« La France montre le chemin » : l’espoir des Polonaises sur l’IVG

Soumises à l’une des lois sur l’IVG les plus restrictives d’Europe, les Polonaises attendent le vent du changement. L’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution en France leur donne espoir en ce 8 mars.

De notre correspondante

Une manifestion contre le durcissement de la législation sur l'avortement en Pologne le 25 octobre 2020.
Une manifestion contre le durcissement de la législation sur l'avortement en Pologne le 25 octobre 2020. © Newspix / Newspix/ABACA

Temps de lecture : 4 min

Lecture audio réservée aux abonnés

« Nous les Polonaises nous sommes si heureuses pour vous les Françaises, s'exclame Aleksandra Loboda. La France inscrit le droit à l'avortement dans sa Constitution et cela nous donne l'espoir que chez nous aussi les choses vont finir par changer. »

Aleksandra Loboda est présidente de l'organisation féministe Widzialne, littéralement, Celles qui veulent être vues. Widzialne a été fondée en 2020 quand la Cour constitutionnelle polonaise a approuvé l'une des législations sur l'avortement les plus restrictives d'Europe rendant l'IVG pratiquement impossible.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Pendant cinq mois, la jeune femme a manifesté à Gdansk devant le siège du PiS, le parti populiste nationaliste Droit et Justice responsable de cette quasi-interdiction de l'IVG. Des centaines de milliers de Polonaises descendent alors dans la rue pour dire leur colère. Ce vendredi 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Aleksandra Loboda aura les yeux tournés vers Paris : « La France montre le chemin aux pays comme la Pologne, la Hongrie et les États-Unis où cette liberté fondamentale est menacée. Il faut à tout prix protéger le droit à l'avortement des changements de régime. »

À LIRE AUSSI Pologne : la lutte pour l'avortement au cœur des élections législatives

Le Premier ministre polonais Donald Tusk a une dette à payer, rappelle la jeune femme : « C'est en grande partie aux femmes de Pologne qu'il doit sa victoire aux élections d'octobre dernier. C'est grâce à elles qu'il est parvenu à renverser Jaroslaw Kaczynski. Il lui faut maintenant tenir la promesse qu'il a faite aux Polonaises durant sa campagne électorale et légaliser et décriminaliser l'IVG. » Mais en matière de liberté des femmes à disposer de leur corps, le rétropédalage s'avère pourtant difficile. Dès son arrivée au pouvoir à l'automne, la nouvelle coalition rétablit le financement public de la fécondation in vitro qui avait été supprimé par le PiS. Puis le Sjem, le Parlement, donne son blanc-seing à un autre projet donnant aux femmes de plus de 15 ans un accès libre, sans ordonnance et gratuit à la pilule du lendemain. Pour pouvoir être promulguée, cette loi doit encore être approuvée par le président ultraconservateur Duda, proche du PiS, qui a un droit de veto et freine des quatre fers.

Des bâtons dans les roues de la réforme de l'IVG

Reste surtout à détricoter la législation du PiS sur l'avortement encore en vigueur aujourd'hui. Fin janvier, Donald Tusk a annoncé qu'il était prêt à déposer devant le Parlement une proposition de loi. Mais le président conservateur du Sjem a annoncé que ce texte ne pourra être soumis au vote qu'en avril, après les élections locales. Ewa Sladek, activiste pro-avortement à Cracovie, voit dans cette décision de reporter le vote une manœuvre de la droite : « On nous promet qu'on votera après les élections locales, mais après il y aura les européennes, puis les présidentielles, puis les législatives… ce n'est jamais le bon moment et au bout du compte nous ne sommes même pas sûres que le texte décrochera une majorité suffisante au Parlement. Une chose curieuse se passe en Pologne : les électeurs sont pour l'avortement, mais de nombreux députés, des hommes en majorité et des conservateurs, vont tout faire pour bloquer une nouvelle loi plus libérale qui prévoit la liberté d'avorter pendant les douze premières semaines de grossesse. » D'autant que la coalition tripartite dirigée par Donald Tusk est divisée. Les conservateurs en son sein, essentiellement sous la bannière du parti « troisième voie », un bloc hétéroclite rassemblant agriculteurs, néolibéraux et conservateurs, risquent de tout faire pour mettre des bâtons dans les roues du nouveau texte de loi.

À LIRE AUSSI En Pologne, la perspective d'une ère de changement après un scrutin historique

« J'envie les Françaises. Quel énorme succès ! dit Ewa Sladek. Je suis tellement frustrée. Chez nous, rien ne bouge. » Aujourd'hui, les conditions restrictives imposées par le PiS sont encore en vigueur en Pologne. Pour pouvoir avorter, une Polonaise doit avoir été violée, être victime d'un inceste ou bien la vie de la femme enceinte doit être en danger. L'IVG est toujours strictement interdite en cas de malformation grave du fœtus. 161 avortements légaux ont été réalisés en 2022 contre quelque 2 000 avant 2020. Celles qui ont les moyens vont se faire avorter en Suède, aux Pays-Bas, en Tchéquie ou en Slovaquie.

La situation pour les femmes polonaises n'est pas sans rappeler celle des Françaises avant la loi Veil de 1975. Un climat de suspicion et de crainte s'est instauré. Ceux qui, médecins, infirmiers, amis, pratiquent un IVG ou aident les femmes à avorter clandestinement sont passibles de condamnations pouvant aller jusqu'à trois ans de prison ferme. Nombreux sont d'ailleurs les médecins qui invoquent la clause de conscience dans ce pays encore sous influence de l'Église catholique. Dans certaines petites villes, aucune clinique ne pratique l'IVG, même légalement. Depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition de Donald Tusk, la clause de conscience ne peut plus être invoquée dans les hôpitaux publics. « Décriminaliser l'avortement est la seconde grande revendication des Polonaises qui descendent dans la rue », rappelle Ewa Sladek.

Aujourd'hui, à Varsovie, un cortège partira du palais présidentiel, siège du président Duda acquis au PiS, pour se diriger vers le Parlement. Samedi, de grandes manifestations sont prévues dans toute la Pologne pour rappeler à Donald Tusk la promesse de campagne faite aux femmes. Frustrées et en colère, Ewa Sladek et Aleksandra Loboda marcheront en tête du cortège.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • baltazaroued

    Il existe une loi. Il était inutile de l'inscrire dans la constitution. Cela ne changera rien, car les médecins ont la possibilité de refuser. Mais que dit la constitution sur les délais, RIEN.
    Une fois de plus on a montré le chemin de la bêtise.