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Mers et océans

100 espèces dont ce "poisson à pattes" : les merveilles des abysses au large du Chili révélées par une expédition scientifique

Un groupe international de scientifiques à bord d'une récente expédition de l'Institut océanographique Schmidt aurait découvert une centaine de nouvelles espèces vivant sur des monts sous-marins au large des côtes du Chili.

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Le poissons "à pattes" Chaunacops

Un Chaunacops (un genre de poisson osseux de la famille des Chaunacidae) a été observé à une profondeur de 1388,65 mètres sur un mont sous-marin à l'intérieur du Parc Marin Nazca-Desventuradas.

Schmidt Ocean Institute
Le poissons "à pattes" Chaunacops
100 espèces dont ce "poisson à pattes" : les merveilles des abysses au large du Chili révélées par une expédition scientifique
Olivier Lascar
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On se pince pour y croire. Mais cet animal est bien réel. Il a été filmé au large du Chili par le Schmidt Ocean Institute, une organisation privée américaine. Sous cet air tricoté, digne du Muppet show, il y a un Chaunacops sp., un poisson qui se déplace en marchant sur ses nageoires.

"Il me rappelle le Chaunax pictus que j'avais vu en plongée dans l'Atlantique nord dans les années 80, réagit auprès de Sciences et Avenir le biologiste Michel Segonzac, qui a participé pour l'Ifremer à des expéditions scientifiques dans tous les océans. C'était une vraie surprise, nous étions à plus de 3000 mètres de profondeur, et ces 'poissons qui marchent' n'étaient connus que vivant à quelques centaines de mètres de profondeur seulement". Le spécimen filmé ici a été vu à 1388 mètres de fond. Il est peut-être le représentant d'une nouvelle espèce, estiment les chercheurs de la récente expédition du Schmidt Ocean Institute.

Un robot vers les monts sous-marins

L'équipe, dirigée par le biologiste marin Javier Sellanes de l'Universidad Católica del Norte (Chili), a utilisé un robot sous-marin (ROV, pour Remotely Operated Vehicle) commandé en surface depuis le navire scientifique Falkor (too), capable de plonger jusqu'à 4500 mètres de profondeurs. L'engin a exploré les abysses du sud-est de l'océan Pacifique, plus précisément les crêtes Nazca et Salas y Gómez, des haut-fonds situés à 2500 km des côtes chiliennes, non loin de l'île de Pâques.

Les sites des plongées de l\'expédition du Schmidt ocean institute.

Les sites des plongées de l'expédition. Schmidt Ocean Institute

La mission a ainsi permis d'explorer des profondeurs à des distances au-delà des eaux territoriales chiliennes. L'ambition des scientifiques est de s'efforcer d'en dresser la diversité animale, pour montrer la nécessité de protéger les zones de grands fonds.

Déjà l'équipe de Javier Sellanes aurait pré-identifié pas moins d'une centaine d'espèces, parmi lesquelles des coraux de grandes profondeurs et des éponges marines. Ou cette galathée, un crustacé décapode dont les espèces sont très diversifiées (Michel Segonzac étant sans doute le découvreur de la plus surprenante d'entre elles, la galathée yéti Kiwa hirsuta en 2005, au sud de l'île de Pâques).

Les échantillons remontés à la surface font désormais l'objet d'analyses, notamment génétiques, pour déterminer s'il s'agit effectivement de nouvelles espèces.

Une galathée nichée dans un corail, à une profondeur de 669 mètres sur le mont sous-marin JF2.

Une galathée nichée dans un corail à une profondeur de 669 mètres.

"Solito", montagne des abysses

La superficie couverte par l'expédition est considérable, de l'ordre de 53.000 km2. Cette amplitude a permis aux scientifiques d'explorer dans les eaux chiliennes quatre montagnes sous-marines, dont il ont surnommé la plus grande "Solito".

"La mission a dépassé toutes nos espérance, se réjouit Sellanes dans le communiqué de presse de l'institut océanographique Schmidt. On s'attend toujours à découvrir de nouvelles espèces dans ces lieux reculés et peu explorés. Mais l'abondance et la quantité de la faune que nous avons trouvée est à couper le souffle."

Cette efflorescence de vie n'est pas une surprise pour Michel Segonzac : "Au large du Chili, le courant sous-marin de Humboldt, venu du sud, draine quantité de nutriments. Ce courant de surface alimente une telle masse de faune que ce qui tombe vers le fond fournit beaucoup de nourriture à la faune benthique", qui vit sur le plancher océanique.

Les images rapportées par la mission sont dignes d'Avatar... sauf qu'elles sont réelles. Elles n'en sont que plus émouvantes et rappellent l'étonnante biodiversité des océans, qui demeure largement inconnue.

Voici environ dix ans, le programme de recherche Census of Marine Life estimait déjà que le nombre d'espèces marines connues était de 250.000, et qu'il en resterait entre un et 10 millions à découvrir.

Encore préservées, ces espèces sont-elles désormais menacées ? Plusieurs acteurs industriels, mais aussi étatiques, projettent d'exploiter des minerais des grands fonds. Mais les scientifiques s'inquiètent des conséquences que pourraient avoir pour la faune le labourage de ses lieux jusqu'à présent inviolés. Un code minier rédigé par l'Autorité internationale des fonds marins doit donner les règles de cette aventure aux relents hasardeux. Il est attendu pour 2025.     

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