendant trois ans et a été opérée en urgence pour des ulcères. Malgré tout, elle réintègre l'institution à Nancy en 2022, à 42 ans, après huit ans de disponibilité, au cours desquels elle s'est reconstruite et a pu devenir cheffe d'entreprise dans le privé. Maintenant, elle estime avoir «une juste distance» avec son travail.

Si le livre a globalement obtenu des commentaires «très positifs» en Lorraine, «il y a eu un grand silence, personne ne m'en a parlé» au sein de la police, relate Aurélie Magron. L'institution a encore «beaucoup de travail» à faire sur la prévention et la lutte contre le harcèlement, estime-t-elle. «Ce que j'ai vécu, si ça devait se repasser aujourd'hui, ce serait plus ou moins la même chose».

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(afp)

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