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A69

A69 : L’abattage des arbres suspendu, les opposants peuvent redescendre

Les opposants à l'autoroute A69 étaient affamés par la gendarmerie depuis plusieurs semaines.

L’abattage des arbres de la forêt de la Crémade a été suspendu jusqu’au 1er septembre. Les militants qui y étaient perchés ont enfin pu redescendre, après avoir été harcelés et affamés par les gendarmes pendant quarante jours.

Saïx (Tarn), reportage

Une atmosphère particulière régnait sur la zad de la Crem’arbre à Saïx (Tarn), dimanche 24 mars. Après quarante jours de siège policier, les sourires marquaient les visages, les militants se congratulaient et l’air semblait à nouveau respirable. La raison : l’Office français de la biodiversité (OFB) a confirmé lors d’une audition judiciaire, vendredi 22 mars, l’enjeu environnemental fort de la forêt de la Crémade, et donc l’impossibilité pour la société Atosca de défricher cette zone avant le 1er septembre.

C’est une victoire et un répit pour les associations et les militants opposés à l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, qui portaient cet argument depuis des mois dans la presse et devant les tribunaux, pour tenter d’interrompre les abattages.

Les « écureuils » ont enfin pu descendre des arbres qu’ils occupaient depuis quarante jours. © Justin Carrette / Reporterre

Les trois derniers écureuils Anna, Reva et Mira sont donc descendus de leurs arbres, dimanche 24 mars vers 14 heures, après quarante jours perchés dans leurs cabanes dans des conditions extrêmement rudes, en étant notamment privés de ravitaillement et harcelés par les forces de gendarmerie. Au sol, une foule importante les attendait pour les accueillir. « C’est fou, toute cette reconnaissance », lance Anna, l’une des grimpeuses, enlacée par un militant quelques minutes après avoir posé les pieds à terre.

« Cela nous donne de l’espoir pour la suite de la lutte, et légitime encore plus notre combat »

« On n’aurait jamais tenu sans la solidarité et le soutien qui se sont manifestés au sol », poursuit-elle en mâchant un morceau de pain, alors que de nombreuses personnes se relaient autour d’elle pour la remercier de son action. « Sans cette occupation, les arbres auraient été probablement abattus, dit-elle. Cela nous donne de l’espoir pour la suite de la lutte et légitime encore plus notre combat contre l’autoroute. »

À quelques mètres, Reva, un autre « écureuil », entame également la descente depuis son platane. Des cris de joie fusent, des fumigènes craquent et l’émotion est palpable. Lui aussi est accueilli en héros. Une dame lui tend des fraises, dont il se délecte. « C’est un tel bonheur ! », laisse-t-il éclater. « C’est évidemment une victoire collective. Merci à tous et toutes de nous avoir soutenus », poursuit Reva, qui se dit également « très fatigué » de ces quarante jours perché dans son platane.

Après sa descente de l’arbre, Reva est sollicité par de nombreux militants qui lui offrent de la nourriture et le congratulent. © Justin Carrette / Reporterre

« Je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir autant de violence, confie le grimpeur à ReporterreIl y avait vraiment une volonté de la préfecture et des forces de l’ordre de nous tuer à petit feu, avec des agissements de voyous pour nous humilier et nous diminuer physiquement et psychologiquement. »

Une mésange protégée force l’A69 à reculer

Alors que les opposants à l’autoroute A69 se battaient jour et nuit, au sol et dans les arbres, pour sauver la forêt de la Crémade, c’est finalement une mésange qui est parvenue à faire reculer la préfecture du Tarn, son impressionnant dispositif policier et le concessionnaire du projet, Atosca. « La semaine dernière, une militante dans les arbres nous a transmis des photos et des vidéos d’une mésange bleue en train de nidifier », raconte Jean Olivier, membre du comité toulousain contre l’A69. 

« Avec ces éléments, nous avons décidé de déposer une plainte auprès du procureur de Toulouse avec plusieurs associations, pour souligner le fait que l’action de la préfecture et du concessionnaire mettait directement en danger une espèce protégée, poursuit-il. Des experts de l’OFB sont passés sur le site mercredi dernier pour constater la présence de cet oiseau et ont été auditionnés. Ils ont logiquement déclaré que la nidification de cette mésange rendait illégal tout travaux de défrichage avant le 1er septembre. »

Après la descente des « écureuils », les militants ont ramassé les douilles de grenades lacrymogènes qui jonchaient le site. © Justin Carrette / Reporterre

Un peu plus haut sur la route qui borde le bois de la Crémade, le préfet du Tarn, Michel Vilbois, observe attentivement les grimpeurs descendre des arbres, accompagné par une dizaine de gendarmes départementaux. Interrogé sur le harcèlement policier qu’ont subi les écureuils durant les quarante derniers jours, le préfet répond à Reporterre « avoir fait ce qui était nécessaire et ne regretter en rien cette action, puisque les militants occupaient ces arbres illégalement ».

Concernant l’autorisation qu’avait validée la préfecture pour le défrichement de la zone, Michel Vilbois assure « n’être ni un expert, ni un écologue pour parler sur ce sujet ». Il certifie néanmoins qu’avec l’avis de l’Office français de la biodiversité, « aucune coupe d’arbre ne sera effectuée avant le 1er septembre ».

Sur un champ attenant au bois, une conférence de presse est organisée. Les prises de paroles se succèdent pour revenir sur la victoire du jour et les prochaines mobilisations. Reva et Anna, un sandwich à la main, sont chaleureusement applaudis. « Il faut continuer à se battre sur tous les fronts, je suis convaincu qu’une très longue série de victoires se profilent », lance le grimpeur à la foule.

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