Le premier vol d'expulsion prévu du Royaume-Uni vers le Rwanda a été annulé après une intervention de la Cour européenne des droits de l'Homme. Crédit : Picture alliance
Le premier vol d'expulsion prévu du Royaume-Uni vers le Rwanda a été annulé après une intervention de la Cour européenne des droits de l'Homme. Crédit : Picture alliance

Le ministère de l'Intérieur prévoir de rémunérer à hauteur de 3 500 euros chacun les exilés qui, de manière volontaire, souhaitent être délocalisés au Rwanda. Un plan B au projet initial d'expulsion dans ce pays, actuellement âprement discuté au Parlement britannique.

Expulser les migrants au Rwanda coûte que coûte. C’est l’objectif affiché par Londres avec ce nouveau projet dévoilé par The Times. D’après le document consulté par le journal, chaque demandeur d’asile recevra 3 000 livres, environ 3 500 euros, pour s’installer au Rwanda dans le cadre d’un programme de retour volontaire.

Est éligible tout exilé débouté du droit d’asile au Royaume-Uni, et qui ne peut retourner dans son pays d’origine. Les demandeurs d’asile relocalisés seront par ailleurs autorisés à travailler légalement au Rwanda. Le programme sera également ouvert à d’autres personnes n’ayant pas le droit de rester au Royaume-Uni, ainsi qu’aux "criminels étrangers", détaille The Times.

Les demandeurs d'asile déboutés recevront "un soutien des autorités rwandaises" pour une période allant jusqu'à cinq ans, notamment pour le logement.

Aucune information sur le nombre de personnes concernées, ni sur la temporalité de l’exécution de la mesure, n’a en revanche été divulguée.

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"L'année dernière, 19 000 personnes ont été volontairement expulsées du Royaume-Uni et cela constitue une partie importante de nos efforts pour lutter contre l'immigration clandestine", a déclaré un porte-parole du ministère de l'Intérieur. "Nous étudions les réinstallations volontaires au Rwanda pour ceux qui n'ont pas le droit d'être ici […] au Royaume-Uni."

Un projet plusieurs fois retoqué

Le programme constitue donc une sorte de plan B au projet de loi initial, actuellement discuté au Parlement et que le gouvernement peine à faire accepter. Le 6 mars, les Lords britanniques ont mis un frein à l’ambition gouvernementale, formulée pour la première fois en avril 2022 par l’ancien Premier ministre Boris Johnson. Une dizaine d’amendements ont été votés, dont la possibilité pour les tribunaux britanniques d'intervenir dans l'expulsion des demandeurs d'asile. C'est là le principal revers pour le gouvernement, qui a présenté ce texte précisément pour contourner les injonctions judiciaires.

Après son blocage définitif par la Cour suprême en novembre 2023, le projet de loi originel a été retouché en décembre par les deux parties. Le nouveau traité, signé par le ministre de l’Intérieur britannique James Cleverly et le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta, garantit que "le Rwanda n’expulsera pas vers un autre pays les personnes transférées dans le cadre du partenariat".

Le texte comprend notamment la mise en place "d'un tribunal conjoint avec des juges rwandais et britanniques à Kigali pour garantir que la sécurité des migrants est assurée et qu'aucun des migrants envoyés au Rwanda ne soit expulsé vers son pays", avait détaillé lors de la conférence de presse le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, Alain Mukuralinda.

Avec ces ajouts, Londres répond aux critiques de la Cour suprême sur le manque d’indépendance au Rwanda et sur les risques de persécutions.

Des influenceurs TikTok pour dissuader les migrants

Le projet d’expulsion des migrants au Rwanda est l’une des mesures phares du gouvernement britannique pour lutter contre l’immigration irrégulière, son cheval de bataille. Ces dernières années, Londres multiplie les initiatives pour freiner les arrivées d’exilés en petits bateaux sur ses côtes. En plus des financements alloués à la France pour davantage de surveillance sur le littoral, et d'une collaboration à venir avec Frontex, le ministère de l’Intérieur projette de faire appel à des influenceurs du réseau social TikTok basés dans plusieurs pays du monde.

Objectif ? Faire des vidéos dissuadant les candidats à l'exil de venir au Royaume-Uni.

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En 2023, le Royaume-Uni a enregistré 29 437 arrivées de migrants en "small boats", contre 45 000 en 2022. Mais un facteur important permet d’expliquer cette baisse : l’accord signé entre Londres et l’Albanie en décembre 2022 pour lutter contre l'immigration clandestine. Cette année-là en effet, près d'un tiers des 45 000 arrivées sur le sol anglais concernaient des Albanais partis de France, souvent des hommes majeurs seuls. À l'été 2022, les Albanais ont même représenté jusqu'à 50 % des passagers de "small boats".

Malgré une baisse des arrivées d'exilés sur le littoral britannique, les drames en mer, eux, restent nombreux. Le 3 mars, une fillette de sept ans est décédée après le naufrage de son embarcation dans le canal de l'Aa, à l'embouchure de la mer du Nord. Ce drame est le troisième ayant entraîné des décès en 2024 lors de tentatives de traversée de la Manche pour rejoindre l’Angleterre. Depuis le début de l’année, déjà 10 personnes sont mortes noyées en tenant de rejoindre les côtes anglaises.

 

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