Née dans un Lebensborn

Dans un Lebensborn, des femmes et leurs enfants ©Getty - Keystone-France / Contributeur
Dans un Lebensborn, des femmes et leurs enfants ©Getty - Keystone-France / Contributeur
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Gisèle est née dans un Lebensborn. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces maternités nazies ont été implantées dans toute l’Europe pour peupler le Reich d’enfants de "race aryenne". Avec son fils Matthieu, elle retrace l’histoire d’une naissance longtemps restée secrète.

Gisèle est née le 11 octobre 1943. Elle grandit à Jouy-sous-les-côtes, un petit village dans la Meuse.

"C’est terrible : vous faites partie directement de la politique nazie, de l'idéologie nazie"

Un jour, l’année de ses 10 ans, des camarades d'école lui apprennent qu’elle a été adoptée. Pour Gisèle, c’est le choc, "j'ai demandé à ma mère si c’était vrai, elle m’a dit oui", "elle me dit on ne t'avait pas dit parce que t'étais trop petite". Sa mère lui montre son dossier d’adoption, et la jeune fille apprend qu’elle est d’origine allemande, et que son nom a été francisé, "sur ce dossier cartonné, c'était marqué Magula Gisela", "ma mère me dit, tu parlais allemand, donc c'est que tu venais d'Allemagne". Gisèle veut laisser cette histoire de côté, mais la question de ses origines la hante, malgré elle, "à 18 ans, ce dossier commençait à me perturber, j’me dis ou tu veux t'embarrasser la vie avec ton histoire qui va te traîner et qui va te pourrir la vie tout le temps, ou alors, tu vis", "j'ai fait mon choix et j'ai brûlé mon dossier".

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Gisèle Niango et sa mère adoptive
Gisèle Niango et sa mère adoptive

Gisèle se marie, fonde une famille et décide de ne pas révéler à ses enfants qu’elle a été adoptée. Mais son histoire la rattrape une fois de plus aux obsèques de sa mère adoptive. Le jour suivant, elle revoit sa cousine Micheline, qui connaît la vérité sur la naissance et l’adoption de Gisèle. Micheline tient ses informations d’un certain Walter, rencontré aux funérailles d’un instituteur, quelque temps auparavant. Lorsque Walter déclare qu’il est arrivé à Commercy en train, Micheline pense tout de suite à l’histoire de sa cousine. L’homme lui conseille d’écrire au centre d’archives de la croix rouge, à Arolsen. À l’époque, Micheline n’entame pas de démarches.

Mais quand elle relate la rencontre à Gisèle, cette dernière décide de demander son acte de naissance aux archives de la Croix Rouge. À la réception du document, Gisèle vit un deuxième choc, "ils m'ont répondu que j'étais née le 11 octobre 1943, à Wégimont en Belgique", "en fait, je suis née dans un Lebensborn, une pouponnière nazie", "je fais partie de la politique raciale allemande", "c’est terrible : vous faites partie directement de la politique nazie, de l'idéologie nazie".

Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties
29 min

"Les enfants des Lebensborn sont aussi des victimes du nazisme"

Aujourd’hui, si Gisèle apprend petit à petit d’où elle vient, elle en veut toujours à sa mère biologique de l’avoir abandonnée "cette histoire, elle est horrible et le mot n'est pas assez fort", "cette histoire avec les nazis, c'est comme si j'avais un ulcère dans mon corps qui s'ouvre et qui se ferme de temps en temps, mais surtout qui s'ouvre souvent, une maladie, on peut la guérir, mais un ulcère, ça te ronge".

Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties
29 min

L’histoire de Gisèle, c'est aussi celle de ses quatre enfants, tout métis. Matthieu Niango raconte comment il a découvert le passé de sa mère, celui de son adoption et des conditions de sa naissance. Gisèle en sait un peu plus sur sa famille biologique, aussi grâce au soutien et aux recherches menées par ses enfants, "on est allés jusqu'en Hongrie avec ma mère et mon frère Grégoire". Souvent, Matthieu pense à ses ancêtres nazis, et ressent de la honte "moi, je ne sais pas encore qui est mon grand-père, mais ça devait être un gros nazi, un gros SS", "il a dû commettre des choses horribles". Le jeune comme revient sur son métissage avec ironie, "pour les nazis, les métisses ça, c'est vraiment la race de sous-race, ma mère, elle a eu des métis", "on est quand même des descendants d'Aryens".

  • Reportage : Leila Djitli
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Gisèle Niango et Matthieu Niango.

Musique de fin - My Mayhem, Mid Ayr

Pour aller plus loin

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