Polluants éternels : un député en croisade contre le « scandale sanitaire » des PFAS

Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain. [Jana Shea/Shutterstock]

« Il y a urgence ! » : le député écologiste de Bordeaux Nicolas Thierry a détaillé jeudi (21 mars) à l’Assemblée nationale sa proposition de loi pour lutter contre le « scandale sanitaire » des polluants éternels ou PFAS, qu’il souhaite faire interdire dès 2025 lorsque des alternatives existent.

Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS (prononcées « pifasses », à l’anglaise) s’accumulent avec le temps dans l’air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu’au corps humain, d’où leur surnom de polluants « éternels ».

Ces molécules sont décrites par certains experts comme « la plus grande menace chimique au XXIe siècle », mais jugées en partie incontournables par l’industrie.

Le député EELV, très sensibilisé aux questions de santé et d’environnement par son vécu de fils et petit-fils de viticulteurs, a dénoncé, dans un entretien à l’AFP, une « inaction coupable des pouvoirs publics » en France, soulignant que les premiers scandales ont éclaté « il y a un quart de siècle » aux États-Unis, portés à l’écran notamment par le film « Dark Waters » de Todd Haynes (2019).

Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en février, recommande de « faire cesser urgemment les rejets industriels » contenant des polluants éternels, « sans attendre de restriction européenne ». Une préconisation saluée par M. Thierry, qui s’interroge cependant sur sa traduction en actes.

« Il y a urgence et il faut faire face, tout de suite amener des réponses politiques à une pollution qui est absolument inédite de par son ampleur », a-t-il déclaré à l’AFP.

Cette loi « sera le tout premier texte » à l’ordre du jour de la journée réservée, ou « niche parlementaire », du groupe EELV à l’Assemblée nationale, le 4 avril, « ce qui signifie que le texte sera débattu et sera soumis au vote » des députés quoi qu’il arrive, a indiqué M. Thierry.

Son texte comporte trois mesures phares : en premier lieu, l’interdiction (fabrication, importation, exportation et mise sur le marché) des produits contenant des PFAS, dès 2025 lorsqu’il existe une alternative et en 2027 pour les autres, avec des dérogations (santé, micro-processeurs pour la transition énergétique).

L’Union européenne réfléchit à une interdiction des PFAS d’ici 2026 pour tous les États-membres, une démarche soutenue par la France. Mais selon Nicolas Thierry, les États-membres n’auront l’obligation de contrôler que vingt PFAS sur des centaines répertoriés.

De plus en plus de PFAS se retrouvent dans les fruits et légumes de l’UE

Les fruits et légumes de l’UE sont de plus en plus contaminés par des pesticides PFAS toxiques, également appelés « polluants éternels », que la Commission a renoncé à interdire l’année dernière. C’est ce que révèle une étude réalisée par plusieurs ONG européennes de protection de l’environnement.

Des personnalités testées

Le député souligne que l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a identifié quatre familles de produits pour lesquelles il est possible de se passer des PFAS tout de suite : les emballages en contact direct avec les aliments, pour lesquels Bruxelles a déjà prévu une interdiction en 2026, les cosmétiques, le fart pour les skis et les textiles.

Autres mesures, l’obligation immédiate de contrôler la présence de PFAS dans l’eau potable sur tout le territoire et l’application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels rejetant des PFAS.

« Cet argent irait aux agences de l’eau qui géreraient un fonds pour accompagner les collectivités dans la dépollution », a expliqué M. Thierry.

Afin d’élargir son audience et de sensibiliser le grand public, l’élu girondin a fait analyser les cheveux de 13 personnalités, parmi lesquelles l’animateur Nagui, l’actrice césarisée Mélanie Laurent, le décathlonien Kevin Mayer ou l’humoriste Nawell Madani.

Outre ces personnalités, lors d’une campagne « Stop PFAS », le député a effectué un tour de France pendant sept mois, faisant réaliser des tests de recherche de douze PFAS à chaque étape auprès de la population locale : 94% des 152 personnes testées avaient au moins un PFAS dans l’organisme, selon M. Thierry.

« Ça reste un tout petit échantillon », a convenu l’élu, qui souhaite faire passer le message que « partout en France, on a très, très peu de chances d’échapper à cette pollution », qu’on soit connu ou citoyen anonyme.

« La question à se poser, c’est pourquoi un député a besoin de faire ça pour alerter ? Ça veut bien dire qu’à un moment, il y a une carence des autorités de l’État et pas que de ce gouvernement, depuis plusieurs décennies », a-t-il ajouté.

Concernant les chances de voir son texte adopté par l’Assemblée, M. Thierry reste prudent, jugeant l’issue « assez incertaine » et craignant un travail de sape du lobby de la chimie.

« J’espère simplement que la santé publique sera une priorité dans la tête des députés », conclut-il.

PFAS dans des fœtus : des conséquences sur la santé à long terme

Un an après la proposition d’interdiction universelle des polluants chimiques éternels, plus connus sous le nom de PFAS, dans l’UE, une nouvelle étude révèle que les PFAS affectent les humains dès le stade du développement du fœtus.

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