Maison d'Izieu : les souvenirs de la journaliste Laure Adler qui a aidé à la création du lieu de mémoire

Le jeudi 4 avril, France Bleu Isère sera en direct de 6 heures à 9 heures, depuis la Maison d'Izieu, pour les 80 ans de la rafle des 44 enfants juifs et de leurs 7 éducateurs sur ordre de Klaus Barbie. C'était le 6 avril 1944. Ils sont tous morts gazés en arrivant à Auschwitz, seule une éducatrice reviendra des camps de la mort.

Et donc, cela fait 30 ans que cette Maison existe en tant que lieu de mémoire. Dans la foulée du procès Barbie à Lyon, en 1987, Francois Mitterrand, alors président de la République, avait voulu que la Maison d'Izieu devienne un lieu de mémoire, avec le camp de Gurs et le Vel d'hiv, à Paris.

Commission de travail pour imaginer la Maison d'Izieu

Il avait donc chargé sa conseillère culturelle de l'époque, la journaliste Laure Adler, de s'en charger. Laure Adler se souvient avec émotion de ces trois ans de travail aux côtés de Sabine Zlatin. "Nous avons pu acheter la Maison assez vite, grâce à l'intervention du Président et ensuite j'ai créé une commission, présidée par le magistrat Pierre Truche, qui avait été le procureur général du procès Barbie, composée d'avocats, d'historiens, comme Pierre Nora, d'intellectuels. Ensemble nous avons réfléchi au devenir de cette maison. Et durant ces années, j'ai eu l'extrême chance de travailler avec cette femme exceptionnelle qu'était Sabine Zlatin. Cette maison donne de l'espoir, de la vitalité, de la volonté d'aller de l'avant et à s'opposer à tout type de totalitarisme qui, hélas, ressurgit aujourd'hui."

Lien intime

Laure Adler dit aussi avoir eu la grande joie d'être présente aux côtés du président de la République, François Mitterrand, en avril 1994, pour l'inauguration de la Maison d'Izieu. Était aussi présent son premier mari, l'ethnologue Alfred Adler, dont elle a d'ailleurs gardé le nom pour sa vie publique.

"Et c'est là que mon histoire personnelle se mêle à l'histoire d'Izieu" nous explique-t-elle. En effet Alfred Adler, né en 1934, s'était retrouvé orphelin durant la Seconde Guerre mondiale. Ses parents, juifs, avaient été exterminés par les nazis. Il était donc orphelin et c'est son grand frère, résistant, qui s'occupait de lui et qui l'avait placé à Izieu.

"Mon ex-mari, le père de mon fils aîné, m'a raconté que quand il était tout jeune, ses parents, très religieux, lui avaient enseigné quelques préceptes. Notamment celui de ne jamais s'agenouiller ou de prier devant une croix chrétienne. Or, quand il était à Izieu, Sabine Zlatin, qui voulait donner le change, face à des voisins sourcilleux, demandait aux enfants de prier ostensiblement pour faire diversion. Mais Alfred, par fidélité à ses parents disparus, ne voulait pas et piquait des colères si on l'y obligeait. Alors son grand frère a dû revenir le chercher une semaine avant la rafle et c'est ainsi qu'il y a échappé et qu'il a survécu."

Une leçon de mémoire en lettres de feu

Alfred Adler, ancien enfant d'Izieu, s'était rappelé ses souvenirs lors de l'inauguration de la Maison en 1994 avec Sabine Zlatin. Laure Adler est revenue plusieurs fois, seule, à Izieu. "A chaque fois, c'est la même émotion" nous a-t-elle confié. "C'est la même leçon de mémoire qui s'imprime en lettres de feu, car je trouve que c'est un endroit remarquable et je sais que tous les jours, il y a des enfants qui viennent ici avec leurs enseignants et que tous les jours, il se passe quelque chose à l'intérieur des âmes."