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Reportage

JO 2024: comment la France se prépare à la menace des drones

Plus que 126 jours avant la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques sur la Seine à Paris. La sécurité sera maximale pour l’événement avec 45 000 policiers et gendarmes mobilisés. Le gouvernement français anticipe aussi les menaces venues du ciel, notamment les drones. L’armée de l’air se prépare et réalise plusieurs exercices ces dernières semaines pour anticiper ce risque.

Sur l’écran de droite, le logiciel « Situation aérienne partagée » permet, à l’aide d’une carte de visualisation, de repérer les drones autorisés à voler et ceux qui ne le sont pas
Sur l’écran de droite, le logiciel « Situation aérienne partagée » permet, à l’aide d’une carte de visualisation, de repérer les drones autorisés à voler et ceux qui ne le sont pas © Baptiste Coulon / RFI
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Les drones sont « sans doute la principale menace à appréhender », exposait le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin, le 23 mai dernier alors qu’était signé le protocole de sécurité pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Les autorités françaises redoutent un scénario : celui d’un drone civil « kamikaze » doté d'une charge explosive, visant la foule.

Jusqu’alors, aucune attaque de ce type n’a eu lieu en France sur le sol national. Cela est déjà arrivé, en revanche, sur des terrains militaires à l’étranger. En 2016, à Erbil, en Irak, un drone piégé a blessé deux membres des forces spéciales françaises et tué deux peshmergas kurdes. L’attaque a vraisemblablement été menée par le groupe Etat Islamique.

De plus en plus de drones en circulation

Le risque existe donc, en particulier parce que le nombre de drones en circulation en France a très largement augmenté ces dernières années. En 2017, on en comptait 400 000 en circulation et 2,5 millions en 2021, selon un rapport du Sénat. Le drone est donc un objet très accessible. « C’est cette facilité d’obtention du moyen, n’importe où sur le territoire qui rend cette menace drone très active, explique Thibault Fouillet, directeur scientifique de l'Institut d'études de stratégie et de défense. D’autant plus, qu’on ne peut pas facilement identifier les filières d’acquisition, les filières d’assemblage et de mise en œuvre », expose le chercheur.

De fait, les premiers modèles de drones s’achètent à une centaine d’euros en magasin, ce qui contribue à en faire une menace et une arme « low cost » pour un groupe terroriste.

Pour parer à ce risque, l’armée de l’air se prépare donc. Elle s'entraîne depuis plusieurs semaines sur la base aérienne 107 de Villacoublay, près de Paris, où plusieurs dispositifs y sont testés. C’est le cas de radars de détection capables de repérer un drone et d’envoyer l’information à un logiciel développé par l’armée et appelé « Situation aérienne partagée » (SAP).

Ce logiciel est un outil de visualisation qui permet d’interpréter les informations transmises par le radar, explique le lieutenant-colonel Thomas : « Nous avons une base de données qui contient tous les drones accrédités et autorisés à voler dans la zone. Quand un drone apparaît sur l’écran, SAP va le comparer avec cette base de données et s’il n’est pas associé à un plan de vol ni à une accréditation, il va suggérer à l’opérateur de le traiter comme un drone qui n’a rien à faire là. »

 

Un militaire neutralise un drone à l’aide d’un fusil brouilleur lors d’un exercice.
Un militaire neutralise un drone à l’aide d’un fusil brouilleur lors d’un exercice. © Sébastien Lafargue / Armée de l’Air et de l’Espace

 

Détection, neutralisation, interception

Ce travail de détection est essentiel, car il permet de ne pas viser des drones autorisés à voler dans le périmètre de sécurité, comme les drones de la télévision chargés de filmer la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques. Mais que se passera-t-il si un drone autorisé à voler ne respecte plus le plan de vol ? « Il pourrait avoir été piraté ou le pilote pourrait être forcé à agir sous la contrainte, imagine le général Arnaud Bourguignon, responsable de la protection aérienne des Jeux olympiques. Dans ce cas-là, on ne prendra pas de risque, on le traitera comme un drone qui n’a rien à faire là. »

Après la détection de l’aéronef, vient l’étape de sa neutralisation. Pour cela, l'armée dispose de fusils lasers qui grillent les systèmes électroniques du drone et de fusils brouilleurs. « Un drone arrive vers nous, le gendarme braque son fusil brouilleur vers l’aéronef et le drone est arrêté net », explique le général Arnaud Bourguignon, démonstration à l’appui. La liaison est donc coupée avec le pilote du drone, mais l’engin reste en vol stationnaire.

Le fusil laser grille les systèmes électroniques des drones et permettent de les neutraliser.
Le fusil laser grille les systèmes électroniques des drones et permettent de les neutraliser. © Baptiste Coulon / RFI

Pour l'intercepter, l'armée de l’air a deux options. D’abord, l’utilisation de fusils lanceurs de filets d’une portée de 100 mètres. Le filet fait près de 3 mètres d’envergure et est équipé d’un parachute, de telle sorte à ce que le drone, une fois capturé, ne tombe pas sur le public.

Difficile de connaître précisément l’efficacité de tous ces dispositifs qui constituent le système de lutte anti-drone « Parade » développé par l’armée de l’air. Il y a un an, des « dysfonctionnements » et des retards de livraison étaient relevés avec inquiétude par le sénateur Les Républicains Cédric Perrin, par ailleurs président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat.

Un an plus tard, tout est au point, assure l’armée de l’air qui insiste : c’est la combinaison de tous les dispositifs de lutte anti-drones qui permettra de créer un vrai « dôme protecteur » des sites olympiques. Il y en aura une quinzaine à protéger.

Une menace surévaluée ?

La menace des drones existe donc, mais garde à ne pas la surévaluer, estime Thibault Fouillet : « Je suis un peu plus modéré que Gérald Darmanin [quand il parle de « principale menace à appréhender]. Je pense même qu’il y a un vrai danger à se concentrer sur une unique menace. Ça minore toutes les autres en faisant croire qu’elles n’existent plus ou qu’elles sont sous contrôle. Or, la problématique du terrorisme, c'est précisément que c'est une menace globale. »

Le chercheur y voit surtout un discours politique : « Il y a une nécessité pour le discours public et notamment pour le gouvernement de se saisir de cette question pour montrer sa détermination et prouver qu’ils ont fait le maximum. C’est aussi une manière de se protéger. Quand bien même la menace se concrétiserait, ils seraient épargnés de toute critique sur le manque d’anticipation. »

Du côté de l’armée de l’air, on rappelle la nécessité, pour anticiper la menace, de la traiter le plus en amont possible. En maximisant aussi les efforts sur le renseignement.

À écouter aussiLignes de défense - La difficile parade contre la menace de drones

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