Une note de la Fondation des Femmes intitulée Le coût du divorce, révèle des chiffres alarmants sur la perte de niveau de vie des femmes hétérosexuelles après un divorce. 20% d’entre elles basculent dans la pauvreté contre 8% des hommes.
L’Observatoire de l’émancipation économique des femmes, créé en 2022 par la Fondation des Femmes analyse les facteurs à l’origine de la précarité des femmes. C’est dans ce cadre que Lucile Peytavin et Hélène Gherbi viennent de publier, ce jeudi 14 mars, une note sur Le coût du divorce. Et le constat est sans appel, les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à voir leur niveau de vie drastiquement chuter après un divorce : « le divorce engendre une perte de niveau de vie de 22% pour les femmes, contre 3% pour les hommes – perte qui, pour ces derniers, est en partie comblée dans les deux ans suivant la séparation ».
Mais ces inégalités n’apparaissent pas du jour au lendemain avec le divorce. Hélène Gherbi, co-autrice de la note explique que celles-ci « se construisent et se renforcent tout au long du mariage ».
Une fragilité économique présente pendant le mariage
Le rapport rappelle que les inégalités économiques apparaissent déjà quand les femmes sont en couple. Et que ces inégalités s’aggravent avec certains facteurs comme notamment l’arrivée d’enfants au sein du couple. A ce moment-là, nombreuses sont les femmes à diminuer leur temps de travail pour s’occuper des enfants : « près de 40% des femmes vont modifier leur activité après une maternité (qu’il s’agisse d’un changement de statut, d’horaires, d’intensité du travail voire même d’un retrait du marché du travail) ». Cette diminution du temps de travail implique inévitablement une baisse de salaire : « en moyenne, les femmes qui deviennent mères assistent à une baisse d’environ 25% de leurs revenus dans les cinq années qui suivent la naissance de leur enfant. Et pour les femmes avec les plus bas salaires, cet écart peut même aller jusqu’à 40% ». Cette perte de salaire mais aussi pour plus tard de droits à la retraite etc. ne concerne pas les hommes : « Pour les pères, on n’observe, en revanche, aucun impact financier lié à l’arrivée d’un enfant. Ce sont donc les femmes qui font des concessions sur leur temps de travail pour dégager du « temps parental » ».
Les inégalités salariales au sein des couples: Monsieur Gagnepain et Madame Gagnemiettes
Hélène périvier dans « L’économie féministe »
Un autre facteur d’inégalités est celui des dépenses quotidiennes. Pour beaucoup de couples hétérosexuels où la majorité des hommes sont ceux qui ont les plus gros revenus, la répartition des dépenses se révèle inéquitable. Tandis que l’homme, sous prétexte d’un meilleur salaire, va prendre en charge les grosses dépenses : remboursement de prêt, achat voiture etc., la femme va de son côté prendre en charge les dépenses quotidiennes telles que les courses. C’est ce que Titiou Lecoq nomme la « théorie des pots de yaourt » dans son essai Le couple et l’argent paru fin 2022. En cas de séparation, les hommes ont investi et se retrouvent en possession d’un bien (immobilier, voiture) alors que les femmes se retrouvent avec les pots de yaourt vides des courses… C’est ce que souligne également cette étude : « Une répartition des rôles financiers laissant à la femme le terrain « domestique » de la gestion financière et aux hommes les décisions d’investissement « externes » établissant de facto une hiérarchie dans la gestion financière […] Au-delà de la hiérarchisation des rôles financiers qu’il crée, ce fonctionnement a un impact majeur sur l’enrichissement personnel de chacun·e. C’est ce que montre Lucile Quillet dans son livre Le prix à payer. On se retrouve dans la situation où l’on a «Madame PQ» et «Monsieur Voiture». Des femmes qui achètent tous les biens consommables pendant que l’homme finance les biens structurants ».
« Le mariage appauvrit les femmes : il est essentiel pour elles de bien choisir leur régime matrimonial et leur procédure de divorce pour anticiper et atténuer ses effets négatifs sur leurs revenus. »
Lucile Peytavin
… qui s’accentue avec le divorce
Une fois la séparation actée, les femmes sont plus nombreuses à assumer seules la charge des enfants : « On compte aujourd’hui une famille monoparentale sur quatre, mais la monoparentalité est une question genrée : dans 82% des cas il s’agit de foyers portés par des mères, comme indiqué dans le rapport de l’INSEE de 2021 ». Et ce sont bien sûr ces familles monoparentales les plus touchées par la pauvreté avec « 40,5% des enfants de ces familles [qui] grandissent en dessous du seuil de pauvreté en 2021 ». La question du logement est aussi un gros point noir pour les familles monoparentales comme l’explique la Collective des mères isolées : « Les familles monoparentales sont surreprésentées dans les hébergements d’urgence, et 21% d’entre elles sont touchées par le mal-logement […] Ces familles monoparentales sont aussi beaucoup moins souvent propriétaires de leur logement que les couples avec enfants : 12% sont propriétaires non accédants (c’est-à-dire n’ayant plus de prêts en cours) et 20% sont accédants à la propriété, contre respectivement 21% et 48% des familles traditionnelles ».
![](https://www.lesnouvellesnews.fr/wp-content/uploads/2024/03/Capture-decran-2024-03-14-a-18.09.00.png)
82% des cheffes de familles monoparentales sont des femmes.
C’est d’ailleurs afin d’améliorer le statut des familles monoparentales que la Collective des mères isolées a publié il y a quelques mois une proposition de loi visant à créer un statut de parent isolé et à lui attacher des droits spécifiques pour lutter contre la précarité.
Avec son étude Le coût du divorce, la Fondation des Femmes pointe du doigt ces inégalités criantes et appelle à des politiques publiques ambitieuses pour le pouvoir économique des mères isolées. Comme le rappelle Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes : « Les femmes après une séparation ou un divorce continuent de s’occuper des enfants et d’en payer le prix. La précarité en France a un visage : celui d’une mère isolée. »
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