Médecine

Un pouls peut en cacher un autre

Presque par hasard, des chercheurs viennent de découvrir un second pouls, bien plus faible et plus lent que le premier, mais probablement tout aussi utile au diagnostic médical.

POUR LA SCIENCE N° 550
pouls vitesse élasticité artère

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Le pouls, que l’on peut sentir en plaçant deux doigts sur l’artère radiale, à l’extérieur du poignet (paume tournée vers le haut) ou directement sur la carotide, est le « battement » de l’artère, directement lié à celui du cœur et au flux de sang expulsé dans l’aorte. C’est ainsi un indicateur de notre santé cardiovasculaire : il donne la fréquence cardiaque et sa vitesse de propagation est une indication de l’élasticité des artères. Mais le pouls n’est pas « mesurable » partout sur le corps, car il s’estompe d’autant plus qu’on s’éloigne du cœur ou que le diamètre du vaisseau sanguin considéré diminue. L’équipe de Stefan Catheline, au Laboratoire des applications thérapeutiques des ultrasons de l’université, à Lyon, était en train de tester un nouveau dispositif destiné à mesurer le pouls dans la rétine lorsqu’elle a eu la surprise de découvrir l’existence… d’un second pouls !

L’objectif des chercheurs était de déterminer si cette technique – l’holographie laser Doppler – était en mesure de mesurer la vitesse de propagation de l’onde de pouls dans les minuscules artères de l’œil, afin de déduire l’état de santé vasculaire de celui-ci. Pour ce faire, on photographie l’œil en rafale, à très haute résolution, afin de suivre le mouvement des vaisseaux sanguins. Le pouls est en effet dû à la dilatation de la paroi artérielle lors de l’afflux du sang provoqué par les contractions cardiaques. Le test a échoué : Stefan Catheline et ses collègues n’ont pas réussi à mesurer l’onde de pouls dans la rétine. En revanche, la mesure a mis en évidence un autre signal ondulatoire qui se propage le long des vaisseaux sanguins à une vitesse de 1 à 10 millimètres par seconde, soit environ 1 000 fois plus lentement que le pouls. Quelle est son origine ?

Comme dans tout matériau élastique où l’on observe des ondes de compression et des ondes de cisaillement, deux types d’onde sont susceptibles de se propager le long d’un tube. Le premier est symétrique à l’axe central du vaisseau et est dû à la dilatation de la paroi de l’artère dont le diamètre augmente – c’est le pouls classique. Le second type d’onde, dit « de flexion », est asymétrique et lié à la torsion « sinusoïdale » du tube. Elle se propage plus lentement que l’onde de dilatation. Les chercheurs ont montré que ce second pouls est aussi détectable au niveau du poignet et du cou à condition d’utiliser le bon appareil, à savoir un échographe.

Depuis le XIXe siècle et les travaux de Thomas Young puis de Moens-Korteweg, on sait que l’onde de pouls se propage à une vitesse proportionnelle à la rigidité de la paroi artérielle. D’où son utilité en médecine : plus un vaisseau vieillit, plus il se rigidifie et plus la vitesse du pouls augmente – un bon indicateur du risque d’accident cardiovasculaire. C’est aussi probablement le cas du second pouls, mais avec un avantage de taille : cette onde de flexion étant plus lente, elle est théoriquement mesurable avec une plus grande précision, même sur une petite longueur de veine. Ceci explique que l’équipe de Stefan Catheline ait réussi à détecter ce nouveau pouls sur des vaisseaux de seulement 1 millimètre de long, comme les petites artères de la rétine. Toutefois, avant que ce nouvel outil diagnostic soit opérationnel, il reste à déterminer précisément les équations de propagation de l’onde de flexion pour savoir comment elle reflète l’élasticité des vaisseaux, et à confirmer son utilité chez l’homme par des essais cliniques.

Un pouls peut en cacher un autre

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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