États-Unis : les effets dévastateurs des lois anti-avortement sur la santé mentale des femmes

Manifestation en juillet 2022 pour dénoncer la décision de la Cour suprême des États-Unis de mettre fin aux protections fédérales du droit à l'avortement. ©Getty - Probal Rashid/LightRocket
Manifestation en juillet 2022 pour dénoncer la décision de la Cour suprême des États-Unis de mettre fin aux protections fédérales du droit à l'avortement. ©Getty - Probal Rashid/LightRocket
Manifestation en juillet 2022 pour dénoncer la décision de la Cour suprême des États-Unis de mettre fin aux protections fédérales du droit à l'avortement. ©Getty - Probal Rashid/LightRocket
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Au moment où la liberté d'avorter est inscrite dans la Constitution en France, gros plan sur la situation aux États-Unis où les lois anti-avortement ont des effets dévastateurs sur la santé mentale des femmes, mais aussi sur leur situation économique.

Le 8 mars, nous avons célébré la journée internationale des droits des femmes. Cette journée comprend souvent beaucoup de discours et pas beaucoup d’actions, mais en France ce n’était pas le cas cette année ! Car le 8 mars 2024 marque le passage de la loi constitutionnelle qui garantit le  caractère fondamental de la liberté d’avorter en France, en l’inscrivant dans la constitution Par ce texte, la France devient le premier pays du monde à reconnaître explicitement le droit à l’avortement dans sa constitution, à une époque où il est remis en cause dans d’autres parties du monde.

Un contraste avec les États-Unis

Le contraste avec les États-Unis ne pourrait pas être plus marqué. En juin 2022, par la décision “Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization”, la Cour suprême des États-Unis supprimait la garantie constitutionnelle du droit à l’avortement, qui était auparavant garantie par le jugement “Roe versus Wade”. En effet, la constitution américaine ne contenait pas une protection explicite du droit à l’avortement. Mais le jugement “Roe vs Wade” avait tranché, en 1973, que le droit à la vie privée, qui est garantie par le 14e amendement de la constitution, incluait le droit à l’avortement. Les États n’étaient donc pas libres d’interdire l’avortement sur leur sol.

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Les six juges conservateurs (sur 9) avaient justifié la décision “Dobbs” avec un argument technique : puisque le mot “avortement” n’apparaissait pas dans la constitution, le jugement Roe était incorrect, et chaque État devrait être libre de décider. Depuis le jugement, les lois de plus en plus extrêmes passées dans les États conservateurs aux États-Unis, interdisant l’avortement dans tous les cas, sauf danger mortel (avéré) sur la mère ont mis en évidence la logique de ce jugement : celui d’une priorité totale donnée sur la vie humaine, définie comme commençant dès la conception, sur le bien-être et même la vie des femmes.

Juste au moment où la France passait sa loi constitutionnelle sur l’avortement, cela a été prouvé, s’il était nécessaire, par un jugement de la Cour suprême de l’Alabama, le 16 février. Ce jugement stipule que des embryons fertilisés conçus in vitro, mais non encore implantés, sont des “enfants extra-utérin”, des “petites personnes” dont la vie doit être protégée.

Aux États-Unis, les effets dévastateurs des lois anti-avortement sur la santé mentale des femmes

Sans surprise, les études médicales qui montrent les effets sur la santé des femmes commencent à apparaître. Un article de la revue prestigieuse JAMA montre aussi que le simple fait d’habiter dans un état où le droit à l’avortement est restreint conduit à un déclin de la santé mentale des femmes en âge de procréer. Sur la base de 150 000 enquêtes, les chercheurs ont comparé les symptômes de dépression avant et après Dobs dans les états qui avaient des “trigger laws”, des lois anti-avortement prêtes à se déclencher dès la décision de la Cour suprême et dans les états où il est resté légal. Les symptômes de dépression et d’anxiété ont empiré de manière significativement plus rapide dans les 13 États qui avaient ces lois que les 37 qui n’en avaient pas.

Et sur leurs trajectoires économiques

Une étude récente d’économistes compare des femmes que, qui, avant Dobs, voulaient recourir à un avortement, mais n’ont pas pu, car leur grossesse était trop avancée, à des femmes très similaires, mais dont la grossesse était juste assez récente pour permettre l’avortement. Elle montre que ces femmes qui n’avaient pas pu avorter ont presque deux fois plus de chance de se trouver en état de détresse financière à la naissance, et dans les années suivantes.

Et le plus tristement ironique pour finir : depuis le jugement Roe vs Wade, le nombre d’avortements a légèrement augmenté aux États-Unis, pas diminué. Cela pousse à bout la logique des restrictions de plus en plus extrême contre l’avortement. Avant tout, plus que de protéger les enfants, il s’agit de garder les femmes à leur place.

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